Covid chez l'enfant : un danger plus grand que prévu ? Derniers chiffres et dernières études
CORONAVIRUS ENFANTS. Le Covid-19 est-il une menace pour les enfants et pour leur entourage, alors que la France a fait le choix depuis mai de maintenir ouvertes les écoles ? Après une avalanche d'études et de chiffres depuis plus d'un an, les scientifiques restent divisés...
La rentrée scolaire de janvier 2021 et l'émergence du variant anglais du coronavirus sont-ils en train de provoquer une explosion des cas de Covid chez les enfants en France ? C'est la question qui se pose depuis le début de l'année, alors que les yeux sont rivés sur le taux de positivité des tests chez les enfants de 0 à 9 ans. Franchissant la barre des 10% début janvier, ce dernier se stabilise depuis autour des 8% selon les derniers chiffres de Santé publique France, communiqués via son site Géodes. Un niveau élevé, supérieur au taux de positivité en population générale (7,1%), mais semblable à celui observé dans les semaines qui avaient suivi les vacances de la Toussaint. Dans son dernier point épidémiologique, l'agence de santé française indique par ailleurs que ce niveau assez haut est concomitant avec "une très forte augmentation du taux de dépistage (+38%) dans le contexte de la reprise scolaire".
Alors que l'impact du Covid chez l'enfant inquiète, le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a de son côté réitéré depuis la mi-janvier sa volonté de laisser les écoles ouvertes en France. Selon lui, les cas de Covid dans les écoles seraient en effet sur la "même courbe" de contagion qu'après les vacances de la Toussaint. "Là on est sur une sorte de plateau, il faut espérer que ce soit comme une cloche", a-t-il notamment indiqué sur France info dernièrement. Sur RTL le 22 janvier, Jean-Michel Blanquer chiffrait même le taux de positivité en milieu scolaire à "seulement" 0,3%. Des chiffres qui se basaient uniquement sur les tests antigéniques réalisés lors des opérations de dépistage massif organisées dans les écoles, collèges et lycées, comme l'a rappelé Le Parisien.
Ce "haut plateau" de contaminations semble en tout cas avoir assez peu de conséquences sur les hospitalisations en pédiatrie à ce stade, selon les dernières statistiques françaises. Mais la question de la contamination de leur entourage par les enfants, et donc de l'effet levier des écoles sur l'épidémie, reste quant à elle posée. Une des dernières études scientifiques publiées sur la question est à ce titre préoccupante. Mise en ligne le 18 janvier dans la revue The Lancet, cette étude, menée par des chercheurs chinois et américains, visait à analyser la transmission du Covid dans les foyers, grâce à un échantillon de plus de 29 500 cas positifs à Wuhan, berceau de l'épidémie. Les conclusions des signataires sont claires : "si les enfants et les adolescents sont moins sensibles à l'infection que les adultes, ils sont plus contagieux une fois infectés que les plus de 20 ans", ont ainsi écrit les scientifiques. "Une fois infectés, les enfants et les adolescents sont aussi susceptibles que les adultes de développer des symptômes, mais beaucoup moins susceptibles d'avoir une maladie grave", mais l'échantillon a démontré que "les cas de moins de 20 ans sont près de 60% plus susceptibles d'infecter d'autres personnes que les cas de 60 ans ou plus". Ce travail, de par son échantillon très large et ses conclusions, semble fixer un nouveau paradigme après les nombreuses autres études, souvent contradictoires, qui se sont accumulées depuis un an sur la contagiosité des plus jeunes.
Seul consensus sur le Covid chez l'enfant : l'incertitude
Après plus de douze mois d'accumulation de données et de connaissance sur le coronavirus, beaucoup de questions restent en effet sans réponse. "Pour le moment, un certain nombre d'études tendent à montrer que plus un enfant est jeune, moins il est contagieux pour ses proches. S'il n'est pas considéré comme 'fragile', un enfant de moins de dix ans aura également moins de chances de développer des formes graves de la maladie", affirmait toujours Christophe Delacourt, président de la Société Française de Pédiatrie et chef du service pneumologie de l'Hôpital Necker, dans l'Express fin 2020. "Mais pour le moment, un certain nombre de points restent encore très flous sur le sujet, notamment sur les raisons de cette faible contagiosité". "Si on regarde les données de la littérature (scientifique), ce n'est pas si clair que ça", a abondé dès la fin d'année auprès de l'AFP l'épidémiologiste Dominique Costagliola, membre de l'Académie des sciences et directrice adjointe de l'Institut Pierre-Louis d'épidémiologie et de santé publique.
Des plus optimistes au plus alarmistes, tous les scientifiques ou presque, s'accordent sur ce point : concernant le Covid et l'enfant, rien n'est sur à 100%. La littérature scientifique est parfois (souvent) contradictoire et compte tenu de l'enchaînement de confinements et de périodes de vacances, qui tiennent peu ou prou les élèves éloignés des classes, avec parfois une circulation basse du virus, on manque encore de données fiables pour un diagnostic précis. Comme l'a rappelé le journaliste médico-scientifique Marc Gozlan dans Le Monde début novembre, en tentant d'établir lui aussi un large état des lieux, de nombreux pédiatres et scientifiques dans le monde alertent sur cette méconnaissance qui perdure concernant l'impact pédiatrique du coronavirus. "Il est temps de donner la priorité aux enfants et aux jeunes pendant la pandémie mondiale", ont exhorté Alasdair Munro et Saul Faust, deux pédiatres mondialement reconnus, dans la revue américaine spécialisée JAMA Pediatrics le 25 septembre dernier.
Que disent les statistiques sur le Covid-19 chez les enfants ?
L'état des connaissances sur le Covid-19 chez les enfants commence par une avalanche de chiffres. A l'échelle mondiale, la part des cas pédiatriques de Covid-19 est estimée entre 1% et 5% de l'ensemble des cas selon les plus grosses études, qui commencent elles-mêmes à dater. Pour l'Union européenne, la proportion de malades âgés de 18 ans et moins est également sous les 5% selon un rapport de l'Agence européenne pour la prévention et le contrôle des maladies publié début août et relayé par Santé publique France. Une méta-analyse, publiée le 25 septembre par JAMA Pediatrics (du Journal of the American Medical Association) et coordonnée par des chercheurs de l'Institute of Child Health de Londres, a permis de regrouper les résultats de 32 études réalisées dans 21 pays, principalement en Asie de l'Est et en Europe. Selon elle, les enfants et adolescents de moins de 20 ans auraient 44% de risque en moins d'être infectés par le coronavirus par rapport aux adultes. Compte tenu de la diversité des études, peu d'enseignements sont en revanche tirés sur leur contagiosité et sur les différences entre classes d'âges. Concernant les complications, une étude statistique, menée aux Etats-Unis et publiée lété dernier par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, estime qu'entre mars en juillet 2020, le taux d'hospitalisation des enfants était 20 fois moins important que celui des adultes.
Les statistiques françaises sont à l'avenant. "Les facteurs de division du risque par rapport aux adultes sont de l'ordre de 1/10 000 pour les décès, de 1/1000 pour les formes graves, 1/100 pour les hospitalisations, 1/3 sur le pourcentage de PCR positives. Ceci est particulièrement vrai chez l'enfant de moins de 10 ans", affirmait l'Association française de pédiatrie ambulatoire dès le mois de mai 2020, au moment du déconfinement et donc d'un premier retour à l'école pour les millions d'enfants en France. Depuis, les données déversées chaque semaine par l'agence Santé publique France sans discontinuer semblent aboutir au même constat.
Dans son dernier bulletin hebdomadaire, Santé publique France estimait ainsi que le taux d'incidence en semaine 02 (du 11 au 17 janvier 2021) était de 94 cas pour 100 000 chez les 0-14 ans, en forte hausse depuis le début de l'année, mais avec toujours deux à trois fois moins de cas que dans les autres classes d'âge. L'augmentation observée a été rapprochée à "une très forte augmentation du taux de dépistage (+38%) dans le contexte de la reprise scolaire". Santé publique France dénombrait aussi 43 enfants hospitalisés pour Covid et 7 en réanimation à l'échelle du pays la même semaine, soit une portion très infime des patients hospitalisés (moins de 1%). Les plus jeunes seraient donc statistiquement les moins touchés et les moins sujets aux complications, même si celles-ci existent.
