Grand Schisme d'Occident : crise du christianisme en 1378
Au XIVe siècle, le Grand Schisme d'Occident est une crise majeure qui touche l'Eglise catholique. Retour sur sa définition, son contexte, son issue et ses conséquences.
Résumé du Grand Schisme d'Occident - Le Grand Schisme d'Occident commence en 1378 et se termine en 1417. Il s'agit d'une crise profonde qui touche l'Eglise catholique. A l'époque, cette dernière se retrouve avec plusieurs dirigeants : un pape de la lignée avignonnaise et un second, élu à Rome. Au plus fort de cette dissension, on distingue même la présence d'un antipape (pape élu en opposition aux autres), rendant l'Eglise tricéphale. Au-delà des problèmes d'organisation, l'institution perd progressivement de sa légitimité et de son autorité, notamment en matière de politique européenne. Au-delà de la définition propre des sacrements et du dogme religieux, le conflit s'enlise en même temps que la guerre de Cent Ans. Les premières tentatives de conciliation surviennent dès le début du XVe siècle, en vain. Le concile de Pise amorce les pourparlers. Il faut cependant attendre le concile de Constance, en 1414, afin de trancher définitivement sur les désaccords. Les anciens dirigeants sont condamnés ou déposés, tandis qu'un nouveau pape est élu en 1417 : Martin V.
Quelles sont les causes du Grand Schisme ?
Survenu au XIVe siècle, le Grand Schisme d'Occident concerne l'Eglise catholique. On distingue différentes causes à cette crise religieuse. Cela tient tout d'abord à la guerre de Cent Ans qui mine l'économie et la politique en Europe. En parallèle, le XIVe siècle est marqué par les épidémies comme la peste, des conditions météorologiques défavorables et donc des famines. On observe aussi une évolution sociétale marquante où la monarchie s'impose face à l'ancien système féodal. Par ailleurs, de profondes mutations sociales émergent. L'aristocratie se caractérise par sa puissance économique, tandis que les dignitaires de l'Eglise privilégient leurs intérêts et leur ascension sociale. Malgré les investissements de l'Eglise, les progrès technologiques ou scientifiques tiennent alors à des personnalités laïques. L'image d'une Eglise dominante et omnisciente laisse place à une institution conservatrice, voire réfractaire au changement. On retrouve d'autres causes au Grand Schisme. Le contentieux franco-italien impliquant Philippe le Bel et la papauté au sujet de la taxe sur le clergé, ainsi que la guerre des Visconti, ont agi comme des facteurs déclencheurs, mettant en évidence les tensions politiques et les rivalités qui ont fragilisé davantage l'unité de l'Église.
Comment s'est déroulé le Grand Schisme ?
Le Grand Schisme d'Occident commence en 1378 et se termine en 1418, soit une crise majeure d'une quarantaine d'années pour l'Eglise catholique. On peut y distinguer deux grandes étapes :
- La première s'étend de 1378 à 1394. En 1377, le pape Grégoire XI quitte Avignon pour rejoindre Rome. Il décède l'année suivante. Cependant, cette élection marque la scission du Sacré Collège. Une double élection pontificale a lieu. A Rome, on élit Urbain VI. A Avignon, il s'agit de Clément VII. Durant cette période, l'Europe est en proie à plusieurs conflits. En parallèle de la guerre de Cent Ans, l'Italie fait l'objet de nombreuses luttes d'influence afin d'en prendre le contrôle. Le Grand Schisme entraîne des conflits où les royaumes se rangent du côté de Rome ou d'Avignon, comme lors de la croisade d'Henri le Despenser. Le Saint-Empire romain germanique rencontre également des problèmes de stabilité politique. Les papes Urbain VI et Clément VII décèdent respectivement en 1389 et 1394. Pour autant, le Grand Schisme perdure.
