Bertolt Brecht : biographie du fondateur du théâtre épique
Biographie courte de Bertolt Brecht - Né en 1898 dans une famille bourgeoise de l'Empire allemand, Eugen Berthold Friedrich Brecht commence l'écriture dès son plus jeune âge. La Première Guerre mondiale éclate en 1914, et le jeune Bertolt publie plusieurs poèmes pour encourager les troupes allemandes. Son point de vue sur la guerre change radicalement lorsqu'il comprend les atrocités de cette dernière. Il commence des études en philosophie, puis en médecine, probablement pour ne pas combattre au front. Il est appelé en 1918 en tant qu'aide soignant à l'hôpital militaire d'Augsbourg, où il est confronté aux vies brisées par la guerre. Cette expérience le marque et influence son œuvre. Bertolt Brecht commence à cette époque la rédaction de pièces de théâtre comme Baal, pour lesquelles il est récompensé en 1922 par le prix Kleist. La même année, il épouse Marianne Zoff (1893-1984). Il travaille ensuite comme assistant metteur en scène au Deutsches Theater de Berlin en 1924. Il divorce et entame une liaison avec Helene Weiglel (1900-1971) qui devient sa deuxième épouse en 1929, une actrice autrichienne juive. Il commence à s'intéresser aux idées de Karl Marx. Sa pièce L'Opéra de quat'sous (1928) connaît un succès et une renommée internationale.
Face à la montée du nazisme au début des années 1930, Bertolt Brecht et sa femme quittent l'Allemagne pour le Danemark, puis la Suède et la Finlande. Ses pièces de théâtre sont interdites, puis brûlées lors des autodafés du 10 mai 1933. Sa nationalité allemande lui est retirée en 1935. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il part pour les Etats-Unis. Sympathisant des idées de Marx, il craint le maccarthysme et arrive en Suisse. Il retourne en Allemagne de l'Est (RDA) en 1948. Bertolt Brecht est à l'origine du théâtre épique et du procédé de la distanciation. Il fonde aux côtés de sa femme un théâtre, le Berliner Ensemble, en 1949. Il soutient les insurrections populaires et ouvrières en RDA de juin 1953. En 1955, il reçoit l'équivalent soviétique du prix Nobel de la paix, le prix Staline pour la paix. Il s'éteint en 1956 à Berlin-Est.
Le théâtre épique et la distanciation chez Bertolt Brecht
Bertolt Brecht possède un point de vue très particulier sur le théâtre. Il s'éloigne du théâtre dramatique traditionnel, où l'identification aux personnages et les sentiments sont des concepts clés. Le théâtre épique (ou dialectique) de Brecht est caractérisé par un recul prononcé du spectateur sur l'action, afin de permettre à ce dernier une réflexion sur ce qu'il voit. Ainsi, une personne qui regarde une pièce de Brecht doit s'interroger, se poser des questions et décortiquer l'action qu'on lui livre. Ce procédé, qu'il théorise dans son Petit organon pour le théâtre (1948) sous le nom de distanciation, est indissociable de l'œuvre dramaturgique de Bertolt Brecht. Pour lui, le spectateur ne doit pas être absorbé par la pièce au point de ne plus pouvoir émettre le moindre jugement ou avis critique dessus. Il doit prendre conscience qu'il est en train de regarder un spectacle. Brecht voit le théâtre comme un moyen d'instruire, il veut que son auditoire se questionne et soit actif durant la représentation. Il en va de même pour les acteurs qui ne doivent pas se plonger pleinement dans leur rôle. Ces derniers ont plutôt intérêt selon lui à prendre de la distance sur le texte et sur leur personnage, pour pouvoir mieux s'approprier leurs attitudes ou encore leurs intonations. Ce concept possède un nom : le gestus. Enfin, Bertolt Brecht donne une place importante au cadre et au choix des décors de ses pièces. Il donne une place très particulière aux ambiances sonores et musicales, ce qui explique sa collaboration avec des compositeurs réputés comme Kurt Weill ou Paul Dessau.