Que disent les études sur les enfants et le coronavirus ?
La majorité des études sur le Covid chez l'enfant reste pour l'instant principalement basée sur les statistiques, même si des études plus orientées sur l'observation clinique (observation du patient) ou des méthodes scientifiques au sens strict (analyse en laboratoire du SARS-Cov-2, des capteurs, de l'ARN, de sa résistance...) ont aussi été menées. Elles indiquent pour la plupart que les enfants semblent moins touchés et souffrent de formes visiblement moins graves de la maladie. Très souvent, les enfants sont asymptomatiques ou "peu symptomatiques" concluent en substance les différents articles publiés sur le sujet. Dès le 24 février 2020, la revue scientifique en ligne JAMA informait que sur les 72 314 premiers cas de coronavirus répertoriés alors en Chine, seuls 2% étaient des enfants et adolescents de moins de 19 ans et qu'il n'y avait aucun décès chez les enfants de moins de 9 ans. Des chiffres semblables à ceux dévoilés par la mission conjointe Chine-OMS fin février. D'autres études publiées dans la même revue (ici ou ici), dans le Lancet, le reconnu Pediatric infectious didease, le site Pediatrics, ou encore des études plus locales, indiquent que les enfants semblent rarement atteints par le Covid-19 et que, quand ils le sont, ils sont touchés par des formes peu sévères (de "asymptomatique" à "modérée").
Difficile de détailler l'intégralité des études publiées, mais en juin 2020, une étude publiée dans la revue Nature a révélé que les personnes de moins de 20 ans étaient environ deux fois moins susceptibles de contracter le virus que celles de plus de 20 ans. Dans le monde, "les formes critiques de la maladie chez les enfants semblent très rares (autour de 1% du total)" et "seule une poignée de cas de décès a été rapportée", résumait aussi début mai le site Don't Forget The Bubbles, spécialisé dans la pédiatrie, et qui a analysé toutes les études sur le sujet.
Une série d'études menées en France
Pour ce qui est de la France, le constat est partagé par plusieurs d'autres publications mentionnées sur le site de la Société française de pédiatrie. Parmi les travaux les plus marquants sur l'impact du Covid chez les enfants, une étude a été menée entre le 2 mars et le 26 avril 2020 par plusieurs pédiatres et et médecins hospitaliers en service de pédiatrie, membres de l'Association Clinique et Thérapeutique Infantile du Val-de-Marne (ACTIV) et du Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique de Paris (GPIP). Les résultats, en prépublication sur le site MedRxiv, montrent que sur plus de 52 500 tests RT-PCR, la proportion d'enfants contaminés s'est avérée 3 à 4 fois moins élevée que celle des adultes.
Au cours de la période d'étude, du 2 mars au 26 avril 2020, 52 588 tests RT-PCR ont été réalisés pour le SARS-CoV-2, dont 6490 chez les enfants (12,3%) et 46 098 chez les adultes (87,7%). Le taux cumulé de tests positifs pour les enfants était de 5,9%, soit 3,5 fois moins que celle des adultes, 20,3%. L'étude divise ensuite l'analyse selon des périodes clés : du début de l'épidémie jusqu'au 15 mars, seulement 3,1% des 1690 échantillons pédiatriques étaient positifs, soit 4,5 fois moins que pour les adultes (13,8% sur 8155 adultes) ; au plus fort de l'épidémie nationale, le 30 mars, 9,7% des 877 échantillons pédiatriques étaient positifs, soit 2,8 fois moins que pour les adultes (27,2% des 7557 échantillons d'adultes) ; la semaine du 20 avril, 3,4% des 960 échantillons pédiatriques étaient positifs, soit 2,2 fois moins que pour adultes (7,6% des 6791 échantillons d'adultes). Le rapport de risque des tests RT-PCR-positifs SARS-CoV-2 pour les adultes par rapport aux enfants était de 3,5 (IC 95% [3.2;3.9]) pour toute la durée de l'étude. Pour Paris, au début de l'épidémie, le ratio de risque était de 7,1 (IC 95% [4,3;11,7]), alors qu'il a varié entre 3 et 4,9 au cours des semaines suivantes.
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Une autre étude baptisée "Coville", pilotée par le pédiatre et infectiologue à l'hôpital de Créteil (Val-de-Marne) Robert Cohen, a été menée sur plusieurs centaines d'enfants avec le soutien de l'Association française de pédiatrie ambulatoire. L'étude, présentée sur le site ClinicalTrials.gov puis sur Medxiv en prépublication n'a pas vu ses résultats publiés plus formellement dans une revue à ce stade. Robert Cohen en a détaillé les résultats dans la presse début juin. Il concluait en bref que "les enfants semblent moins contaminés et moins contaminants". Selon lui, "cette maladie touche essentiellement les adultes, les formes les plus graves et les décès survenant quasi exclusivement chez des sujets âgés ou présentant des comorbidités". En mai, Robert Cohen qualifiait déjà le Covid-19 de "maladie d'adultes" et avançait que le risque de contracter le coronavirus était "extrêmement faible" chez l'enfant, "on peut dire mille fois inférieur à celui chez l'adulte".
En résumé, l'étude Coville portait sur 605 jeunes patients de moins de 15 ans, suivis par 27 pédiatres de ville, entre le 14 avril et le 12 mai. L'étude précise que 46,8% (soit 283) présentaient des symptômes légers, allant d'une simple toux à de la fièvre, en passant par des diarrhées ou des pertes de goût. A l'inverse, plus de la moitié (53,2% soit 322) étaient asymptomatiques, même si une part (118 enfants) avaient connu des symptômes en amont des tests. Les équipes de Robert Cohen ont établi que seuls 11 enfants (moins de 2%) ont eu un test PCR positif, montrant que le SRAS-CoV-2 était actif chez eux. Ils étaient pourtant 65 (10,7 %) à afficher un test sérologique positif, signe cette fois qu'ils avaient développé des anticorps contre le coronavirus.
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Une autre étude, pilotée cette fois par Arnaud Fontanet, épidémiologie des maladies infectieuses et tropicales à l'Institut Pasteur, a porté sur les enfants, parents et enseignants de six écoles primaires de Crépy-en-Valois, commune française très touchée au début de l'épidémie, dès le mois de février 2020. Cette étude, réalisée rétrospectivement à la fin avril, avec le soutien de l'Agence régionale de la santé des Hauts-de-France et de l'Académie d'Amiens, a vu ses conclusions publiées fin juin sur le site de l'Institut Pasteur et détaillées une fois encore sur MedRxiv. "Les enfants ont fait des formes mineures de la maladie, avec des manifestations cliniques peu évocatrices", conclue Pasteur, qui mentionne la diarrhée et la fatigue comme seules manifestations de la maladie chez certains enfants infectés.
En résumé, entre le 28 et le 30 avril 2020, une étude rétrospective a été menée auprès des élèves, de leurs parents et de leurs proches, ainsi que du personnel des écoles primaires exposées au SRAS-CoV-2 en février et mars 2020 à Crépy-enValois. Pour chacun, un questionnaire devait livrer une série d'information notamment sur les symptômes ressentis dans les derniers mois et un test sérologique devait détecter la présence pou non d’anticorps au SARS-CoV-2. Sur les 1340 personnes incluses dans l'étude, 139 ont été infectées par le virus, ce qui représente 10,4% de la population étudiée. Par type de population, la proportion de patients infectés était de 45 sur 510 (8,8%) chez les enfants, 3 sur 42 (7,1%) chez les enseignants, 1 sur 28 (3,6%) chez les personnels non enseignants, 76 sur 641 (11,9%) chez les parents d'élèves et 14 sur 119 (11,8%) chez les proches. "Les enfants ont fait des formes mineures de la maladie, avec des manifestations cliniques peu évocatrices", conclue Pasteur qui mentionne la diarrhée et la fatigue comme seules manifestations de la maladie chez certains enfants infectés. "La proportion de formes asymptomatiques parmi les personnes infectées a été estimée à 8/81 (9.9%) chez les adultes, et à 24/58 (41.4%) chez les enfants".
