Tiers payant : où en est-on de la généralisation ?
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a stoppé en novembre 2017 le lancement du tiers payant généralisé à tous les patients pour des raisons "techniques". La mesure n'est pas abandonnée, mais le calendrier de mise en place reste flou.
C'était la réforme phare du quinquennat Hollande dans le domaine de la santé : la généralisation obligatoire du tiers payant à tous les patients. Le tiers payant correspond à une dispense totale ou partielle d'avance de frais lorsque vous vous rendez chez votre médecin ou chez votre pharmacien. Prévue pour le 1er décembre 2017, la généralisation de la mesure a été reportée par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui a évoqué des difficultés "techniques". En réalité, ce report n'est guère surprenant car Emmanuel Macron s'était prononcé contre la mise en place obligatoire du tiers payant pour les médecins pendant la campagne présidentielle. Le 21 février 2017, lors d'un meeting, le candidat Macron déclarait : "Je propose un tiers payant non pas généralisé mais généralisable, c'est-à-dire à la main des professionnels, pour permettre son augmentation régulière." Exit donc l'obligation pour les médecins de pratiquer le tiers payant de manière systématique prévue par l'ancienne majorité gouvernementale.
Qu'est-ce que le tiers payant ?
Le tiers payant est une dispense d'avance de frais lorsque vous vous rendez chez un professionnel de santé. Dans certains cas, le tiers payant est obligatoire. Ainsi, si vous bénéficiez de la Couverture maladie universelle complémentaire (une protection complémentaire gratuite attribuée sous conditions de ressources), de l'Aide médicale d'État ou de l'Aide à l'acquisition d'une couverture maladie complémentaire, vous bénéficiez automatiquement du tiers payant. Idem si vous êtes victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, si vous êtes hospitalisé dans un établissement sous convention avec l'Assurance maladie ou si vous bénéficiez d'un acte de dépistage organisé. Enfin, depuis janvier 2017, les femmes enceintes (prise en charge à 100% des frais médicaux à partir du sixième mois de grossesse jusqu'au 12e jour après l'accouchement) et les patients atteints d'une affection de longue durée (ALD) sont également dispensés d'avance de frais pour leurs consultations médicales, qu'il s'agisse d'une visite chez un généraliste ou un spécialiste. Actuellement, près de 11 millions de personnes n'ont pas besoin d'avancer leurs frais de santé.
A quand le tiers payant généralisé à tout le monde ?
Depuis le 1er janvier, les médecins peuvent, sans obligation, proposer le tiers payant à tous leurs patients, pour les frais couverts par l'Assurance maladie et les complémentaires. Malgré le coup de frein mis par la ministre de la Santé, paradoxalement la réforme continue à avancer pas-à-pas. Une concertation a eu lieu au début de l'année entre "les représentants des usagers, les assurances maladie obligatoires et complémentaires et les éditeurs de logiciel", comme l'explique un rapport publié par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié en mars. Les auteurs du rapport évoquent une "montée en charge" du tiers payant généralisable "prévisible sur quatre ans, 2018-2021" et soulignent aussi que "le tiers-payant est pratiqué de manière massive par certains professionnels de santé (pharmaciens pour 99 % des actes notamment), [que] cette pratique progresse mais reste limitée pour les actes médicaux, avec 28 % de ces actes en tiers-payant en 2017 hors cas d'obligation légale".
Les conditions pour bénéficier du tiers payant
Pour actionner le tiers payant, il faut impérativement présenter votre carte Vitale ou une attestation de droit à jour. Si votre situation change (notamment pour les femmes enceintes ou les patients en ALD), il est essentiel que votre profil soit bien mis à jour auprès de l'Assurance maladie. Si le praticien dispose d'un lecteur de carte Vitale, la gestion du tiers payant est automatique. Sinon, votre médecin doit cocher la case qui permet de signaler que vous n'avez pas payé la part obligatoire et vous devez remplir la feuille de soin. Pour la prise en compte du tiers payant de la mutuelle, le praticien doit disposer d'un matériel informatique dans lequel il pourra enregistrer les références de votre carte de complémentaire santé. Celles-ci lui permettront de recevoir la part qui lui revient. Si ce n'est pas le cas, l'assurance maladie communiquant avec la mutuelle, cette dernière sera avertie de votre dépense et versera sur votre compte la somme qui vous revient. En cas de défaillance de ce processus, il suffit de joindre les photocopies des ordonnances et de la feuille de remboursement de la Sécurité sociale pour obtenir la prise en charge de la mutuelle. Mais cela vous demandera de la patience.
