Affaire des Placards : fin de la tolérance religieuse en France
En 1534, l'affaire des Placards voit plusieurs protestants afficher, un peu partout en France, et jusqu'à la cour royale, des textes très critiques envers la messe catholique.
Le résumé de l'affaire des Placards - L'affaire des Placards, voilà une appellation qui a de quoi étonner. Ce n'est pas l'épisode le plus connu de son époque (le XVIe siècle), et pourtant, les conséquences de cette petite péripétie nocturne vont être désastreuses pour l'évolution des relations entre catholiques et protestants en France. En effet, dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des protestants affichent, un peu partout dans le pays, des textes critiquant la religion catholique et ses pratiques. La messe est notamment pointée du doigt. Et ces écrits sont affichés dans les rues de Paris, mais en province également. La provocation est poussée jusqu'à afficher l'un de ces "placards" sur la porte de la chambre du roi François Ier, à Amboise. Ce dernier, qui affichait jusque-là une grande tolérance envers les protestants et envers les idées de la Réforme, ne va pas du tout apprécier le contenu de ces textes. Il les voit comme une contestation de son autorité divine, et lance une féroce répression envers les protestants.
Dans quel contexte l'affaire des Placards éclate-t-elle ?
Nous sommes au XVIe siècle. François Ier a été sacré roi de France en 1515, et c'est à peu près à la même époque que naît la mouvance religieuse qui développe le protestantisme : la Réforme. En 1517, Martin Luther, avec ses 95 "thèses" qui pointent du doigt la corruption de l'Eglise catholique, en est à l'origine. Deux tendances se distinguent ensuite dans le protestantisme : les évangéliques, qui veulent rester dans la continuité du catholicisme, et les luthériens qui adhèrent, eux, à une rupture totale. Parmi les protestants influents, on retrouve : Antoine Marcourt, un pasteur, Jean Calvin, un réformateur, et Clément Marot, un poète.
Quelles sont les causes de l'affaire des Placards ?
François Ier se montrait tolérant envers les protestants, tout comme sa sœur, Marguerite de Navarre. Mais cette tolérance s'accompagnait, chez le monarque français, d'une absence de protection envers les réformés, considérés par l'Eglise comme des hérétiques et envoyés au bûcher, comme Jean Vallière ou Jean Leclerc, sans que le pouvoir ne fasse rien. Une situation qui entraîne la colère grandissante des protestants qui répondent à leur façon, notamment par des actes de vandalisme sur des objets religieux symboles du catholicisme.
Comment s'est déroulée l'affaire des Placards ?
Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des protestants français décident de pousser la provocation un peu plus loin en placardant des affiches à Paris, Blois, Rouen, Tours ou encore Orléans. Sur ces affiches, la population peut lire un texte qui est une critique ouverte et acerbe contre la religion catholique et notamment contre la messe. Ces textes sont non seulement affichés dans les rues de Paris, mais s'exportent jusqu'en province. A Amboise, François Ier ne pourra pas ignorer l'existence de ces "Placards" puisqu'une affiche est collée… sur la porte de sa chambre. Le roi prend cela comme une provocation, et comme une attaque de la monarchie de droit divin, car à cette époque, et ce sera encore le cas pendant plusieurs siècles, le roi tient son pouvoir de Dieu. Pour freiner les ardeurs des protestants à l'origine de cet affront, le roi va réagir en lançant une répression. Ceux qui ont écrit les placards et les ont affichés sont recherchés. On pousse à dénoncer les protestants qui sont arrêtés. Certains sont amenés jusqu'au bûcher.
Que contient le texte de l'affaire des Placards ?
Ces fameux "Placards" ont pu déclencher l'ire royale. Leur titre est : "Articles véritables sur les horribles, grands et importables abus de la messe papale, inventée directement contre la sainte Cène de Jésus-Christ". Il faut bien sûr imaginer le texte en ancien Français, mais le ton est donné. Le texte se compose ensuite d'une petite introduction, puis de quatre paragraphes, très denses, et qui sont l'oeuvre du pasteur Antoine Marcourt. La messe catholique est au centre des critiques, comme on peut le lire au début avec les expressions "pompeuse et orgueilleuse messe papale". Dans le dernier paragraphe, il est aussi écrit : "Le fruit de la messe est bien contraire au fruit de la sainte Cène de Jésus-Christ". Il s'y trouve aussi des critiques sur tous les rituels qui ont lieu pendant l'office catholique, et qui sont qualifiés de "sonneries, hurlements, chanteries, cérémonies, luminaires, encensements, déguisements et telles manières de singeries".
Le texte original est accessible sur le site de la BnF, dont voici un extrait :
Quelles ont été les conséquences de l'affaire des Placards ?
La réaction royale ne se fait pas attendre : le roi met fin à la politique de conciliation, la répression est lancée afin de venger l'atteinte faite à la monarchie. Les auteurs des Placards et ceux qui les ont affichés sont recherchés, et les luthériens dans leur ensemble sont traqués afin d'être envoyés au bûcher. Il y a également un contrôle des écrits supposément protestants, avec la création d'une commission spéciale en janvier 1535. C'est aussi à cette date, le 21 janvier très exactement, qu'a lieu une procession expiatoire pendant laquelle six protestants furent brûlés vifs, mais non sans être torturés avant. Certains protestants auront réussi à prendre la fuite, et parmi eux, un des ardents défenseurs des idées de la Réforme quitte la France : Jean Calvin. Le théologien était connu pour défendre les idées du protestantisme et s'attirer les foudres des catholiques.
La répression semble se calmer avec l'édit de Coucy (16 juillet 1535) qui envisage d'épargner les protestants qui promettent de se comporter en bons chrétiens. Mais tout cela est balayé avec l'édit de Fontainebleau de 1540, qui relance la répression et la chasse aux luthériens. Un des symboles de cette recrudescence est le massacre de Mérindol, en avril 1545, où près de 3 000 habitants de cette région du massif du Lubéron sont assassinés, car considérés comme hérétiques. Tout cela ne sera qu'une escalade vers les guerres de Religion qui éclateront dans la deuxième moitié du XVIe siècle.