Opération Fortitude : une diversion pour le débarquement de 1944
L'opération Fortitude, tactique militaire de désinformation, vise à berner l'occupant allemand sur la date et le lieu du débarquement en France occupée, le 6 juin 1944. Quel succès a rencontré l'opération ?
Résumé de l'opération Fortitude - En 1944, durant la Seconde Guerre mondiale, les Alliés préparent un débarquement de leurs forces militaires en Europe. Ce projet n'est pas un secret pour les Allemands, qui renforcent leurs défenses sur le mur de l'Atlantique. L'opération Fortitude, lancée par les Anglais et les Américains, vise à mettre en place une véritable désinformation autour du débarquement (lieux et dates). Il s'agit de berner les Allemands et de leur faire croire à des attaques possibles en Norvège ou dans le Pas-de-Calais en France. L'opération Fortitude va s'accompagner de l'utilisation de moyens très divers pour mettre en œuvre ces tromperies : fausses informations livrées par le biais d'agents doubles, rumeurs colportées par canal diplomatique, unités fictives créées de toutes pièces en Ecosse et dans le sud de l'Angleterre, bombardements intensifs des prétendues zones de débarquement… Le succès de l'opération Fortitude et de cette supercherie à grande échelle contribuera fortement à la réussite du débarquement en France et à l'avancée des troupes alliées en Normandie.
Dans quel contexte l'opération Fortitude est mise en place ?
L'opération Fortitude se situe dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). L'imminence d'un débarquement des Américains et des Anglais dans le nord-ouest de l'Europe est une forte probabilité pour les Allemands. Ces derniers ont pu constater une concentration massive de troupes en Angleterre depuis la fin de l'année 1943. De fait, l'objectif des Alliés est de débarquer en France occupée et de braver le mur de l'Atlantique, tenu avec succès par les Allemands depuis le début du conflit. Débarquer sur les plages françaises n'est pas simple, en raison de l'importance des troupes allemandes affectées à la défense des côtes. Il devient alors nécessaire pour les Alliés de jouer sur la désinformation. Un véritable plan d'action est mis en place afin de berner les Allemands, notamment sur le lieu de débarquement des troupes anglo-américaines. Il s'agit de l'opération Fortitude, comprenant différentes opérations distinctes : dissimuler le lieu du débarquement, mettre en place des leurres, faire croire que le débarquement en Normandie n'est qu'une diversion. Toutes ces missions sont planifiées par le colonel John Henry Bevan de la London Controlling Section.
Quel est le but de l'opération Fortitude ?
L'opération Fortitude est conduite par l'état-major allié, le SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force). Le colonel John Bevan, qui organise ce plan, est un officier de renseignement anglais issu d'une lignée de comtes et de banquiers. D'apparence calme et confiant, Bevan est en réalité nerveux, retors et parfois impitoyable. Il décide de miser sur la simplicité, en brouillant les pistes sur le lieu du débarquement et en faisant croire aux Allemands que le débarquement du 6 juin en Normandie devance une opération bien plus conséquente dans le Pas-de-Calais. Si ces objectifs sont clairs, les moyens pour tromper les Allemands sont plus complexes et conjuguent utilisation d'agents doubles et création d'unités fantômes.
L'opération Fortitude consiste en un plan de désinformation des Allemands. Elle est intégrée dans un ensemble plus large d'opérations de dissimulation, nommé Bodyguard, visant à cacher aux Allemands tous les débarquements alliés en Europe, y compris en Méditerranée. L'opération Fortitude consiste à créer une diversion sur le lieu du débarquement. Le plan Fortitude Nord vise ainsi à faire croire à un débarquement en Norvège, hypothèse soutenue par Hitler. L'opération Skye prévoit une concentration de forces anglaises en Ecosse et la mise en place d'une intense activité radio. Dans le même temps, l'opération Fortitude Sud, ou opération Quicksilver, a pour objectif de faire croire à un débarquement dans le Pas-de-Calais, lieu idéal pour traverser rapidement la Manche. Des forces sont déployées en guise de leurre dans le sud-est de l'Angleterre, et une unité fictive américaine est créée de toutes pièces.
Avec quels moyens l'opération Fortitude est-elle lancée ?