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NB : une autre étude de l'Institut Pasteur à Crépy-en-Valois a depuis démontré qu'au sein du lycée de la ville, les élèves avaient été beaucoup plus nombreux à être touchés, comme les enseignants et les personnels. Cette étude est détaillée plus bas.
Il est important de préciser que la très grande majorité des études portant sur le Covid chez l'enfant en France ont été réalisées en période de confinement, alors que les écoles avaient leurs portes fermées, ce qui a pu freiner en soi la propagation du virus dans cette population. Les connaissances sur le coronavirus chez l'enfant devraient donc continuer à s'affiner. Pour avoir une vue globale, le réseau national de recherche clinique pédiatrique Pedstart (un des réseaux thématiques de F-CRIN, porté par l'Inserm), a mis en place mi-avril "une Task Force qui vise à regrouper toute l'information concernant la population pédiatrique infectée". Celle-ci recense depuis "en temps réel les études cliniques menées en France sur le Covid-19 chez les enfants" (dont certaines sont mentionnées sur le site de la Société française de pédiatrie) et étudie "l'impact du Covid-19 sur la recherche clinique pédiatrique française et européenne".
Une autre initiative, baptisée "Pandor", est soutenue par l'Association clinique et thérapeutique infantile du Val-de-Marne (ACTIV) et la Société française de pédiatrie. Une troisième, de plus long terme, est en cours via une coopération entre l'hôpital Necker à Paris et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). 1000 enfants venus consulter pour tous types de motifs sont testés ainsi qu'un de leurs parents. Les cas positifs seront suivis pendant un an.
Des doutes sur la relative innocuité du Covid chez l'enfant
Malgré des études et des chiffres rassurants, certaines données ont de quoi semer le doute. Les premières études contradictoires sont arrivées des Etats-Unis pendant l'été et à la rentrée 2020. L'Académie américaine de pédiatrie a communiqué début septembre dans un rapport des données préoccupantes montrant une forte hausse du nombre de cas, des hospitalisations mais aussi des décès liés au Covid-19 chez les enfants et les adolescents pendant l'été. Une hausse qui dépassait celle de l'ensemble de la population américaine, tous âges confondus. Les données, recueillies entre le 21 mai et le 20 août, variaient d'un Etat à l'autre, mais l'augmentation constatée semblait globale. Fin mai, environ 5% des cas étaient recensés chez des mineurs. Le 20 août, ce chiffre était passé à plus de 9%. Alors que dans certains Etats, les écoles avaient effectué leur rentrée scolaire au milieu de l'été, le nombre total d'enfants infectés avait doublé. Le nombre de cas recensés au quotidien a quant à lui explosé de +720% chez les enfants entre le 21 mai et le 20 août (contre +270% chez les adultes). L'évolution était de +356% pour les hospitalisations (contre +122% chez les adultes) et de +229% pour les décès (contre +115% chez les adultes). Au 27 août, les Etats-Unis comptaient 476 439 cas de coronavirus chez les enfants, 4163 enfants hospitalisés et un cumul de 101 décès parmi les plus jeunes.
Ces documents se font l'écho de plusieurs études des Centres de prévention et de contrôle (CDC), principale agence fédérale des Etats-Unis en matière de santé publique. Les CDC se sont par exemple penchés dès le début du mois d'août sur un camp de vacances en Géorgie, fermé après la détection du SARS-Cov-2 parmi deux membres du personnel en juin dernier. Selon cette étude, plusieurs centaines de jeunes participants, âgés en moyenne de 12 ans, seront finalement testés positifs dans ce cluster, avec "des taux d'attaque élevés parmi les personnes de tous les groupes d'âge". Depuis l'agence a multiplié les mises en garde.
Selon le Dr Sean O'Leary, vice-président du comité sur les maladies infectieuses de l'Académie américaine de pédiatrie, interviewé par le New York Times après la rentrée 2020, l'importante propagation communautaire dans de nombreuses régions des Etats-Unis correspondait alors à une augmentation des infections chez les enfants. Il jugeait que "les mineurs" étaient alors "infectés à un taux plus élevé que plus tôt dans l'année". Et il en voulait pour preuve la dégradation très nette constatée dans les services pédiatriques. "Quiconque a été en première ligne face à la pandémie dans un hôpital pour enfants peut vous dire que nous avons pris en charge de nombreux enfants très malades", ajoutait le Dr O'Leary qui résumait alors : "Oui, [le Covid-19] est moins grave chez les enfants que chez les adultes, mais il n'est pas complètement bénin". Les enfants noirs et latinos qui contractent le virus auraient par ailleurs plus de chances d'être hospitalisés.
Y a-t-il des symptômes spécifiques du coronavirus chez les enfants ?
Malgré des statistiques et des analyses rassurantes, le coronavirus parvient donc dans certains cas à passer entre les mailles du filet. Quelques décès de patients très jeunes depuis le début de l'épidémie ont déjà suscité l'émotion en France et à l'étranger. Le 9 avril 2020, Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, rapportait le décès d'un enfant d'une dizaine d'année en Ile-de-France, atteint par le coronavirus, mais qui présentait des "comorbidités importantes". Quelques jours plus tôt, le 24 mars, une adolescente de 16 ans, originaire de l'Essonne, succombait à l'hôpital Necker, après une brutale aggravation de son état de santé. Elle ne souffrait d'aucune "maladie particulière auparavant", selon sa famille. On dénombre aussi le décès d'une jeune fille de 12 ans en Belgique, d'un enfant de 5 ans au Royaume-Uni, d'un bébé de 9 mois aux Etats-Unis et, début 2021, d'un petit Américain de 3 ans, victime d'un AVC après avoir été infecté. Au total, ce sont trois décès infantiles qui ont été dénombrés en France, mais plus d'une centaine aux Etats-Unis (moins de 14 ans).
Une mystérieuse infection, en recrudescence en Europe, a également commencé à installer le doute chez les médecins et les scientifiques le 27 avril 2020. Entre maladie de Kawasaki et choc toxique, elle va de troubles digestifs à une myocardite et donc à de sérieuses défaillances cardiaques et a déjà tué un enfant de 9 ans à Marseille. On dénombre aussi plusieurs décès de la même infection à travers le monde, comme dans l'Etat de New-York, aux Etats-Unis. Le lien entre ces nouveaux cas suspects et le coronavirus semble établi, plusieurs experts estiment qu'ils pourraient être liés à une réaction excessive du système immunitaire trois à quatre semaines après l'infection par le Covid-19. Si cette nouvelle infection est encore très rare, la multiplication des cas dans plusieurs pays du globe, dont la France, est très surveillée.
Moins graves que ces cas particuliers ou que les chocs toxiques évoqués plus haut, des bizarreries ont aussi été constatées chez les enfants avec des symptômes spécifiques. Les enfants présenteraient en effet des symptômes du coronavirus sensiblement différents de ceux des adultes. C'est le constat relayé par le quotidien britannique The Guardian le 7 septembre 2020 et basé sur une application de statistiques de suivi des symptômes du Covid outre-Manche. L'outil, baptisé Covid Symptoms Tracker, a fait ressortir que chez l'enfant, le coronavirus provoquerait des troubles digestifs qui sont en revanche nettement moins présents chez les adultes rencontrant des symptômes. Le Pr Tim Spector du King's College de Londres a fait travailler une équipe de chercheurs sur les données remontées de 198 enfant contaminés par le coronavirus. Parmi eux, environ un tiers ne présentait aucun symptôme, beaucoup d'autres en présentaient très peu. Mais parmi les symptômes constatés, la perte d'appétit concernait 35% des enfants, les diarrhée 13%. Certes, les autres symptômes, plus courants quant à eux, étaient toujours très présents chez les enfants comme la fatigue (55%), les maux de tête (54%) ou la fièvre (environ 50%). Mais on note que 15% des enfants rencontraient en outre une éruption cutanée inhabituelle.