- Quant à la seconde étape du Grand Schisme d'Occident, elle a lieu entre 1394 et 1417. Face à l'enlisement de cette crise du catholicisme, les prélats, les autorités ecclésiastiques, ainsi que les dirigeants de royaumes et d'empires essayent de trouver des solutions de conciliation. Les premières tentatives sont des échecs. Il faut attendre le concile de Pise de 1409 pour entrevoir un début d'issue. Grégoire XII (pape de Rome) et Benoît XIII (pape d'Avignon) sont déposés. Alexandre V est élu pape en 1409. Il est aujourd'hui considéré comme antipape, les deux anciens papes ne reconnaissant par leur éviction. La situation s'aggrave avec l'élection de l'antipape Jean XXIII, successeur d'Alexandre V. On parle alors d'une église tricéphale, avec trois papes. La fin du Grand Schisme s'amorce en 1415, pendant le concile de Constance. Plusieurs événements notables s'ensuivent jusqu'en 1418. Grégoire XII démissionne, Jean XXIII s'enfuit et Benoît XIII est déposé, même si ce dernier n'admet pas cette décision. En 1417, Martin V devient le 206e pape officiel de l'Eglise catholique.
Quelles sont les conséquences du Grand Schisme ?
Dans le monde occidental, le Grand Schisme a eu d'importantes répercussions. Cette crise du catholicisme a donné lieu à l'élection d'antipapes, tels qu'Alexandre V ou Jean XXIII. A son terme, la légitimité de l'Eglise catholique est également remise en cause. Cela ne tient pas uniquement à l'organisation ecclésiastique, mais aussi à la pertinence des sacrements selon les différents courants religieux. Ainsi, l'autorité et l'influence de l'Eglise s'en retrouvent affaiblies, notamment à cause de la crise conciliaire qui s'ensuit. Le concile de Constance a renforcé le concept de conciliarisme. Cela consiste à considérer que les conciles œcuméniques ont une autorité supérieure à celle du pape.
Au terme du Grand Schisme, on observe également l'émergence des particularismes nationaux. Face aux dissensions religieuses passées, l'Eglise peine à restaurer son autorité. Certains souverains organisent leur propre système. On peut évoquer, par exemple, l'Eglise de France devenue plus autonome avec Charles VII. Le clergé français est ainsi parfaitement autonome. Le Grand Schisme d'Occident constitue aussi un terrain favorable à la réforme protestante. De même, il a contribué à accélérer l'abandon du système féodal à l'échelle européenne. A l'image de la France qui adopte un système monarchique, les royaumes et les empires se modernisent. Cela tient à une gestion administrative plus rigoureuse, voire à la création d'états généraux.
Qu'est-ce que le Grand Schisme d'Orient de 1054 ?
Le Grand Schisme d'Orient survient en 1054. Il marque la rupture entre l'Eglise orthodoxe et catholique, respectivement byzantine et romaine. Cela s'explique tout d'abord par des dissensions politiques, des divergences d'interprétation sur l'organisation de l'Eglise et des textes religieux. Des tensions sur des questions telles que la primauté du pape, l'usage du pain azyme dans l'Eucharistie, ainsi que des différences culturelles et linguistiques ont contribué à la rupture. La crise atteint son apogée lorsque les légats du pape Léon IX et le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire, s'excommunient mutuellement en 1054, officialisant la séparation entre les deux Églises.
Après le schisme, les relations entre les deux courants chrétiens se révèlent, au mieux, cordiales. En règle générale, les partisans des deux églises se vouent une animosité à peine dissimulée. Lors de conflits, ils s'ignorent, notamment quand les Byzantins sont envahis par les Turcs de l'Empire ottoman. Il faut attendre 1965 pour que le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras lèvent leurs excommunications respectives dans une "déclaration commune", sans pour autant projeter de s'unir.
Quelle est la définition d'un Grand Schisme ?
