Affaire des poisons : le scandale qui éclabousse Madame de Montespan
L'affaire des poisons se déroule à la cour de Louis XIV entre 1679 et 1682. La maîtresse du roi, Madame de Montespan est accusée d'empoisonnement et pointée du doigt par la Cour.
Résumé de l'affaire des poisons - Si l'affaire des poisons éclate en 1679, il faut remonter à l'année 1672 pour comprendre comment ces scandales ont débuté. Cette année-là, des lettres écrites par Madame de Brinvilliers sont retrouvées à la suite de la mort de son compagnon, Godin de Sainte-Croix. La marquise explique avoir tenté d'empoisonner son père et ses frères. Si Madame de Brinvilliers est condamnée à la décapitation en 1679, les scandales se poursuivent. D'autres affaires, impliquant Madame de Montespan et Catherine Deshayes, surnommée "la Voisin", éclatent au grand jour. Des personnalités de la cour de Louis XIV sont directement citées dans les témoignages. Une Chambre ardente, autrement dit un tribunal d'exception, se tient entre 1679 et 1682. Plus de cent personnes y sont jugées. Des condamnations à mort, des bannissements du royaume et des travaux forcés sont prononcés. En 1682, Louis XIV choisit d'étouffer l'affaire des poisons en ordonnant la destruction des procès-verbaux et autres rapports de police. Il protège ainsi son ancienne maîtresse, Madame de Montespan, qui reste à la Cour jusqu'en 1691.
Comment débute l'affaire des poisons ?
La série de scandales commence en réalité en 1672. L'un des officiers de cavalerie du régiment de Tracy, Jean-Baptiste Godin de Sainte-Croix, meurt cette année-là. Alors qu'un inventaire est réalisé après son décès, neuf lettres rédigées et signées par Marie-Madeleine Anne Dreux d'Aubray, la marquise de Brinvilliers, sont découvertes dans un coffret. La marquise, maîtresse de l'officier, y reconnaît des dettes à hauteur de 30 000 livres. Des fioles contenant du poison (un mélange d'arsenic et de bave de crapaud) sont également retrouvées dans ce même coffret. Que disent les lettres ? Elles expliquent comment Godin de Sainte-Croix et sa maîtresse ont empoisonné le père et les deux frères de la marquise pour récupérer leur héritage.
L'affaire n'aurait peut-être pas fait autant parler d'elle si un autre document, signé par Pierre Louis Reich de Pennautier (homme d'affaires français), n'avait pas aussi été identifié. Il s'agit d'une procuration qui autorise un marchand à recevoir une somme de 10 000 livres via l'entremise de Godin de Sainte-Croix et provenant de la marquise. Il se trouve que Louis Reich de Pennautier est un ami de Colbert, alors principal ministre d'Etat. Les créanciers de Godin de Sainte-Croix s'adressent directement au Procureur royal pour récupérer les sommes perdues.
Madame de Brinvilliers doit être jugée le 22 août 1672, mais s'enfuit à Londres, puis à Valenciennes, en Hollande et à Liège. C'est dans un couvent belge qu'elle est arrêtée, en 1673, par François Desgrez, un officier de police déguisé en prêtre. Ramenée en France, la marquise est emprisonnée à la Conciergerie, tout comme Pennautier qui a été mis en cause par la jeune femme.
Comment se déroule le procès de l'affaire des poisons ?
Le procès de la Marquise de Brinvilliers se déroule du 29 avril au 16 juillet 1676. C'est maître Nivelle, avocat, qui défend l'accusée. Ce dernier plaide, à la fois un manque de preuves et une absence d'aveu. La marquise de Brinvilliers est pourtant exécutée le 17 juillet 1676 : habillée en robe de bure (une étoffe de laine), elle a les yeux bandés. C'est André Guillaume, le bourreau de Paris, qui décapite la marquise avec une épée et conduit son corps jusqu'au bûcher. Le 27 juillet de la même année, Pennautier est libéré de prison après avoir passé plus d'un an dans sa cellule.
Le procès de la marquise n'est pas le seul à se tenir dans le cadre de l'affaire des poisons. Une "Chambre ardente", à savoir un tribunal extraordinaire qui juge les crimes concernant l'Etat, est créée en 1679. Alors que les scandales liés à des empoisonnements explosent, les coulisses de la Cour sont révélées aux yeux de tous. Petit à petit, les personnes impliquées telles que Catherine Deshayes, aussi surnommée la Voisin, passent aux aveux.
La Chambre ardente auditionne 442 accusés en trois ans. Au total, 104 jugements sont rendus, parmi lesquels 30 acquittements, 36 condamnations à mort, 34 bannissements du royaume (et perte de la nationalité) ou amendes et 4 condamnations aux galères (travaux forcés).
Quel est le lien entre l'affaire des poisons et "la Voisin" ?