Ces conclusions rejoignent celles du Dr Thomas Waterfield de l'Université Queen's de Belfast (Irlande), indiquait encore The Guardian. Ce dernier a publié avant la rentrée 2020 les résultats d'une étude sur le site de pré-bublication medRxiv. Selon ces recherches, les troubles digestifs seraient un symptôme particulier du Covid chez l'enfant. "Dans notre groupe, la diarrhée et les vomissements étaient plus prédictifs que, disons, la toux ou même la perturbation de l'odorat et du goût", indique celui qui a piloté cette étude. Des dermatologues et podologues espagnols avaient aussi rapporté au début du mois d'avril 2020 que de jeunes patients, présentant parfois des symptômes du Covid-19, avaient également des lésions sur le bout des orteils, ou en ont eu juste avant. Des lésions qui étaient décrites comme "violacées" ou "de couleurs vives", parfois accompagnées d'"une peau bosselée et une sensation de brûlure" et suivies de "croûtes" et d'une "légère décoloration" persistantes, selon le document posté le 9 avril sur le site du Conseil général des podologues espagnols.
Ce phénomène, concomitant à la pandémie de coronavirus et désormais mieux documenté dans les symptômes du coronavirus, a été confirmé dès le mois d'avril 2020 par la Fédération internationale des pédiatres et par la Northwestern University Feinberg School of Medicine aux Etats-Unis, dont un médecin a assuré que "cela ne semble pas être une coïncidence", même si le lien n'est pas formellement établi. Ces éruptions cutanées ont en tout cas hérité d'un surnom, les "orteils Covid-19". Elles se résorbent généralement après une semaine et seraient sans conséquences.
Le variant anglais du Covid est-il plus dangereux pour les enfants ?
Depuis l'apparition fin 2020 du nouveau variant du Covid-19, appelé notamment le B117 et jugé plus contagieux, une plus forte propagation chez les plus jeunes a été rapportée outre-Manche. La nouvelle souche du Covid aurait même, selon certains témoignages, amené plus d'enfants en pédiatrie dans les hôpitaux à Londres. Une interview a notamment frappé les esprits le 1er janvier 2021 : celui de Laura Duffel, infirmière en chef de l'hôpital King's College de Londres. Celle-ci a alerté sur la BBC sur la situation sanitaire alarmante de l'établissement, où une "aile entière" aurait été "occupée par des enfants".
L'incidence de la variante du Covid chez les enfants a aussi été analysée par une étude en prépublication de l'Imperial College, dirigée par l'épidémiologiste Neil Ferguson. Celle-ci a conclu, le 31 décembre dernier, que les moins de 19 ans étaient "significativement plus nombreux" à être infectés par la version mutante du virus que par la souche d'origine. Mais ces conclusions ont très vite été nuancées voire démenties par d'autres scientifiques et par les données des autorités sanitaires. Au lendemain du témoignage de Laura Duffel sur la propagation du coronavirus chez les enfants, le Collège royal de pédiatrie et de santé infantile (RCPCH) a publié un communiqué pour contester le tableau dépeint par l'infirmière et pour assurer qu'il n'y avait "pas de pression significative du Covid-19 en pédiatrie au Royaume-Uni". La Public Health England, agence de santé britannique, a pour sa part indiqué dans un rapport que les admissions à l'hôpital n'avaient pas augmenté en fin d'année, alors même que la nouvelle souche du Covid poussait les autorités à reconfiner le sud du pays d'abord, puis l'ensemble du Royaume-Uni quelques jours plus tard.
En France, un communiqué publié par plusieurs experts en pédiatrie début janvier 2020 a réaffirmé que les données britanniques sur les hospitalisations ne reflétaient pas d'augmentation significative pour les plus jeunes. Selon Robert Cohen, interrogé sur France Inter le 4 janvier, "ce variant britannique est plus contagieux que les autres variants, en revanche il n'est pas plus contagieux chez les enfants que chez les adultes". Sur BFMTV le même jour, le pédiatre a néanmoins reconnu qu'il fallait "multiplier le nombre de tests" et "envoyer les prélèvements pour un séquençage, pour voir si ce variant anglais, qu'on n'a jamais encore isolé chez un enfant en France, apparaît".
Même son de cloche du côté de la la Société française de pédiatrie. Pour 20 Minutes, sa présidente Christèle Gras-Le Guen estimait le 5 janvier que "la proportion d'enfants positifs par rapport aux adultes reste minoritaire et on ne constate pas de formes plus graves ". Selon elle, la situation en pédiatrie était même rassurante à l'entame de l'année 2021 : "alors que d'habitude, on croule sous les grippes et les bronchiolites, cette année, nos services pédiatriques sont vides… ", indiquait-elle. Ce qui ne l'empêchait pas de nuancer : "il faut qu'on reste vigilant, qu'on continue à tester les enfants. Et s'ils sont positifs, qu'on séquence la souche pour voir si c'est ce variant".
Les enfants sont-ils vraiment moins contagieux ?
Quand ils sont malades, les enfants sont ils suffisamment contagieux pour contaminer enseignants, parents, grands parents, ramener le Covid-19 chez eux et, in fine, agir comme un tremplin sur les courbes de contaminations ? Au tout début de la crise au mois de mars 2020, les autorités se sont basées sur les études portant sur des virus respiratoires plus connus pour justifier la fermeture des classes en France. Concernant la grippe notamment, pour laquelle le recul médical est suffisant, la propagation par le biais des enfants serait accrue. L'école a même été présentée comme une "zone d'amplification" de la maladie dans un rapport du Haut conseil de la santé publique en 2012. Plus loin encore dans le temps, une modélisation publiée en 2008 par une équipe de chercheurs français estimait qu'une fermeture des écoles pourrait réduire de 15% environ le nombre total de cas de grippe en cas de pandémie et de 40% la hauteur du pic.
Plusieurs spécialistes ont depuis nuancé voire contredit ce postulat de départ, à mesure qu'on a progressé dans les connaissances sur le Covid-19. "Contrairement à ce qu'on connaît avec la grippe où les enfants sont les principaux transmetteurs, il semble qu'avec le coronavirus ils excrètent moins de virus", a déclaré au printemps 2020 le Pr Odile Launay, spécialiste des maladies infectieuses à l'hôpital Cochin à Paris. Pascal Crépey, épidémiologiste à l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), a lui aussi assuré sur France info dès la mi-avril 2020 que cet "argument initial" selon lequel "ce coronavirus se comportait un peu comme une grippe" chez les enfants, présentés comme "de forts transmetteurs" était sans doute en train d'être remis en question. "On s'aperçoit maintenant que ce coronavirus ne se comporte pas exactement de la même façon", disait-il.
Un virus en plus petite quantité ?
"Le virus existe chez les enfants mais probablement en plus petite quantité que chez les adultes", a assuré pour sa part sur BFMTV le 19 avril Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, en première ligne pour conseiller le gouvernement dans cette crise sanitaire. "Il n'y a pas eu de grands foyers à partir des écoles, mis à part dans l'Oise, où le virus venait de l'extérieur", a-t-il ajouté, s'inspirant de l'une des études présentées plus haut dans notre article. Le risque de transmission par les enfants était alors jugé "possible, mais non certain" par le spécialiste qui reconnaissait encore le 15 avril, lors d'une audition parlementaire, manquer données sur la capacité de transmission du virus entre enfants et des enfants à leur famille.
La logique de la faible capacité de transmission a pourtant été reprise par le ministre de la Santé Olivier Véran sur France 2 à partir du 21 avril 2020. "Les études sont en cours de stabilisation", avait indiqué ce dernier. "On tend à penser que plus les enfants sont petits, notamment ceux de moins de dix ans, plus le risque de transmission serait faible", ajoutait-il, affirmant à l'époque donner cette information "au conditionnel car l'évolution des connaissances scientifiques sur ce virus est constante".
Quelles études ont été menées sur la contamination par les enfants ?