Le Grand Schisme est une expression qui désigne un schisme à l'importance majeure. Comme évoqué précédemment, cette appellation concerne le Grand Schisme d'Occident et celui d'Orient. Le schisme marque une rupture, un désaccord dans le fonctionnement ou l'organisation d'une institution religieuse. Cette séparation est volontaire et réciproque. Pour autant, elle ne donne pas lieu à un rejet du dogme établi. En revanche, les sacrements sont susceptibles de différer.
Les dates clés du Grand Schisme d'Occident
- 20 septembre 1378 — Début du pontificat de l’antipape Clément VII
- Un conclave réuni à Fondi élit Robert de Genève antipape d’Avignon. Celui-ci prend le nom de Clément VII. Cet épisode marque le début du Grand Schisme d’Occident, l’Eglise ayant désormais deux papes, Clément VII et Urbain VI. Ce dernier mènera une politique autoritaire, si bien qu’il perdra peu à peu tous ses alliés. Le pontificat de Clément durera jusqu’à sa mort, le 16 septembre 1394 à Avignon. Il sera remplacé par Benoît XIII.
- 2 novembre 1389 — Pontificat de Boniface IX
- Le 2 novembre 1389 marque à Rome le début du pontificat de Boniface IX qui succède alors à Urbain VI. Noble napolitain, Boniface IX profitera de son pontificat pour supprimer l’indépendance de la Commune de Rome et pour reprendre le contrôle des villes et châteaux des Etats pontificaux. Durant toute la période de son règne, Clément VII et Benoît XIII tiendront une cour papale à Avignon. Malade, Boniface IX décédera le 1er octobre 1404. Innocent VII sera son successeur.
- 28 septembre 1394 — Début du pontificat de Benoît XIII
- Le 28 septembre 1394, Pedro de Luna épouse le nom de Benoît XIII et endosse le rôle de pape d’Avignon pour un pontificat qui durera jusqu’à sa mort en 1423. Considéré comme un antipape par l’Eglise catholique, Benoît XIII succède alors à Clément VII et comptera parmi ses alliés les pays comme la France, la Castille, le Portugal, l’Aragon, l’Ecosse ou encore le royaume de Chypre pour mener à bien ses missions.
- 17 octobre 1404 — Election du pape Innocent VII
- Boniface IX s’éteint. Innocent VII (Cosimo Migliorati, né à Sulmone en 1336) devient le 202e pape de Rome, pontificat qu’il honora jusqu’à sa mort en 1406. Sitôt son élection validée par les cardinaux, contre le légat d’Avignon — l’antipape Benoît XIII, la cité romaine fut aux prises d’une révolte des Gibelins, émeutes que le roi de Naples Ladislas Ier s’attela à réprimer. Durant son court règne, il ne parvint pas à mettre fin au Grand Schisme d’Occident (1378-1417).
- 30 novembre 1406 — Election du pape Grégoire XII
- Grégoire XII (né Angelo Correr à Venise, vers 1325) devient le 203e pape de Rome. Durant son pontificat, qu’il occupa jusqu’à sa démission en 1415, il s’échina à parlementer avec Benoît XIII, antipape d’Avignon, afin de réduire le Grand Schisme d’Occident, mais sans succès. Bien que désavoué lors du concile de Pise (1409), il ne se résigna que lors du concile de Constance (1414-1418), qui mit un terme au Grand Schisme avec l’élection de Martin V. Alors cardinal-évêque de Porto, il disparut à Recanati, dans les Marches, en 1417.
- 18 février 1407 — Soustraction d’obédience à l’égard de l’antipape Benoît XIII
- Sont établies de nouvelles ordonnances de soustraction d’obédience temporelle à l’égard de l’antipape Benoît XIII. Politique française établie à la faveur du Grand Schisme d’Occident et qui consiste à pousser les pontifes rivaux de Rome et d’Avignon à abdiquer, la soustraction de 1407, menée par l’Université de Paris avec le soutien du duc de Bourgogne et du Parlement de Paris, n’eut pas plus de succès que la précédente du 23 juillet 1398. Retranché dans sa citadelle, Benoît XIII refuse toujours de céder.
