Philippe Croizon, plus qu'un exploit sportif, une aventure humaine
Thalassa diffuse le 30 novembre "Nager au-delà des frontières", un documentaire exceptionnel sur le projet incroyable de Philippe Croizon, un homme amputé des quatre membres : relier les cinq continents à la nage.
Philippe Croizon, c'est cet homme qui, le 5 mars 1994, à l'âge de 26 ans, et alors qu'il est occupé à changer son antenne sur le toit de sa maison, heurte une ligne de 20 000 volts qui le traverse de part en part. De multiples opérations, des centaines jours de rééducation, et une sentence : il doit se faire amputer des deux jambes et des deux bras. Deux mois et demi après ses 4 amputations, ce survivant décide de "vivre pour que mes deux garçons aient quand même un papa".
Nager au-delà des frontières est un documentaire qui suit le défi de deux nageurs, un valide et un handicapé : relier les 5 continents à la nage en moins de 100 jours. A l'origine du projet, il y a Philippe Croizon. Il s'est fait connaître du grand public en 2010 en traversant la Manche. D'autres avaient relevé ce défi avant lui, mais personne ne l'avait fait sans bras ni jambes. Ce succès, réalisé avec Arnaud Chassery, un sportif de haut-niveau, leur a donné envie de réaliser un projet encore plus fou. C'est de là qu'est né celui de relier les cinq continents à la nage. Avant la diffusion du documentaire sur Thalassa, le vendredi 30 novembre à 20h45, Philippe Croizon s'est confié sur cette aventure.
Un dépassement de soi
"Depuis 4 ans, c'est la course. Ça ne s'est pas arrêté depuis 2008, année où j'ai commencé à m'entraîner pour traverser la Manche." Mais alors, pourquoi la nage ? Sur son lit d'hôpital, alors qu'il vient de se faire amputer, Philippe Croizon regarde Thalassa qui diffuse un reportage sur une jeune française qui vient de traverser la Manche. Et il se dit : "Cette jeune fille se bat contre les éléments dans un véritable dépassement de soi. Pourquoi pas moi un jour ?" Cette idée lui reste dans la tête pendant 14 ans, il y pense, en parle à ses parents, "mais personne ne veut me croire". D'autant que Philippe n'avait jamais vraiment nagé avant.
Le dépassement de soi
"Ce que je fais depuis mon accident, c'est que du bonus"
Une nouvelle vie commence, celle d'un handicapé qui va se mettre au sport à l'âge de 40 ans, poussé par un rêve. Il découvre alors "le dépassement de soi". Avec des palmes adaptées, il s'entraîne tous les jours. Les gens n'y croient pas mais l'aident dans son projet. Et quand finalement, à force de persévérance, il réussit, ceux qui l'ont soutenu sont les premiers surpris. Lui qui n'aurait jamais pu aller au bout de ce projet avant son accident explique sa motivation : "Tout ce que je fais depuis mon accident, c'est que du bonus. C'est en faisant de la plongée ou du parapente que je vis." Et il rit de sa propre situation : "Quand j'ai sauté en parachute, je crois que c'est la première fois qu'on voyait un poulet prêt à cuire sauter d'un avion".
Une question de rencontre
En 2010, alors qu'il se prépare à traverser la Manche, Philippe Croizon rencontre Robert Iseni, venu le filmer pour Gedeon Programmes, une maison de production spécialisée notamment dans les documentaires. Le cameraman est séduit par ce duo improbable, leur sympathie, et leur propose de les suivre s'ils ont un autre projet. Du coup, quand ils envisagent de relier les cinq continents, ils pensent à Robert. "Tout est une question de rencontre" conclut le nageur de l'impossible.
Des routards de l'expédition
Mais à ce moment-là, rien n'est fait, comme l'explique Philippe : "le film transpire vraiment ce qu'on a vécu. Nous sommes des routards de l'expédition. Ce n'était pas une grosse production et on a fait avec nos petits moyens, une expédition avec que des problèmes, et on n'a pas lâché le morceau." Ce n'est qu'après leur deuxième traversée, celle de la mer Rouge par l'Egypte et la Jordanie, reliant le continent africain et asiatique, que France 3 les rejoint dans l'aventure. Tout ce qui intéresse Philippe, c'est de réaliser son rêve. Comme il le dit, "Le reste c'est du plus et du plus. Et ce qui est incroyable, c'est que des fois, ça se fait tout seul". Et des fois, il suffit juste de demander. Pour la préparation de Nager au-delà des frontières, il écrit au ministre de la Défense qui accepte qu'il aille s'entraîner à Toulon avec les plongeurs-démineurs.
Une aventure humaine
Ce n'est pas tant la prouesse sportive que Philippe retient de son exploit "mais surtout l'aventure humaine." Lors de la première traversée, alors qu'il tente de relier la Papouasie Nouvelle-Guinée à l'Indonésie, soit l'Océanie à l'Asie, un nageur papou se met à les suivre. "Au début, on a cru qu'il allait nager une heure. Au bout de trois heures, voyant qu'il était toujours là, on lui a donné des barres énergétiques et il a nagé les 7h35 de la traversée avec nous. C'était énorme parce qu'on avait un nageur valide, un handicapé et un papou !" Une anecdote impossible à préméditer.
Un retour à la vie
Au bord de le mer Rouge, il rencontre Paul Sobol, un pionnier de la plongée en mer Rouge, mais aussi rescapé de trois camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. "Ce qui a été incroyable dans cette rencontre, c'est que nous avons tous les deux retrouvé les mêmes sensations : le retour à la vie après les camps pour lui, le retour à la vie après un accident pour moi".
Un moment de communion
Alors quand le film est projeté dans différents festivals et qu'il séduit à chaque fois le public, "c'est une grosse émotion. Je suis heureux car ce film est vraiment un moment de communion. On est allé au bout et on a relié les cinq continents à la nage."
Le programme Nager au-delà des frontières sera diffusé vendredi 30 novembre à 20h35 sur France 3 dans l'émission Thalassa.