Gestapo : définition, histoire, chefs, torture, tout savoir
La Gestapo résumée - Aux côtés des SS et des SA, la Gestapo constitue le principal outil de contrôle totalitaire de l'Allemagne nazie gouvernée par Adolf Hitler. Cette police secrète, qui opérait au-delà de toute juridiction, possédait les pleins pouvoirs et les mains libres pour organiser une répression violente des opposants politiques ainsi que l'extermination des juifs d'Europe et de toutes les populations visées par le régime nazi. Créée par Hermann Göring, la Gestapo reste associée à l'héritage politique d'Heinrich Himmler, qui l'a supervisée pendant la majeure partie de son existence, après sa création, en 1933. La barbarie de la Gestapo, nourrie par la paranoïa engendrée par un climat de délation, ne s'est pas seulement illustrée en l'Allemagne. Elle a également sévi dans les territoires conquis par Hitler pendant la guerre. L'histoire de la Gestapo, c'est aussi celle de ses cellules françaises : celle dirigée par Klaus Barbie à Lyon, ou son siège parisien, établi au 93, rue Lauriston.
Qui a créé la Gestapo en 1933 ?
La Gestapo est l'acronyme de Geheime Staatspolizei ("Police secrète d'Etat") et correspond à la police politique mise en place par le Troisième Reich. Elle prend naissance dans un contexte de consolidation du pouvoir nazi, précédant le vote des pleins pouvoirs à Adolf Hitler en mars 1933. La République de Weimar, malmenée par la crise économique, laisse le NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands) d'Hitler prendre le pouvoir. Jusqu'ici, la politique nazie de répression, d'internement et d'élimination des opposants politiques, s'opérait en dehors de tout cadre juridique sous l'égide des SA et des SS. La création d'une police politique permettait aux nazis d'intégrer leur répression dans un cadre légal sans risquer de représailles devant les tribunaux. La Gestapo est issue de la transformation de la police prussienne, à la tête de laquelle arrive Hermann Göring, le 12 février 1933. Il est à l'époque aidé par Rudolf Diels, son adjoint, qui l'aide à purger l'organisme de ses représentants pro-républicains pour les remplacer par des officiers nazis, principalement recrutés au sein des SA.
Mise au service de l'élection d'Hitler, cette police permet à Göring d'accéder au statut de ministre-président de la Prusse. Le gouvernement nazi fait alors voter une série de lois politiques permettant d'encadrer la poursuite des opposants politiques : amnistie des nazis condamnés avant la prise du pouvoir, amnistie des crimes et délits commis avec une intention patriotique… Ce cadre juridique nouveau sera complété par la création officielle de la Gestapo le 26 avril 1933 par un décret publié par Göring lui-même. Au départ circonscrite à Berlin, la Gestapo ouvre des bureaux dans toute la Prusse, principalement pour démanteler les réseaux clandestins communistes qui n'avaient pas encore été purgés par les nazis. La Gestapo devient l'outil principal de surveillance de l'opinion publique de l'Allemagne nazie, reposant sur la délation.
Qui sont les dirigeants de la Gestapo ?
La Gestapo est créée par Hermann Göring, député du Reichstag dont il devient président en 1932. Il est l'homme de confiance d'Hitler dans l'Etat libre de Prusse, stratégique de par son autonomie et par sa proximité géographique avec la Russie communiste. Fondateur de la Gestapo, Göring laisse la direction des affaires courantes à son bras droit, Rudolf Diels. en raison des nombreux postes qu'il occupe au cours de sa carrière : ministre de l'aviation, ministre-président de Prusse… Les rivalités sont nombreuses au sein du parti nazi et Diels est remplacé le 20 avril 1934 par Heinrich Himmler, chef des SS et préfet de la police bavaroise.
Avec son adjoint, Reinhard Heydrich, Himmler va rapprocher la Gestapo des SS en unifiant toutes les polices du territoire. Il devient même, le 17 juin 1936, le chef de toutes les polices allemandes, Gestapo incluse. En 1939, la Gestapo est incorporée à l'Office central de la sûreté du Reich dirigé par Heydrich. La gestion de la Gestapo revient alors à Heinrich Müller. Outre sa direction centrale, la Gestapo possédait également de nombreux bureaux régionaux, dont l'un des plus tristement célèbres est celui de Lyon, dirigé par Klaus Barbie, à l'origine de la mort du résistant français Jean Moulin.
Quel était le rôle de la Gestapo ?
Les rôles de la Gestapo ont été multiples et n'ont cessé de s'accroître au fur et à mesure des années. Sa mission initiale était de lutter contre les opposants politiques au régime. Le rôle de la Gestapo est central dans l'organisation de la Nuit des longs couteaux entre le 29 juin et le 2 juillet 1934, en aidant Hitler à monter un dossier de faux complot contre les dirigeants SA, dont Ernst Röhm. La Gestapo va traquer les opposants politiques, les communistes allemands en premier lieu, mais aussi participer au fichage des homosexuels et organiser la répression culturelle contre les œuvres jugées contraires à l'esprit nazi. Recourant fréquemment à la torture dans ses interrogatoires, la Gestapo bénéficie également, dans son travail d'espionnage, d'un climat de terreur dans la société allemande encourageant fortement la délation.
Enfin, la Gestapo a également un rôle prépondérant dans l'organisation de la déportation et l'extermination des juifs d'Europe. C'est en effet le département B4 de la Gestapo, dirigé par Adolf Eichmann, qui se charge de procéder à l'arrestation des juifs porteurs de l'étoile jaune et d'organiser les transferts de tous les déportés vers les camps de concentration et d'extermination. Fonctionnant avec une totale liberté juridique, n'étant soumise à aucun tribunal, la Gestapo pouvait décider des sanctions à appliquer, ce qui ne faisait qu'amplifier la terreur des citoyens des zones occupées.