- 21 avril 1407 — Convention entre Benoît XIII et Grégoire XII
- Le délégué de l’antipape Benoît XIII (1324-1423), qui s’était réfugié à l’abbaye Saint-Victor de Marseille après sa fuite d’Avignon, reçoit celui de Rome, Grégoire XII (1325-1417). Ratifiée par le roi de France, Charles VI, le 11 juin suivant, la convention établit qu’une rencontre sera organisée entre les deux pontifes, à Savone, afin de résoudre le Grand Schisme d’Occident. Les échanges n’aboutirent pas : Benoît XIII se rend dans la cité italienne le 24 septembre, mais Grégoire XII lui fait faux bond.
- Juin 1408 — Convocation du concile de Pise
- Huit cardinaux romains et sept avignonnais, réunis à Livourne (Toscane), convoquent le concile de Pise afin de régler le Grand Schisme d’Occident. Se tenant du 23 mars au 7 août 1409, il déposa les papes de Rome Grégoire XII (1325-1417) et d’Avignon Benoît XIII (1324-1423) en élisant un troisième pontife, le franciscain grec Alexandre V (1340-1410). Mais, jugeant le concile illégal, les deux pontifes refusent d’abdiquer, et pire, un troisième pape (illégitime) réclame le Saint-Siège.
- 9 décembre 1413 — Sigismond et Jean XXIII convoquent le Concile de Constance
- Selon le vœu de Sigismond de Luxembourg, l’antipape Jean XXIII lance une bulle de convocation au XVIe concile œcuménique de Constance, dont l’ouverture est fixée au 1er novembre 1414. Depuis le concile de Pise (1409), trois pontifes se disputent le Saint-Siège et des désirs de réforme se font entendre en Bohême : siégeant jusqu’en 1418, présidé par le cardinal Jean Allarmet de Brogny, il se chargea de mettre un terme au Grand Schisme d’Occident.
- 16 novembre 1414 — Ouverture du Concile de Constance
- Le XVIe concile œcuménique s’ouvre à Constance, convoqué selon le désir de son protecteur, Sigismond Ier de Luxembourg, par l’antipape Jean XXIII, afin de résoudre le Grand Schisme d’Occident. L’empereur romain germanique décida ainsi de s’affranchir du Sacré Collège afin de réguler le chaos qui paralysait l’Eglise. Depuis le concile de Pise (1409), trois prétendants se disputent le Saint-Siège : l’antipape d’Avignon, Benoît XIII, celui de Rome, Grégoire XII et le "Pisan" Alexandre V (mort en 1410), à qui succéda Jean XXIII.
- 26 mars 1415 — Le concile de Constance se déclare au-dessus du pape
- Le concile de Constance entre dans sa troisième session. Se défiant de mettre fin à l’anarchie religieuse, ledit concile annonce ainsi son intention de ne pas se séparer avant d’avoir rétabli l’unité de l’Eglise et de sa discipline, le décret Haec Sancta (6 avril) établissant sa supériorité sur le pape. Reconnu légitime par le concile, mais déjà très affaibli par le nouveau mode de scrutin (une voix par nation et non par tête), Jean XXIII est alors arrêté et déposé.
- 4 juillet 1415 - L'antipape Jean XXIII démissionne
- Lors du concile de Constance, le pontife romain Grégoire XII est contraint à la démission, par procurateur, sur le principe du « sacrifice de sa dignité à la paix de l'Eglise ». Après avoir déposé celui de Pise, Jean XXIII, Benoît XIII résista mais fut déposé à son tour. Cela autorise les Pères conciliaires à enfin pouvoir résoudre la question du Grand schisme d'Occident, par l'élection du Romain Oddone Colonna en tant que Martin V (11 novembre 1417).