L'étude "Coville" menée en Ile-de-France sur plus de 600 enfants et détaillée plus haut dans notre article penche elle aussi pour une contagiosité très faible chez les plus jeunes : les enfant seraient bel et bien moins contagieux même quand ils sont atteints par le coronavirus. Dans cette étude dirigée par le Pr Cohen, les enfants positif semblaient en majorité avoir été infectés par un adulte, 87,3% d'entre-eux ayant eu "un contact confirmé ou suspecté" avec une personne plus âgée de leur famille atteinte par le coronavirus. Celui qui est aussi vice-président de la Société française de pédiatrie et qui dirige le Groupe de pathologies infectieuses pédiatriques (GPIP) a par ailleurs souligné dans Le Parisien en juin 2020 que seulement 0,6% des enfants affichant un test PCR positif étaient réellement contagieux.
"Au début de la crise, on a cru - comme pour d'autres virus respiratoires - [que les enfants] jouaient un rôle important dans la propagation de l'épidémie. Ce n'est pas le cas. Les évidences s'accumulent", tranchait Robert Cohen en présentant son étude dans la presse. "Les enfants sont peu porteurs, peu transmetteurs, et quand ils sont contaminés c'est presque toujours des adultes de la famille qui les ont contaminés", martelait le pédiatre, qui minimisait aussi le potentiel de contamination des enfants entre eux. Le pédiatre indiquait enfin que ses résultats confirmaient "complètement l'ensemble de la littérature" scientifique sur le sujet. Et il osait même : "Si l'épidémie repart ce n'est pas par les écoles mais par les adultes".
L'étude de l'Institut Pasteur, pilotée par Arnaud Fontanet dans l'Oise, indique quant à elle que seuls trois cas probables d'infection par le SARS-CoV-2 ont été répertoriés chez les 510 élèves suivis avant la fermeture des écoles pour les vacances scolaires de février, puis pour le confinement. "Ces cas n'ont pas donné lieu à des cas secondaires, que ce soit parmi les autres écoliers ou parmi les personnels enseignants", précisait l'étude, qui suggérait donc que les parents étaient "la source de l'infection de leurs enfants dans de nombreux cas".
De nombreuses études au niveau international
Sur cette question de la contagion, la Société française de pédiatrie cite par ailleurs une série d'études sur son site Internet, basées généralement sur des échantillons très réduits. L'une de ces études, basée sur le cluster de Contamines-Montjoie dans les Alpes, un des premiers de l'épidémie en France, a été publié sur le site du Clinical Infection Diseases le 11 avril 2020. Elle constate qu'un enfant de 9 ans, présentant les symptômes du coronavirus et testé positif, n'a pas transmis la maladie malgré "des interactions étroites au sein des écoles", ce dernier ayant fréquenté "trois écoles et une classe de ski" avant d'être placé en isolement avec les autres contaminés de ce chalet où un Britannique avait propagé le virus. Dans le même groupe, un "adulte asymptomatique" avait quant à lui une "charge virale similaire à celle d'un patient symptomatique". L'étude suggère en conclusion une dynamique de transmission potentiellement différente chez les enfants".
Citons aussi une publication, sortie en mars 2020 dans la revue The Pediatric Infectious Disease Journal et basée sur les travaux des universités de Fribourg en Suisse et de Melbourne en Australie, qui s'appuient elles-mêmes sur trois études menées en Chine. Elle tend à démontrer elle aussi que les enfants contractant le coronavirus ont d'abord été en contact avec des adultes contaminés dans leur famille. La conclusion à l'époque : "l'importance des enfants dans la transmission du virus reste incertaine". Plus récemment, en octobre 2020, une autre étude menée par l'Institut de santé publique des Pays-Bas à partir des statistiques de la maladie dans le pays semblait montrer pour sa part que "les moins de 20 ans jouent un rôle bien moins important dans la propagation du virus que les adultes et personnes âgées".
En Corée-du-Sud, le traçage de 5706 enfants infectés et de leurs 59 073 cas contacts, a d'abord fait l'objet d'une interprétation alarmiste qui sera ensuite nuancée. On a d'abord avancé que les enfants avaient pu contaminer autant que des adultes. Mais selon cette étude reprise par les CDC américains fin octobre 2020, les proches des enfants de moins de 10 ans avaient tout de même moins tendance à être infectés alors que les proches d'enfants plus âgés ou d'adolescents semblaient plus touchés. Une autre analyse, basée sur les mêmes données, démontrera finalement que la transmission du virus était en fait minime à partir des adolescents, avec un taux d'attaque de seulement 0,5 % au sein du milieu familial...
D'autres travaux britanniques et coréens ont été rendus publics en fin d'année 2020. En se basant sur les données de 9 millions d'adultes, les chercheurs de la London School of Hygiene and Tropical Medicine et de l'université d'Oxford ont estimé le 3 novembre que "le fait de vivre avec des enfants de 0 à 11 ans n'est pas associé à une augmentation du risque d'être infecté par le SARS-CoV-2". Ce risque augmente légèrement quand on vit avec un enfant de 12 à 18 ans. Une étude sud-coréenne menée par National University College of Medicine de Séoul et publiée dans la revue JAMA Pediatrics, fait un constat lui aussi rassurant. Basée sur 91 enfants présentant différents niveaux de symptomes (d'aucun à modérés), elle indique que l'ARN du SARS-CoV-2 a été détecté en moyenne durant 17,6 jours dans les prélèvements (dans le nez, la gorge ou les crachats) et 14,1 jours dans les cas asymptomatiques. Certains continuaient à se montrer symptomatiques ou contagieux jusqu'au 21e jour.
Des études moins optimistes sur la contagiosité des enfants
Il faut aussi le souligner : d'autres études se sont montrées moins optimistes sur l'impact et le potentiel de contamination du coronavirus chez les enfants. En France, le travail d'analyse de l'Institut Pasteur à Crépy-en-Valois, l'un des premiers clusters de l'épidémie, a donné lieu à une publication spécifiquement liée au lycée de la ville mi-avril 2020. Publiée sur le site MedRxiv, elle a démontré que sur les 661 personnes testées à l'aide de tests sérologiques "très performants" effectués dans l'établissement (lycéens, enseignants, personnels travaillant dans l'établissement, ainsi que des parents et des frères et sœurs de lycéens), 171 personnes soit 25,9% étaient positives, soit plus du quart des personnes testées. Ces chiffres sont radicalement différents entre le groupe composé des lycéens, des professeurs et du personnel (40,9% de positifs) et celui où figuraient les parents et la fratrie des lycéens (10,9% de positifs). Les lycéens avaient été beaucoup plus nombreux à être touchés, comme les enseignants et les personnels que dans l'étude menée dans les écoles primaires. Pasteur juge même que l'établissement a pu servir "d'incubateur" à l'épidémie.
Une autre étude menée par plusieurs médecins des hôpitaux universitaires de Genève, et pré-publiée sur le site MedRxiv dès le 27 avril 2020, montrait elle aussi que bien qu'ils soient sous-représentés dans le nombre de cas, "le SRAS-CoV-2 infectait les enfants de tous les groupes d'âge". Surtout, elle avançait que "malgré la forte proportion d'infections légères ou asymptomatiques, il serait naïf de ne pas les considérer comme des transmetteurs". Sur 23 nouveau-nés, enfants et adolescents symptomatiques et positifs au coronavirus, la charge virale s'avérait comparable à celles des adultes.
"Les enfants symptomatiques de tous âges excrètent le virus infectieux au début de la maladie aiguë", précisait même l'étude, à contre-courant des épidémiologistes et des pédiatres indiquant que la quantité d'ARN de SARS-CoV-2 était plus faible chez les enfants. "Par conséquent, la transmission du CoV-2 du SRAS chez les enfants est plausible. Compte tenu de la fréquence relativement faible des enfants infectés à l'heure actuelle, des facteurs biologiques ou d'autres facteurs inconnus pourraient réduire la transmission dans cette population", rassuraient néanmoins les chercheurs, préconisant déjà "de vastes enquêtes sérologiques et une surveillance systématique des maladies respiratoires aiguës pour comprendre le rôle des enfants dans cette nouvelle pandémie".