Les pièces de théâtre de Bertolt Brecht
Au total, Bertolt Brecht a écrit et mis en scène près d'une trentaine de pièces de théâtre. Il a 20 ans lorsqu'il commence à rédiger Baal (1918-1919) qui raconte le quotidien d'un poète maudit rongé par la luxure. La première pièce qui vaut à Brecht une reconnaissance critique est Tambours dans la nuit (1919-1920) qui s'inspire de la répression de l'insurrection spartakiste à Berlin. C'est en 1928 avec L'Opéra de quat'sous que la renommée de Brecht devient internationale. Dans cette pièce, l'action se déroule dans le quartier de Soho à Londres, terrain d'affrontement entre deux bandes rivales. Pendant les autodafés de 1933 après l'accession au pouvoir du régime d'Adolf Hitler, les pièces de Bertolt Brecht sont brûlées car jugées contraires à l'idéologie nazie. Profondément marqué par les atrocités et les absurdités des deux guerres mondiales, Brecht les dénonce dans Mère Courage et ses enfants (1941) et dans Schweyk dans la Deuxième Guerre mondiale (1943). Il a également adapté à sa manière des pièces plus anciennes comme La Vie d'Edouard II (1923-1924) ou Antigone (1947-1948). Il est à l'origine d'une biographie théâtrale faisant l'éloge de la vérité scientifique, La Vie de Galilée (1938). On peut aussi citer Maître Puntila et son valet Matti, une pièce de théâtre qui illustre la lutte des classes et dans laquelle affleurent les idées de Karl Marx.
Bertolt Brecht en dehors du théâtre : poèmes, livres, films...
Bien qu'ayant consacré sa vie à la dramaturgie et à la mise en scène de pièces de théâtre, Bertolt Brecht s'est essayé à d'autres formes d'art. Il a notamment écrit plusieurs poèmes, les premiers étant adressés aux soldats pendant sa jeunesse. Il continue d'en écrire pour lui-même, mais aucun d'entre eux n'atteindra le succès de son œuvre théâtrale. On peut citer La croisade des enfants (1939), les Élégies de Buckow (1953-1954) ou encore Le poème aux jeunes. Bertolt Brecht s'est également essayé à l'écriture de romans et de recueils, avec les Histoires d'Almanach (1949) ou Les Affaires de Monsieur Jules César, un récit centré sur un esclave de Jules César qui raconte la vie de son maître. Ce livre, débuté vers 1938 lors de son exil, ne sera jamais achevé.
Bertolt Brecht a participé à l'écriture de scénarios de films pour le cinéma. Parmi les plus connus, Ventres glacés (1932) est censuré en Allemagne car perçu comme de la propagande communiste. Il raconte les difficultés rencontrées par des ouvriers allemands habitant près du lac Müggelsee à Berlin. Brecht y tient le rôle principal. Lors de son exil aux Etats-Unis, il écrit le scénario d'un film réalisé en 1943 par Fritz Lang, Les bourreaux meurent aussi. Le film se déroule à Prague et narre les péripéties d'un docteur tchécoslovaque recherché pour le meurtre d'un officier nazi. Enfin, Brecht est à l'origine des paroles d'un chant ouvrier allemand très connu, l'Einheitsfrontlied ("Chanson du front uni") en 1934. Il est chanté pour la première fois en 1937 par Ernst Busch, un ami qui collabore avec lui sur de nombreuses pièces de théâtre.
Bertolt Brecht : dates clés
- 10 février 1898 : Naissance de Bertolt Brecht
- Eugen Berthold Friedrich Brecht naît le 10 février 1898 à Augsbourg en Bavière (Empire allemand). Il est le fils de Berthold Friedrich Brecht (1869–1939), directeur commercial de la fabrique de papier Haindl, et de Sophie Brecht (1871-1920). Il a un frère cadet, Walter Brecht (1900-1986), qui devient en 1931 professeur à l'université de technologie de Darmstadt au département d'ingénierie du papier. Né dans une famille aisée et pieuse, le jeune Bertolt Brecht est élevé selon les préceptes protestants. Il souffre également de plusieurs problèmes de santé, essentiellement cardiaques.
- 14 août 1956 : Décès de Bertolt Brecht
- Bertolt Brecht meurt le 14 août 1956 à Berlin-Est en RDA d'un infarctus. Il laisse derrière lui plusieurs enfants. Sa fille Hanne Hiob (1923-2009), issue de son premier mariage avec Marianne Zoff, devient actrice et joue parfois dans les pièces de son père. Son fils Stefan Brecht (1924-2009), né de son second mariage avec Helene Weigel, suit les traces de son père en se lançant dans la poésie et la critique de pièces de théâtre. Sa deuxième fille Barbara Brecht-Schall (1930-2015) est aussi actrice. Le corps de Bertolt Brecht est enterré à Berlin dans le cimetière de Dorotheenstadt.