Redressement judiciaire : ce qu'il faut savoir sur la procédure
Le redressement judiciaire est une procédure collective qui permet d'apurer les dettes d'une entreprise, et qui est engagée à la demande de ses dirigeants ou de tiers.
En raison de la crise sanitaire et économique du coronavirus, de nombreuses entreprises se retrouvent en redressement judiciaire. Cette procédure collective engagée lorsqu'une entreprise est en cessation de paiement. Elle vise à apurer ses dettes. Comment est-elle mise en place ? Toutes les entreprises peuvent-elles être placées en redressement judiciaire ? Linternaute.com vous explique tout, pas à pas.
Quelles sont les entreprises concernées par le redressement judiciaire ? Conditions
La procédure de redressement judiciaire s’applique aux entreprises en état de cessation de paiement, c’est-à-dire celles dont la trésorerie disponible n’est pas suffisante pour régler les dettes exigibles, mais qui restent en capacité de poursuivre leurs activités et de préserver les emplois de leurs salariés. Cette situation ne peut pas être confondue avec une simple gêne passagère de trésorerie, ni avec une insolvabilité définitive.
Toute société ou association de droit privé, quels que soient son statut juridique et son secteur d’activité, peut être concernée par un redressement judiciaire. La procédure est également envisageable pour tous les travailleurs indépendants et les professions libérales, y compris les agriculteurs, les commerçants et les auto-entrepreneurs, dont la situation financière n’est pas totalement compromise, ce dernier point étant le plus important.
Un redressement judiciaire peut aussi avoir lieu pour une société en cessation de paiement dont le ou la dirigeant(e) vient de décéder. La procédure est alors lancée par ses héritiers, par le ministère public ou par tout créancier se manifestant.
Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs d'aide aux entreprises, comme le fonds de solidarité ou le chômage partiel. Dès le mois de mars, il a également mis sur pied un dispositif de Prêt garanti par l'Etat (PGE), qui s'adresse à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Il constitue un prêt de trésorerie, dont le montant peut s'élever jusqu'à trois mois de chiffre d'affaires. Vous souhaitez en savoir plus ? Consultez notre article dédié :
Quand, et comment en faire la demande ?
Dès qu’une entreprise est en cessation de paiement, soit dans l’impossibilité de payer ses dettes exigibles avec sa trésorerie disponible, la procédure de redressement judiciaire peut être enclenchée par le ou les dirigeants, par un créancier en attente de paiement d’une somme due, ou par le procureur de la République.
Lorsqu’elle est initiée par la société endettée, la demande doit avoir lieu dans les 45 jours suivant la constatation de la cessation de paiement. Au-delà de ce délai, la procédure est toujours valide certes, mais les chefs d'entreprises peuvent s’exposer à des sanctions légales, par exemple une mesure d’interdiction de diriger une société.
Un représentant légal peut se charger d’initier la procédure lorsque les dettes sont dues par une personne morale (société, association). Il est possible que le tribunal compétent s’autosaisisse de la procédure de redressement judiciaire, dans l’éventualité où une procédure de conciliation aurait déjà été menée au préalable et où cette dernière aurait échoué.
Comment se déroule la procédure de redressement judiciaire ? Quelles conséquences ?
La procédure est ouverte au tribunal judiciaire compétent pour les entreprises, ou au tribunal de commerce pour les artisans et les commerçants. La demande est réalisée via le document Cerfa n°10530*01, qui est transmis au greffe du tribunal. La compétence territoriale du tribunal dépend du lieu où se trouve le siège de la société. Un examen préliminaire permet de savoir si l’entreprise est en état de poursuivre ou non ses activités, auquel cas il y a ouverture du redressement judiciaire. Sinon, le tribunal invite les dirigeants à opter plutôt pour une liquidation judiciaire.
