Guerre de Tchétchénie : première et seconde guerre avec la Russie
La guerre de Tchétchénie est un conflit en deux temps, avec une première et une deuxième guerre, qui vont opposer la Russie aux indépendantistes tchétchènes, dans les années 1990 et 2000.
Résumé des guerres de Tchétchénie - Depuis l'effondrement du bloc soviétique à la fin des années 1980, le Caucase est une zone de tensions, notamment sous l'influence des mouvements indépendantistes locaux. Parmi les zones tendues, la Tchétchénie qui, dans le courant des années 1990 et 2000, fut le théâtre de deux guerres d'indépendance avec la Russie dirigée par Boris Eltsine puis par Vladimir Poutine. Deux conflits meurtriers au déroulement très différent, mais qui ont pour point commun d'avoir conduit à la destruction d'une majeure partie du territoire tchétchène et à la mort de nombreux civils. Les deux guerres de Tchétchénie ont donné lieu à des combats sanglants, mais aussi à des actes terroristes et à des drames humanitaires. Les conséquences perdurent aujourd'hui, malgré la réintégration de la Tchétchénie au sein de l'Etat fédéral russe et l'arrivée au pouvoir de la famille Kadyrov, une alliée de poids pour Vladimir Poutine.
Pourquoi les guerres de Tchétchénie ont eu lieu ?
Le 26 décembre 1991, l'URSS s'effondre définitivement et se disloque pour former la Communauté des Etats indépendants (CEI). La région se retrouve alors déstabilisée par de nombreuses velléités indépendantistes, dont celles du peuple tchétchène, principal groupe ethnique du Caucase du Nord. Les indépendantistes fondent, à cette époque, la République tchétchène d'Itchkérie, Etat non reconnu dirigé par l'ancien général de l'armée de l'air soviétique Djokhar Doudaïev. Ce dernier refuse de signer, en 1992, le traité constitutif de la Russie post-soviétique incluant la Tchétchénie, et adopte sa propre constitution, faisant de la Tchétchénie un Etat libre et indépendant. Incapable de faire rentrer Doudaïev dans le rang, le président russe Boris Eltsine envoie l'armée dans la région en 1994. L'indépendantisme tchétchène est en partie lié au désir des chefs de guerre locaux de regrouper les peuples caucasiens musulmans (la Tchétchénie est majoritairement sunnite) sur un territoire, à l'image de l'ancienne Ciscaucasie du XIXe siècle. Cet indépendantisme fera vaciller la fragile paix signée en 1996, conduisant à la deuxième guerre de Tchétchénie.
Comment s'est déroulée la première guerre de Tchétchénie ?
Le 11 décembre 1994, l'armée russe envoie près de 30 000 soldats avec pour objectif de reprendre rapidement la Tchétchénie et sa capitale, Grozny. Soucieux d'empocher une victoire rapide pour réaffirmer la suprématie de la Russie dans la région alors que des élections présidentielles approchent, Boris Eltsine fait le pari d'une guerre éclair, refusant toute négociation avec Doudaïev et son état-major. Cependant, sur place, la progression russe s'enlise, se heurtant à la forte résistance des combattants tchétchènes et de leurs alliés sur place. Le nombre de soldats russes envoyés au front est multipliée par dix, faisant de cette intervention militaire la plus importante en Russie depuis la guerre en Afghanistan.
Après une longue séquence de bombardements, l'armée russe s'empare de Grozny, le 9 février 1995, détruisant une partie de l'aviation séparatiste. Plus de 100 000 personnes perdent la vie dans les combats, qui conduisent à l'exil de plus de 400 000 Tchétchènes. La guerre est le théâtre d'exactions dans les deux camps : l'armée russe est impliquée dans des massacres de civils, comme dans le village de Samaki en avril 1995 ou à Goudermes, en décembre de la même année. De leur côté, les pro-Tchétchènes répliquent par des attentats contre les civils russes dans toute la région du Caucase du Nord, ou par des raids et des prises d'otages comme celle du ferry panaméen Avrasya dans le port turc de Trabzon, en janvier 1996. Le 21 avril 1996, Doudaïev, probablement localisé par le téléphone satellite qu'il utilisait, meurt à la suite de l'explosion de deux missiles russes.
Comment s'est terminée la première guerre de Tchétchénie ?
Si l'armée russe continue de pilonner les villes tchétchènes et de les conquérir, la résistance militaire et civile met les forces d'Eltsine en difficulté. Le 6 août 1996, ces dernières parviennent même à reprendre Grozny aux mains des Russes et à mettre ceux-ci en déroute. Quelques jours plus tard, Argoun et Goudermes, deux des plus grandes villes de la région, repassent sous contrôle tchétchène. La Russie se retrouve contrainte à négocier un cessez-le-feu pour permettre le retrait de ses troupes. Le 31 août, les représentants des deux camps, Alexandre Lebedev et Aslan Maskhadov, signent les accords de Khassaviourt au Daghestan. En échange du retrait des troupes russes sous quatre mois, les Tchétchènes s'engagent à démilitariser Grozny. Ces accords, en revanche, ne répondent pas véritablement à l'enjeu principal du conflit, à savoir l'autodétermination de la Tchétchénie. S'ils garantissent le maintien de l'indépendance tchétchène, ils renvoient également la question du règlement de ce statut à la date du 31 décembre 2001, dernier délai.