Est-ce qu'un professionnel peut refuser le tiers payant ?
Oui. Un professionnel peut refuser d'accepter le tiers payant sauf dans les cas obligatoires (CMUC, Aide médicale d'Etat...) Rien ne l'oblige à accepter. Mais dans les faits, il sait qu'un refus peut lui faire perdre des patients ou des clients...
Si on refuse un médicament générique, que se passe-t-il ?
La situation est simple. Si vous refusez un médicament générique à la pharmacie, vous ne bénéficierez pas du tiers payant. Vous devrez alors payer de manière classique les frais liés à votre ordonnance. Vous serez remboursé ensuite après avoir envoyé votre feuille de soin et votre copie d'ordonnance à votre caisse de sécurité sociale.
Le tiers payant est-il pratiqué par les dentistes ?
Oui. Le tiers payant est obligatoire dans les cas suivants :
- soins dispensés à un patient au cours d'une hospitalisation dans un établissement de santé public ou privé sous convention avec l'Assurance Maladie ;
- soins dispensés à un patient victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ;
- soins dispensés à un patient bénéficiant d'une pension militaire d'invalidité ;
- soins dispensés à un patient bénéficiaire de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire ;
- soins dispensés à un patient bénéficiaire de l'aide médicale de l'État (AME) ;
- examens de prévention bucco-dentaire dispensés aux enfants ou adolescents âgés de 6, 9, 12, 15 et 18 ans, et aux femmes enceintes du 4e mois de grossesse jusqu'au 12e jour après l'accouchement ;
- soins dispensés à un patient bénéficiaire de l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS), dès lors qu'il a souscrit un contrat de complémentaire sélectionné par le ministère de la Santé, figurant sur la liste des offres, depuis le 1er juillet 2015 ;
- soins dispensés à un patient en affection de longue durée (ALD) ou pris en charge au titre de l'assurance maternité (pour plus de détails, lire Le tiers payant ALD et maternité) ;
- soins en lien avec un acte de terrorisme
En fonction de votre situation, vous devez fournir les pièces justificatives suivantes lors de votre rendez-vous : la feuille d'accident du travail ou de maladie professionnelle pour un patient victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ; l'attestation CMU délivrée par la caisse d'assurance maladie, pour un patient bénéficiaire de la CMU complémentaire ; l'attestation d'admission à l'AME, pour un patient bénéficiaire de l'AME. Si vous ne rentrez pas dans l'un de ces critères, votre dentiste peut tout de même vous proposer le tiers payant depuis le 1er janvier, mais ce n'est pas une obligation.
Le tiers payant est-il proposé par les opticiens ?
Oui. Le tiers payant peut vous être proposé par votre opticien. Pour cela, il faut absolument avoir une ordonnance du médecin. Souvent les opticiens pratiquent simultanément le tiers payant de la sécurité sociale et celui de la mutuelle. Vous choisissez vos lunettes, et l'opticien interroge votre mutuelle pour connaître le plafond remboursé. Si vos lunettes ne dépassent pas le plafond, vous n'aurez rien à régler, la Sécurité sociale et votre mutuelle régleront directement le professionnel. En revanche, si le plafond est dépassé, vous devrez payer la différence que l'on appelle reste à charge.
Des complémentaire santé proposent-elles le tiers payant ?
Lorsque vous vous rendez chez le médecin, si ce dernier vous propose le tiers payant, vous n'avancerez pas les frais remboursés par la Sécurité sociale. Toutefois il reste à votre charge le ticket modérateur, c'est-à-dire les frais qui dépassent le plafond de remboursement fixé par la Sécurité sociale. Par exemple, pour une consultation chez un médecin généraliste, le montant du ticket modérateur est de 7,5 euros pour un tarif de consultation de 25 euros. A cela s'ajoute, la participation forfaitaire de 1 euro. Il reste à votre charge 8,5 euros. Certaines mutuelles peuvent vous proposer le tiers payant sur ces frais. Sur présentation de votre carte d'assurance, vous n'aurez aucun frais de santé à avancer chez le professionnel. Si pour les achats en pharmacie, le tiers payant est proposé par l'ensemble des contrats de complémentaire santé, ce n'est pas forcément le cas lorsque surviennent une hospitalisation, un acte de radiologie, des analyses en laboratoire, des frais d'optique, une prise en charge des transports, certains soins dentaires... Pour savoir quelles dispositions sont prévues dans votre contrat d'assurance santé, n'hésitez pas à interroger votre assureur ou votre mutuelle.