Des conclusions alarmantes venues de Berlin dès avril
L'hôpital universitaire de la Charité de Berlin a publié à la toute fin du mois d'avril une vaste étude sur la charge virale du coronavirus chez 3712 de ses patients positifs au Covid-19, en les répartissant en différentes classes d'âge. Les résultats, pré-publiés sur le site de l'établissement, montraient alors qu'il n'y avait "aucune différence significative entre les catégories d'âge, y compris les enfants", ce qui tendait à démontrer que le coronavirus était tout aussi puissant chez les enfants que chez les adultes. Autrement dit, on trouverait autant de quantité de virus dans le nez d'un enfant que dans celui d'un adulte, ce qui le rend, théoriquement en tout cas, tout aussi contagieux.
"Les données indiquent que les charges virales chez les très jeunes enfants ne diffèrent pas de manière significative de celles des enfants de moins de cinq ans", précisait par ailleurs l'étude, qui mettait en garde noir sur blanc contre une réouverture illimitée des écoles et des jardins d'enfants en Allemagne. "Les enfants peuvent être aussi contagieux que les adultes", assuraient aussi les médecins allemands signataires, qui ont travaillé sous la houlette du Dr Christian Drosten, virologue reconnu en Allemagne, conseiller d'Angela Merkel sur le virus et initiateur de la très large politique de tests menée dans le pays.
Précisons que plusieurs scientifiques, dont Alasdair Munro, chercheur en maladies infectieuses pédiatriques à l'hôpital universitaire de Southampton, au Royaume-Uni, et l'épidémiologiste suisse Leonhard Held, ont contesté la méthodologie et la conclusion de l'étude. En réanalysant ses résultats, ils penchaient même plutôt pour l'interprétation inverse et une charge virale moins élevée que les adultes.
En Italie, c'est une étude de traçage menée en mars-avril 2020 dans la région de Trente, en plein confinement, qui a prouvé que les jeunes enfants pouvaient bel et bien transmettre le virus. Publiée en juillet sur le site MedRxiv, elle a montré que des enfants âgés de moins de 15 ans pouvaient présenter le plus fort taux de contagiosité dans un foyer de contamination donné, y compris les enfants de 5 à 10 ans. Dans le cas étudié, le virus est même passé par une poignée d'enfants de moins de 5 ans.
De nombreux doutes venus des Etats-Unis
Le 30 juillet, c'est une étude menée par des chercheurs américains et publiée dans JAMA Pediatrics qui a remis en cause à son tour le relatif consensus sur la faible dangerosité et la faible contagiosité du Covid-19 chez les enfants. L'étude portait sur 145 jeunes patients atteints d'une forme légère à modérée de l'infection, détectés par test PCR entre le 23 mars et le 27 avril : 46 enfants de moins de 5 ans, 51 enfants âgés de 5 à 17 ans et 48 adultes entre 18 et 65 ans. "Nos analyses suggèrent que les enfants de moins de 5 ans atteints de Covid-19 léger à modéré ont des quantités élevées d'ARN viral du SRAS-CoV-2 dans leur nasopharynx par rapport aux enfants plus âgés et aux adultes", expliquaient les auteurs dans leurs conclusions. La présence du SARS-CoV-2 était "10 à 100 fois supérieure" dans les voies respiratoires de ces enfants. Les moins de 5 ans seraient donc plus contagieux selon eux. Des conclusions que le pédiatre Robert Cohen et l'épidémiologiste Arnaud Fontanet ont néanmoins jugées exagérées sur France Inter.
Plus récemment, le 30 septembre dernier, un article publié dans la revue américaine Science portant sur un nombre important de données de traçage, en Inde, dans les Etats du Tamil Nadu et de l'Andhra Pradesh, indiquait que "les cas et les décès signalés se sont concentrés dans des cohortes plus jeunes que ce que l'on pourrait attendre des observations faites dans les pays à revenu élevé". L'article indiquait que les enfants pourraient être "des acteurs clés dans la diffusion de la maladie" et démontrait qu'un petit nombre de malades pouvaient même être considéré comme un groupe de "Superpropagateurs", responsables de la majorité des infections. Néanmoins, l'âge jouait encore beaucoup dans cette propagation.
A la fin septembre, les Centres de prévention et de contrôle américains (CDC), principale agence fédérale des Etats-Unis en matière de santé publique, publiaient à leur tour sur le site MedRxiv une étude mathématique indiquant que les fermetures d'écoles pourraient faire chuter les taux d'infection de moitié. Le 9 octobre 2020, un rapport de l'université de Varsovie, reproduit par la revue en ligne Emerging Infectious Diseases des mêmes CDC, rapportait de nombreux cas d'infection au Covid-19 au sein d'une crèche polonaise. Cette fois ce sont des enfants d'un ou deux ans qui avaient été identifiés comme des transmetteurs du coronavirus, avec un "taux d'attaque" jugé "particulièrement élevé" (27%). "Cette enquête vient s'ajouter à l'ensemble des preuves démontrant que les enfants de tous âges sont susceptibles d'être infectés par le CoV-2 du SRAS et, contrairement aux premiers rapports, pourraient jouer un rôle important dans la transmission", concluaient les auteurs.
Un autre rapport des CDC, dévoilé sur le site de prépublication scientifique MedRxiv le 10 octobre, indiquait que "les enfants et les adolescents (7 à 19 ans - NDLR) pouvaient transmettre le SRAS-CoV-2 à des contacts adultes et à d'autres enfants dans un contexte domestique", le tout avec un "taux d'attaque secondaire" de 9%. Traduction : à partir d'un certain âge, les enfants et ados seraient ainsi de faibles contaminateurs (les malades contaminant 9% de personnes), mais des contaminateurs potentiels tout de même.
L'une des dernières études du CDC portant sur le Covid chez l'enfant a été publiée le 30 octobre dernier. Menée d'avril à septembre sur 300 personnes, elle concluait que "la transmission du SARS-CoV-2" au sein d'un foyer était "fréquente, que ce soit par les enfants ou les adultes". Mais l'inquiétude est partagée bien au-delà des frontières américaines.
Plusieurs autres études préoccupantes dans le monde
Le ministère de la Santé israélien s'est lui alarmé de l'impact du coronavirus chez les enfants. Dans un document officiel publié le 18 octobre, le taux de positivité des enfants dans le pays était jugé plus élevé que chez les adultes (8%, soit 2 de plus), bien qu'entre 50% et 70% des enfants testés positifs soient asymptomatiques. Il est aussi souligné que ces enfants ont été principalement infectés par un adulte (80% des cas connus), seuls 20% ayant été contaminés par contact avec d'autres enfants. Ces derniers peuvent tout de même devenir d'importantes sources de contamination selon le document, qui souligne les cas de 17 enfants ayant infecté au moins 10 personnes, sur les 350 "supercontaminateurs" identifiés (5%).
Une augmentation significative de toutes ces données a été constatée depuis la rentrée et certains clusters partis des écoles se sont montrés particulièrement propagateurs. Selon l'analyse des chiffres du ministère israélien, les enfants "sont définitivement contagieux". Et le document officiel d'ajouter : "comme la plupart d'entre eux ne présente pas de symptôme, il est difficile d'identifier une proportion significative d'enfants porteurs du virus et ces derniers peuvent devenir une source d'infection pour les autres".
D'autres signaux de fébrilité en France
En France aussi, le doute semble désormais permis, même s'il faut distinguer l'impact du Covid sur les différentes classes d'âge. Dans une note en date du 26 octobre, le conseil scientifique a lui-même admis que dans les lycées et les collèges, "les adolescents de 12 à 18 ans semblent avoir la même susceptibilité au virus et la même contagiosité envers leur entourage que les adultes". A l'inverse, "les enfants âgés de 6 à 11 ans semblent moins susceptibles, et moins contagieux, comparés aux adultes". Quant aux crèches, elles seraient relativement épargnées. Une transmission vers le personnel enseignant et une contamination "intrafamiliale secondaire" sont donc en question. C'est de cet avis que le renforcement du protocole sanitaire à l'école est né début novembre, avec notamment le port du masque obligatoire à partir du CP.