Comment s'est déroulée la deuxième guerre de Tchétchénie ?
Les accords de Khassaviourt débouchent, un an plus tard, sur un traité de paix signé par Boris Eltsine et Maskhadov, le 12 mai 1997. Cependant, cette paix reste très fragile, surtout en Tchétchénie. Derrière le président Maskhadov, certains chefs de guerre, comme Chamil Bassaïev et l'émir Khattab, veulent aller plus loin et fédérer l'union des peuples caucasiens musulmans, notamment avec la république voisine du Daghestan. Entre le 31 août et le 16 septembre 1999, une série de cinq attentats sur le territoire russe cause la mort de plus de 300 personnes. Les autorités russes les attribuent (dans des circonstances nébuleuses) aux indépendantistes tchétchènes, justifiant ainsi une intervention militaire. Boris Eltsine, qui souhaite prendre sa revanche, entraîne la Russie dans une nouvelle guerre en Tchétchénie, envoyant 140 000 soldats au front le 1er octobre 1999.
Mieux préparée, l'armée russe reprend vite une grande partie des territoires du nord de la Tchétchénie. Sa progression vers le sud est ralentie par les terrains montagneux traversés, mais les troupes russes arrivent rapidement à encercler Grozny. A partir du 21 octobre 1999, un déluge de bombes russes tombe sur la capitale, faisant plus de 120 morts et 500 blessés. Accusant les indépendantistes tchétchènes d'avoir saboté un dépôt de munitions, la Russie s'imagine voir la ville rapidement désertée par les indépendantistes, ce qui n'est pas le cas. Débute alors un siège de la ville, entre le 25 décembre 1999 et le 6 février 2000, sous la direction du nouveau président russe suite à la démission d'Eltsine, Vladimir Poutine.
Qui a remporté la deuxième guerre de Tchétchénie ?
Les dernières batailles militaires d'envergure de la deuxième guerre en Tchétchénie ont lieu en mars 2000, dans le village de Kolmsomolskoye, où plus de 600 Tchétchènes trouvent la mort. Au printemps 2000, la Russie de Poutine a repris le contrôle sur la quasi-totalité de la Tchétchénie. Les conflits persistent, mais relèvent par la suite plus de la guérilla, notamment dans les montagnes où les derniers insurgés se sont réfugiés. La mort de Maskhadov, assassiné par les services de sécurité du FSB le 8 mars 2005, terrasse le camp des indépendantistes. La Russie tient sa revanche. La Tchétchénie perd son indépendance et est réintégrée au territoire, sans même la signature d'un quelconque traité de paix. Soucieux de trouver un appui dans la région, Poutine laisse à la Tchétchénie son propre statut fédéral : les prérogatives de maintien de l'ordre sont transférées à la milice locale, et des traités de délimitation des pouvoirs sont signés. L'arrivée au pouvoir en Tchétchénie du pro-Russe Akhmad Kadyrov, en octobre 2003, puis de son fils Ramzan, en 2007, au cours d'élections entachées de nombreuses irrégularités, met fin à la deuxième guerre en Tchétchénie.
Quelles ont été les conséquences de la guerre de Tchétchénie ?
Les conséquences de la guerre en Tchétchénie ont bouleversé l'équilibre dans la région du Caucase, même après la réintégration de celle-ci au sein du territoire russe. L'ampleur des destructions est considérable. En 2003, l'Organisation des Nations unies qualifie Grozny de "ville la plus détruite sur terre". Le bilan humain des deux guerres est compliqué à chiffrer, mais on estime qu'au terme de la seconde, entre 100 000 et 300 000 civils tchétchènes sont morts, soit entre 10 et 20 % de la population locale, au point que le conflit a pu être qualifié de génocide du peuple tchétchène. La seconde guerre, particulièrement, sera marquée par des exactions d'une violence terrible, multipliant les entorses aux droits de l'homme. Ce fut par exemple le cas du bombardement de Katyr-Yurt, le 4 février 2000. Il cause des centaines de morts civiles, dont un convoi de réfugiés ayant hissé le drapeau blanc, et fait l'objet d'un jugement de la Cour européenne des droits de l'Homme en 2010. Le souvenir douloureux de la prise d'otages de Beslan en Ossétie du Nord par des séparatistes tchétchènes, en septembre 2004, qui conduisit à un assaut meurtrier de l'armée et à la mort de 334 civils dont 186 enfants, témoigne du terrible coût humain des nombreuses guérillas qui ont secoué le Caucase à cette époque.