Catherine Deshayes est issue d'un milieu modeste. Alors qu'elle est encore très jeune, elle prend pour époux Antoine Montvoisin. Rapidement, elle perd son mari et se lance dans des activités de chiromancie, une pratique divinatoire qui interprète les lignes de la main. En parallèle, la jeune femme vend des poisons et réalise des avortements en toute illégalité. Il est dit que la Voisin aurait eu 100 empoisonneurs et empoisonneuses sous ses ordres. Il est aussi rapporté qu'elle organisait des messes noires pour des personnalités de la cour. Le scandale s'étend encore un peu plus.
La Voisin est jugée dans la Chambre ardente : lors de ses interrogations, elle dit avoir brûlé ou enterré dans son jardin "les corps de plus de 2 500 enfants nés avant terme". La prétendue sorcière est condamnée à mort : elle est brûlée vive sur l'actuelle place de l'Hôtel de Ville de Paris, le 22 février 1680. Dans ses lettres, Madame de Sévigné, marquise et épistolière française, raconte : "Elle se défendit autant qu'elle put pour sortir du tombereau : on l'en tira de force, on la mit sur le bûcher, assise et liée avec du fer. On la couvrit de paille. Elle jura beaucoup. […] Voilà la mort de Madame Voisin, célèbre par ses crimes et son impiété".
Pourquoi Madame de Montespan, favorite de Louis XIV, est-elle inculpée ?
La Voisin aurait pratiqué des messes noires : des rituels sataniques qui impliquent de croire en des entités démoniaques. C'est elle-même qui révèle la participation de Madame de Montespan, maîtresse de Louis XIV, à ces rituels. La marquise aurait demandé à la Voisin de l'aider à récupérer les faveurs du roi. En 1678, Louis XIV est tombé amoureux de Mademoiselle de Fontanges, âgée de 17 ans, jeune protégée de Madame en Montespan. La Voisin accepte et sollicite l'abbé Etienne de Guibourg. Au total, trois messes noires auraient été pratiquées, à Paris ou en pleine campagne. Des sacrifices de nourrissons ont eu lieu lors des rituels.
Quels autres soupçons pèsent sur Madame de Montespan ? Enceinte, Madame de Fontanges accouche prématurément et son fils ne survit pas. Elle souffre ensuite d'une longue maladie qui ne cesse de l'affaiblir. Elle meurt à l'âge de 20 ans. Dans le contexte de l'affaire des poisons, de nombreuses personnes accusent Madame de Montespan d'avoir tenté d'assassiner la duchesse en versant du poison dans son eau minérale. Mais le roi finit par étouffer l'affaire et Madame de Montespan reste à la Cour. Aucune preuve n'a pu être apportée. Les derniers accusateurs sont enfermés dans des forteresses royales.
Comment Louis XIV est-il impliqué dans l'affaire des poisons ?
L'affaire des poisons a éclaté sous le règne de Louis XIV. Cette "chasse aux sorcières" passionne les foules pendant plus de trois ans. De nombreuses personnalités aristocratiques sont impliquées dans les scandales : la comtesse de Soissons, le maréchal du Luxembourg ou encore Madame de la Mothe. La Reynie, premier lieutenant général de police de Paris, tente de démêler le vrai du faux. Alors que la Cour est secouée par ces affaires, le roi parle d'un "vilain commerce" dans une lettre adressée à Colbert, au sujet de Madame de Brinvilliers. Lorsque la Voisin fait la révélation des messes noires avec Madame de Montespan, l'affaire prend une nouvelle tournure. Il est même dit que des gouttes du sang des nourrissons sacrifiés ont été versées sur la nourriture du roi pour qu'il retourne auprès de la marquise. En 1682, sans doute pour stopper les rumeurs sur sa personne et ses proches, Louis XIV décide que l'affaire des poisons doit tomber dans un "éternel oubli" : les "vingt-neuf gros paquets de divers registres" sont brûlés sur ses ordres. Des traces écrites sont cependant conservées : ce sont les copies des actes appartenant à la police et à la Chambre ardente.
Comment la fiction s'est-elle inspirée de cette affaire ?
Les lettres de Madame de Sévigné ont largement documenté la célèbre affaire des poisons et inspiré de nombreux artistes. En 1839 et 1840, Alexandre Dumas, écrivain français, publie Crimes célèbres, une série de romans qui relate les plus grands crimes de la Renaissance à l'époque de l'auteur. Parmi les personnages principaux se trouve la marquise de Brinvilliers. En 1955, c'est au tour d'Henri Decoin, cinéaste, de réaliser L'affaire des poisons, avec Danielle Darrieux dans le rôle de Madame de Montespan. Plus de 1,5 million de spectateurs se sont rendus dans les salles pour redécouvrir cette histoire ayant défrayé la chronique. L'affaire est reprise dans les romans Angélique, marquise des anges ou encore dans la série télévisée Versailles.