Une modélisation de l'Inserm, pilotée par la chercheuse Vittoria Colizza, émet l'hypothèse que les plus jeunes, qui sont très souvent asymptomatiques et passent donc sous les écrans radars, transmettent bel et bien le virus aux adultes. Les adolescents seraient particulièrement concernés alors que les enfants plus petits transmettraient deux fois moins le coronavirus. "On sait qu'une fois que les adolescents sont infectés, ils vont transmettre le virus de façon assez similaire aux adultes asymptomatiques", indique-t-elle dans une interview publiée le 2 novembre dans The Conversation, précisant clairement que le lycée est "un endroit de transmission". "Si l'on doit, pour maîtriser davantage l'épidémie, limiter encore plus le risque de transmission, on pourrait envisager de fermer lycées et collèges, ou au moins de réfléchir à des enseignements à distance partiels avec des rotations, pour limiter le problème du présentiel". Une solution qu'a finalement choisie le gouvernement en adaptant son dispositif de lutte contre le Covid en classe le 5 novembre, avec désormais la moitié des cours assurés à distance pour les lycéens.
De son côté, Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale à la faculté de médecine de l'université de Genève, a co-signé un article sur le site Slate le 12 janvier 2021 dans lequel il mentionne "un certain nombre d'études" montrant selon lui "que le rôle des enfants a vraisemblablement été sous-estimé, sinon négligé" dans la transmission du coronavirus. "Testant de manière plus systématique les enfants ou mesurant leurs anticorps, elles tendent à mettre en évidence le fait que les enfants sont au moins aussi infectés que les adultes par le SARS-CoV-2. Les enfants présentent également une charge virale aussi importante que celle des adultes. Dès lors, il n'y pas de raison qu'ils soient moins contagieux et aucune donnée ne va dans ce sens", écrivent les deux auteurs de l'article, qui reconnaissent néanmoins que les enfants sont touchés par des formes généralement moins graves de la maladie.
Que sait-on sur la propagation du coronavirus à l'école ?
Dans cette incertitude scientifique croissante, plusieurs messages contradictoires ont aussi pu inquiéter parents d'élèves et enseignants en France, lors des différents retours en classe : le 11 mai 2020 lors du premier déconfinement, le 1er septembre pour la rentrée des classes, le 2 novembre pour le retour des vacances de la Toussaint et le 4 janvier 2021 après les fêtes. Avant la grande rentrée scolaire de septembre 2020, le 19 août, plusieurs sociétés savantes pédiatriques ont publié une lettre ouverte dans laquelle elles estimaient "certain qu'avec la rentrée scolaire et le retour en collectivité des plus petits, le risque de survenue de contamination par le SARS-CoV-2, aussi bien chez les enfants que chez les adultes qui les encadrent, [était] réel". Les auteurs voulaient inciter les parents à vacciner leurs enfants contre la gastro-entérite et la grippe, dans le but d'éviter la confusion des symptômes avec ceux du Covid-19. Ils promouvaient aussi les tests salivaires plus pratiques pour dépister la maladie.
Avant la rentrée de septembre 2020, Santé publique France a publié un rapport qui se voulait à l'inverse très rassurant sur le rôle des établissements scolaires dans la transmission du virus. En cas de diagnostic positif, pouvait-on lire, "les enfants sont beaucoup moins susceptibles d'être hospitalisés ou d'avoir une issue fatale que les adultes", les plus jeunes souffrant d'une infection "généralement plus légère ou asymptomatique, ce qui signifie que l'infection peut passer inaperçue ou ne pas être diagnostiquée". "Lorsqu'ils présentent des symptômes, les enfants excrètent la même quantité de virus que les adultes et sont donc contaminants comme le sont les adultes", reconnaissait en revanche Santé publique France. "Le caractère infectieux des enfants asymptomatiques est inconnu", précisait l'agence sanitaire.
"Très peu de cas groupés de Covid-19 en milieu scolaire"
Concernant l'école, Santé publique France écrivait à la mi-août dans ce même rapport que "très peu de cas groupés de Covid-19 en milieu scolaire" avaient été documentés mais, qu'ils "se produisent et peuvent être difficiles à détecter en raison du peu de symptômes chez les enfants infectés". "Les investigations des cas en milieu scolaire suggèrent que la transmission d'enfant à enfant en milieu scolaire est rare et n'est pas la principale cause d'infection par le SARS-CoV-2 [...], en particulier dans les écoles maternelles et primaires". Enfin, les écoles n'étaient pas considérées comme des "environnements de propagation du virus plus favorables que les environnements professionnels ou de loisirs", concluait l'établissement public, qui estimait que ni l'ouverture ni la fermeture des établissements scolaires ne devait impacter la transmission communautaire du Covid-19.
Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, qui s'est exprimé le 24 août au micro de France Info, tentait pour sa part d'adopter une position équilibrée : "Il y aura des contaminations à l'école, des enfants vont se contaminer, probablement quelques enseignants aussi, mais on va le gérer", prédisait celui qui conseille le gouvernement sur le Covid-19 depuis le début de la crise sanitaire. Selon le Pr Delfraissy, les enfants sont porteurs du virus, mais en petite quantité et "les formes rares sont exceptionnelles chez le jeune public".
Dans Le Monde du lundi 31 août, veille de rentrée scolaire, Christèle Gras-Le Guen, cheffe de service des urgences et de pédiatrie générale au CHU de Nantes et secrétaire de la Société française de pédiatrie, affirmait sur ces bases que le recul et la littérature scientifique étaient suffisamment importants pour rassurer les parents. Il en allait de même de la Société française de pédiatrie elle-même, qui indiquait dans un communiqué publié le 27 août, qu'il était "urgent de rappeler combien les bénéfices éducatifs et sociaux apportés par l'école sont très supérieurs aux risques d'une éventuelle contamination Covid-19 de l'enfant en milieu scolaire".
Et après la rentrée de septembre 2020 ?
Un rapport du Haut conseil de la Santé publique français, publié le 9 septembre sur le site de l'institution, concluait pour sa part que "les enfants sont peu à risque de forme grave et peu actifs dans la transmission du SARS-CoV-2". Du point de vue de leur potentiel de contagiosité, "le risque de transmission existe surtout d'adulte à adulte et d'adulte à enfant et rarement d'enfant à enfant ou d'enfant à adulte", ajoutait le HCSP. "Les transmissions surviennent surtout en intra-famille ou lors de regroupements sociaux avec forte densité de personnes en dehors des établissements scolaires".
Après la rentrée a eu lieu et on a dénombré, à la mi-septembre, 89 écoles et plus de 2100 classes fermées suite à des cas de Covid-19. Des cas qui touchaient autant les adultes que les enfants. "Nous déclenchons à peu près 250 protocoles par jour. C'est-à-dire 250 suspicions de Covid-19", indiquait le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer début septembre. "Ce qui est intéressant à noter, c'est que ces suspicions sont liées à des facteurs externes à l'école [...], à des personnes qui souvent avaient pu être éventuellement contaminées avant la rentrée ou dans leur vie personnelle", ajoutait-il. D'après les chiffres du ministère de l'Education nationale à la date du 28 octobre 2020, 27 écoles, collèges et lycées étaient fermés pour cause de cas de Covid-19 sur 61 500. Soit une proportion de 0,04 % des établissements scolaires du territoire français. Mais il faut dire qu'Olivier Véran, le ministre de la Santé, a annoncé dès le jeudi 17 septembre que les classes ne fermeraient quand un cas de Covid-19 sera détecté parmi les élèves. Un enfant contaminé est depuis isolé pendant sept jours, mais les cours peuvent se poursuivre. Il faut depuis dénombrer 3 cas dans une même classes pour justifier sa fermeture.
"Les chiffres fournis par SPF et par le ministère de l'Education nationale permettent d'attester que la reprise scolaire ne s'est pas associée à un échappement épidémique concernant les enseignants ou les élèves ", tranchait un document transmis aux ministères par la Société française de pédiatrie (SFP) à l'automne, et consulté par Le Monde.