Pour tromper l'ennemi, tous les moyens sont utilisés. La désinformation passe par l'utilisation d'agents doubles. Des espions allemands sont arrêtés et retournés par le service de contre-espionnage anglais, le MI5. Ils transmettent de fausses informations aux Allemands, avec succès. Cette stratégie employée par les services secrets est appuyée par des fuites d'origine diplomatique, en direction de la Suède. Les Anglais demandent, de fait, des autorisations de reconnaissance aérienne à ce pays, ce qui induit un probable débarquement par le nord. Quant aux résistants français, en plus de fournir des renseignements utiles, ils contribuent à cette action de désinformation avec des fuites d'informations contrôlées.
Une autre tactique consiste à créer des unités fantômes dans le cadre des opérations Skye et Quicksilver. Les Anglais utilisent une partie de leur IVe armée, soutenue par des éléments fictifs, qu'ils basent en Ecosse. De nombreux messages radio contribuent à étayer l'hypothèse d'un débarquement en Norvège. D'un autre côté, est créé un groupe américain fictif dans le sud-est de l'Angleterre, le FUSAG (First United States Army Group). Cette troupe fictive est commandée par le célèbre général George S. Patton. De fausses infrastructures sont construites, comprenant des chars gonflables. Ces leurres vont berner les aviateurs allemands, en charge des photographies aériennes. Une activité radio intense accompagne la stratégie anglo-américaine. Des bombardements intensifs se déroulent dans les prétendues zones de débarquement. Les bombes pleuvent sur le Pas-de-Calais, détruisant les villages français de Portel et Equihen-Plage (plusieurs centaines de civils tués).
L'opération Fortitude est-elle un succès ?
Hitler a longtemps été d'avis que les Alliés débarqueraient en Norvège. L'opération Fortitude a permis de maintenir cette fausse idée. Au moment du débarquement en Normandie, certaines sources affirment que le Führer est dans sa chambre à coucher, et que personne n'a osé le déranger. Pourtant 100 000 soldats ont déjà débarqué sur les plages de Normandie. Malgré tout, persuadé que les Américains vont attaquer plus au nord, Hitler refuse de déplacer les troupes allemandes en réserve. Il n'avait aucune confiance en ses généraux, ce qui va contribuer à une certaine confusion autour du débarquement.
Du côté de l'armée allemande stationnée sur les côtes françaises, on croit fermement à un débarquement dans le Pas-de-Calais. Les bombardements très intensifs sur la zone et les informations dont les Allemands disposent contribuent à faire croire à la véracité de cette hypothèse. Les Anglais ayant réussi à décrypter la machine Enigma qui permettait de codifier les messages allemands ont compris que le haut commandement allemand était tombé dans le piège.
Rommel, le prestigieux chef allemand qui avait réussi à remotiver ses troupes, était absent le jour J. Il n'imaginait pas qu'un débarquement pouvait se produire ce jour-là, et était parti fêter l'anniversaire de sa femme. Son absence a contribué à l'indécision des militaires allemands lors du débarquement en Normandie.
Les données météo très mauvaises induisent aussi en erreur les Allemands, mais le temps va s'éclaircir, permettant aux troupes alliées de débarquer dans de bonnes conditions météorologiques. Jusqu'en septembre 1944, les Allemands pensent cependant qu'un débarquement plus important va se dérouler dans le Pas-de-Calais. Des troupes allemandes restent stationnées dans la région, ce qui permet une consolidation des positions alliées en Normandie. L'opération Fortitude a été un réel succès, entre leurres et manipulation de l'information. Elle est devenue la plus grande supercherie de l'histoire !
Quelles sont les conséquences de l'opération Fortitude ?
Le succès de l'opération Fortitude a permis le débarquement des troupes alliées en Normandie, aussi appelé opération Overlord. Repoussant d'une journée le débarquement en raison de la météo exécrable, les Alliés finissent par poser pied sur les plages françaises. Les Britanniques sont ralentis dans leur avancée vers l'est. Après une bataille sanglante lors du débarquement, les Américains lancent l'opération Cobra. Celle-ci se déroule fin juillet 1944, et vise à percer les défenses des lignes allemandes dans le Cotentin, en direction de la route de Bretagne. L'armée américaine progressera avec difficulté dans le bocage normand, mais le combat tournera à son avantage, avec le soutien des bombardements alliés très intensifs. Le succès de l'opération Cobra est suivi de la percée d'Avranches, puis du contournement des lignes allemandes, qui vont assurer la victoire aux Américains en Normandie. L'opération Fortitude jouera un rôle majeur, contribuant à soutenir l'hypothèse d'un débarquement plus massif dans le Pas-de-Calais. Les Allemands gardent alors des troupes en réserve, tandis que les Alliés progressent en France durant la bataille de Normandie.