Après ouverture du redressement judiciaire, une période d’observation de 6 à 18 mois est lancée pour réaliser un bilan économique et social de l’entreprise, déterminer la date de cessation des paiements, ainsi que les actifs disponibles et les passifs exigibles. Si l’entreprise a plus de 20 salariés ou réalise plus de 3 000 000 € de chiffre d'affaires, un mandataire ou administrateur judiciaire est automatiquement désigné. Selon les cas, ce dernier assume tout ou partie de la gestion de l’entreprise.
À l’issue de la période d’observation, un plan de redressement d’une durée maximale de 10 ans peut être mis en place pour réorganiser la société, assurer la continuité de son activité, si elle est viable, et apurer les dettes. Les créanciers peuvent participer à l’élaboration de ce plan, et aider à trouver des solutions pertinentes. Pour assurer la survie de l’entreprise, des licenciements sont souvent prévus par ce plan, de même que le départ d’un ou plusieurs dirigeants de l’entreprise, qui seront indiqués dans le jugement.
Toutefois, le tribunal peut opter pour d’autres actions si un plan de redressement n’est pas envisageable, comme la cession partielle ou totale de l’activité. Dans ce cas de figure, les salariés sont non pas licenciés, mais transférés dans l’entreprise reprenant l'activité. Il arrive aussi que les dirigeants débiteurs disposent en réalité des fonds nécessaires pour payer l’ensemble des créanciers et des frais de justice, sommes révélées durant la période d’observation. Le cas échéant, la procédure est clôturée.
Quid du paiement des salaires ?
Lorsqu’une entreprise est en redressement judiciaire, les salariés n’ont pas besoin de déclarer leurs créances, contrairement aux autres créanciers qui doivent, eux, se manifester pour être payés. Le mandataire judiciaire chargé de la procédure vérifie les salaires dus, ainsi que les indemnités de congés payés ou celles de licenciement dues. Le relevé de ces créances dites salariales est communiqué aux équipes, et publié dans un journal d’annonces légales. Si des sommes manquent, les salariés peuvent contester le relevé dans un délai de deux mois, suite à sa publication dans le journal.
Si la trésorerie le permet, le paiement des salaires est effectué par le mandataire judiciaire, en sachant que les salariés sont toujours prioritaires par rapport aux autres créanciers de l’entreprise. Cela signifie qu’ils seront payés en premier avec les fonds disponibles. Si les fonds manquent, la rémunération des salariés est assurée par l’assurance de garantie des salaires (AGS), qui est obligatoirement souscrite par les entreprises. Là encore, aucune démarche n’est à accomplir : le mandataire judiciaire saisit l’AGS directement.
Toutefois, il est important de savoir que l’AGS assume uniquement les salaires dus avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, ceux dus après restant à la charge de l’entreprise. L’AGS assume, en outre, le paiement des indemnités de licenciement, et ce quelle que soit la date de la rupture du contrat (avant comme après la procédure).
Comment savoir si une entreprise est en redressement ? Peut-on dénicher une liste des entreprises concernées ?
Pour les créanciers, il est essentiel de savoir si une entreprise en difficulté fait l’objet d’un redressement judiciaire pour espérer être payés. En effet, ils ne disposent que de 2 mois pour réclamer leur participation à la procédure et déclarer leurs créances, à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc).
Par ailleurs, suite à l’ouverture de la procédure de redressement, toutes les dettes sont gelées, les poursuites en cours suspendues, et il est impossible d'engager de nouvelles poursuites contre l’entreprise. Les intérêts et majorations dus sont également suspendus.
Heureusement, les créanciers sont (en principe) prévenus dans un délai de 15 jours suite à l’ouverture de la procédure pour leur laisser le temps de la rejoindre. Les créanciers ayant des sûretés de type gage ou hypothèque sont même avertis par lettre recommandée avec avis de réception par le liquidateur ou le représentant des créanciers.
La procédure de redressement judiciaire étant publique, les créanciers ont la possibilité de s’informer par eux-mêmes de son ouverture, sans attendre d’être contactés. Pour cela, il suffit de consulter le Bodacc ou le site Infogreffe, en se munissant de la dénomination sociale de l’entreprise, ou de son numéro d’immatriculation RCS / RM.