Le retour des questionnements avec la 2e et la 3e vague
Pourtant, avant le retour des vacances de la Toussaint, l'explosion de l'épidémie en France et le retour du confinement ont légitimement été accompagnés de nouvelles questions sur la réouverture des écoles. L'épidémiologiste Antoine Flahaut a notamment marqué les esprits quand il a proposé sur BFMTV, le 26 octobre, de laisser les classes de collège-lycée fermées, tout comme celles du supérieur. "Les écoles primaires pourraient rester ouvertes mais devraient imposer le port du masque, même aux enfants de plus de 6 ans", indiquait le spécialiste, inquiet. "Je ne connais pas un seul virus respiratoire qui ne se propage pas de manière prédominante chez les enfants", notait-il dans Le Parisien également fin octobre. Finalement, seule la fermeture des universités a été annoncée par Emmanuel Macron et son gouvernement en marge du reconfinement.
Le collectif du Côté de la Science, qui réunit plusieurs médecins, a lui aussi indiqué que "les écoles ne sont en effet pas magiquement protégées du virus ou de la maladie". "Les personnes qui y travaillent ou les enfants qui s'y retrouvent s'exposent comme les autres au risque de transmission. Ce n'est pas parce que les enfants font très peu de formes sévères ou de formes chroniques, qu'ils n'en font pas, ou qu'ils ne sont pas des vecteurs du Covid : 40% d'entre eux, lorsqu'ils sont détectés positifs, sont asymptomatiques", écrivaient-il dans une lettre ouverte à l'automne. Le collectif continue depuis à militer pour des mesures plus drastiques pour lutter contre le Covid dans les écoles.
Chez les parents d'élèves et les professionnels de l'enseignement, l'inquiétude pointe de nouveau depuis l'entame de la 3e vague. Le collectif "Ecoles et familles oubliées" a publié à son tour un communiqué le jeudi 7 janvier dans lequel il affirme qu'"il n'est plus possible de nier que les enfants s'infectent et qu'ils sont contaminants".
Plusieurs analyses "rassuristes" sur le Covid à l'école
Face au frémissement du nombre de cas et des hospitalisations des plus jeunes avec la 2e vague, plusieurs tenants de la vision "rassuriste" ont maintenu leur analyse, évoquant un élément de contexte. Parmi eux, le vice-président de la Société française de pédiatrie Robert Cohen, qui a mené une étude sur le Covid et les enfants au printemps (lire ci-dessus), essimait que les cas pédiatriques rapportés dans plusieurs CHU en France à la rentrée relevaient de la pure logique : "C'est impossible qu'il en soit autrement ", indiquait-il au Parisien fin septembre, mettant la recrudescence d'enfants touchés sur le compte d'une simple conséquence mathématique. "Plus le virus se répand, plus le nombre de cas augmente, plus les situations "exceptionnelles" se multiplient, selon lui.
"Il y a aujourd'hui un large consensus pour dire que les enfants sont moins susceptibles à l'infection, la transmettent moins une fois infectés, et sont peu à l'origine de chaînes de transmission", a pour sa part déclaré en octobre l'épidémiologiste Daniel Lévy-Bruhl, lors d'un point épidémiologique de Santé publique France. "Le risque lié aux écoles n'est pas nul, personne ne peut affirmer cela, mais la part de la transmission au sein des écoles par rapport à la transmission dans le reste de la communauté est faible", jugeait cet expert, qui mettait en garde contre un effet de loupe auprès de l'AFP : "Le nombre d'écoles ouvertes à travers le monde est extraordinairement important. Dans la plupart, il ne se passe pas grand-chose". En revanche, on parle beaucoup "des quelques écoles où il y a effectivement eu des phénomènes épidémiques - dont certains peuvent être expliqués par des conditions favorables à la transmission du virus -, ce qui donne une impression un peu biaisée du risque lié aux écoles", poursuivait-il. "Même s'ils sont moins contagieux que des gens de 14 ans et des adultes, les enfants ont beaucoup de contacts avec leurs camarades et avec les adultes. Et comme ils sont beaucoup, avec beaucoup de contacts, ça peut faire beaucoup de cas de contamination", notait de son côté l'épidémiologiste Dominique Costagliola.
Un relatif statu quo sur l'école en France... jusqu'en 2021 ?
"On sait que le risque de contamination entre les enfants et les parents existe", a commenté Yazdan Yazdanpanah dans Le Figaro en fin d'année 2020. "C'est un sujet sensible et qui, à mon sens, n'est pas encore totalement réglé. Cependant, si des doutes persistent, ce risque semble faible. Il nous faut prendre les décisions au regard de la balance bénéfice-risque. Rappelons que les contagions ne se font pas en classe, quand les enfants sont assis à leur bureau, mais plutôt à la cantine ou au moment de la sortie, quand ils sont agglutinés. Il y a donc d'autres marges de manœuvre avant la fermeture des établissements".
Plus récemment encore, en janvier, et avec plus de recul, la présidente de la Société française de pédiatrie Christèle Gras-Le Guen estimait qu'il "n'y avait pas d'éléments pour dire que les enfants sont un chaînon important de la contamination. Il n'y a pas eu des centaines de fermetures d'écoles ou d'hécatombe chez les enseignants ou soignants des crèches… On a beau être des parents inquiets, il faut regarder ce qui se passe : pas grand-chose dans les écoles".
Des alertes aussi dans le monde, mais priorité à l'école
A l'échelle mondiale, les études se sont aussi accumulées pour évaluer l'impact de l'école sur la transmission du coronavirus. Le Center for disease control and prevention (CDC), déjà mentionné plus haut, a notamment publié le 11 septembre des résultats qui démontrent que les enfants âgés de moins de 10 ans peuvent bel et bien être contaminés et transmettre le SARS-CoV-2 en milieu scolaire. L'étude a porté sur trois épidémies de Covid-19 dans deux établissements de garde d'enfants du comté de Salt Lake, dans l'Utah, entre le 1er avril et le 10 juillet 2020. Sur 184 personnes au total, dont 110 enfants (60%), 31 cas confirmés de Covid-19 ont été enregistrés, dont 13 chez des enfants (42%). Tous ou presque (12) ont contracté Covid-19 dans deux des trois établissements. Tous présentaient des symptômes légers et trois n'en présentaient pas. Sur 46 cas contacts identifiés à l'extérieur des établissements (parents, frères et soeurs), 12 ont été contaminés par le Covid (soit 26%). Un parent a même été hospitalisé. La transmission a notamment été observée chez deux des trois enfants asymptomatiques. "Les données détaillées sur la recherche des contacts montrent que les enfants peuvent jouer un rôle dans la transmission de la maladie des établissements de garde d'enfants aux contacts familiaux", concluaient les auteurs.
D'autres études notables ont été menées en Australie (publiée en août dans The Lancet Child & Adolescent Health), en Israël (publiée dans Eurosurveillance), ou en Allemagne (le 10 septembre dans Eurosurveillance également). Si la contagion est constatée dans chacune d'entre-elles et dans toutes les classes d'âge (avec même une flambée de cas après la réouverture des classes dans l'étude israélienne), la majorité de ces études se montre malgré tout rassurante, penchant pour une transmission d'enfant à enfant relativement faible dans les écoles et établissements de garde. Des conclusions qui, une fois encore, doivent être appréhendées avec prudence, quand on sait que la scolarité se déroule depuis des mois dans des conditions exceptionnelles dans certains pays, avec effectifs réduits et des dispositifs de gestes barrières parfois très stricts.
En outre, les experts soulignent globalement que le risque lié à l'école dépend de la situation épidémique locale : "C'est très important de comprendre que les écoles ne fonctionnent pas isolément, elles font partie d'une communauté", soulignait Maria Van Kerkhove une spécialiste de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dans une vidéo (en anglais) mi-septembre. Selon elle, les enfants "peuvent transmettre (le Covid-19) aux autres. Toutefois, cela semble arriver moins souvent que la transmission entre adultes". Cette épidémiologiste soulignait elle aussi qu'il faut différencier "les jeunes enfants" des "adolescents, lesquels semblent transmettre dans les mêmes proportions que les adultes". "Tout le monde a conscience de l'importance de l'école pour les enfants, pas seulement en termes d'éducation mais aussi de bien-être, de santé mentale ou de sécurité, sans compter le fait que parfois, c'est le seul endroit où ils ont à manger", rappelait la scientifique.