Comment était organisée la Gestapo ?
L'organisation administrative de la Gestapo est complexe, notamment du fait des multiples organes auxquels elle a été intégrée. En 1936, elle intègre la Sicherheitspolizei (Sipo), la "Police de sûreté" du régime nazi, aux côtés de la Police criminelle (Kriminalpolizei ou Kripo), dirigée par Arthur Nebe. En 1939, cette même Sipo est regroupée avec la Sicherheitdienst (SD), le service d'ordre des SS, au sein du RSHA, pour former la Reichssicherheitshauptamt, l'Office central de la sûreté du Reich. La Gestapo devient l'Amt IV (administration IV) du RSHA.
Au niveau de son organisation interne, la Gestapo est divisée en six départements, eux-mêmes abritant plusieurs sections. Chaque département est chargé de superviser la surveillance d'une frange des populations considérées comme ennemies du Reich : adversaires du nazisme, églises et sectes religieuses, territoires occupés, contre-espionnage… La plus connue de ces sections était sans doute l'Amt IV B4, dirigée par Adolf Eichmann, qui fut le principal organisateur de l'extermination des juifs d'Europe.
Y a-t-il eu une Gestapo française ?
Après l'armistice signé par le gouvernement du maréchal Pétain marquant le début de la période de la collaboration, le gouvernement du IIIe Reich ouvre un bureau français de la Gestapo à Paris en 1941. Son siège, surnommé la Carlingue, est situé au 93 rue Lauriston, dans le XVIe arrondissement de la Capitale. Il coordonne les cellules locales de la Gestapo ouvertes dans chaque région de la France occupée, formant un réseau d'environ 35 000 Gestapistes.
Pour débusquer les résistants, les communistes ou les Juifs, des truands ou des hommes de la pègre sont engagés et utilisent leur réseau. Parmi eux, Pierre Bonny, ancien policier dont le nom est associé à quelques-unes des grandes affaires du début du XXe siècle (Seznec, Stavisky...) avant d'être révoqué de la police pour corruption. Avec lui, Henri Lafont, chef de la Gestapo française et truand notoire, forme le "groupe Bonny-Lafont" qui se distingue par de nombreux pillages et tortures.
Parmi les personnalités de la Gestapo française, il est également possible de citer : Pierre Loutrel dit "Pierrot le Fou", l'ennemi public numéro 1 de l'époque, le truand Abel Danos dit "le Mammouth", l'actrice Corinne Luchaire ou l'ancien capitaine de l'équipe de France de football Alexandre Villaplane. La plupart des membres de la Gestapo française seront arrêtés à l'été 1944 : Bonny, Lafont et Villaplane seront condamnés à la peine capitale et fusillés au fort de Montrouge le 27 décembre 1944.
Quand et comment la Gestapo a-t-elle été dissoute ?
Plus la guerre avance et plus la Gestapo gagne en pouvoir. Elle participe au climat de terreur au sein de la population en réprimant de plus en plus violemment les ennemis de longue date du régime. Les choses s'accélèrent à la suite de la tentative d'assassinat d'Hitler le 20 juillet 1944. La Gestapo a désormais tout pouvoir pour exécuter à vue les pillards. Elle restera l'un des principaux organes de répression du pouvoir nazi jusqu'à sa chute en mai 1945. Pour preuve de cette influence, la Gestapo sera au cœur des délibérations du procès de Nuremberg où elle est, dans son ensemble, déclarée organisation criminelle. Deux de ses anciens dirigeants font partie des 24 personnes physiques jugées à Nuremberg : Hermann Göring et Ernst Kaltenbrunner sont tous les deux condamnés à mort pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Kaltenbrunner est exécuté par pendaison le 16 octobre 1946 tandis que Göring se suicide la veille, dans sa cellule, en ingurgitant une capsule de cyanure. La Gestapo est officiellement dissoute par les Alliés le 10 octobre 1945 en même temps que toutes les organisations nazies.
Les dates clés de la Gestapo
- 26 avril 1933 — La création de la Gestapo
- Homme de confiance d’Hitler dans la région de Prusse, Heinrich Himmler prend la tête de la police régionale qu’il entreprend de nazifier en février 1933. Par un décret, le 26 avril, elle est renommée Gestapo et se place sous l’autorité d’Himmler. Elle est chargée de surveiller et d’éliminer tout opposant politique au régime nazi.
- 20 avril 1934 — Himmler prend la tête de la Gestapo
- Chef des SS, Himmler se voit confier par Hitler les outils de répression pour diffuser en masse l’idéologie nazie aux citoyens, au détriment d’Hermann Göring. Sa nomination et celle d’Heinrich Müller marquent la dernière étape de la prise de pouvoir des SS au sein de l’état-major après la Nuit des longs couteaux.
- 9 novembre 1939 — Incidents de Venlo
- Alors que la guerre fait planer la menace de coups d’Etat en Allemagne, la Gestapo confie à Walter Schellenberg la mission de piéger les services de renseignement britanniques. Il se fait passer pour un aspirant putschiste et organise une rencontre secrète avec des espions britanniques et hollandais à Venlo. Sur place, la Gestapo assassine l’agent secret Dirk Klop et fait prisonniers deux agents britanniques.
- 17 juin 1940 — Jean Moulin tente de se trancher la gorge
- Ancien préfet d’Aveyron et d’Eure-et-Loire, Jean Moulin refuse l’armistice signé par le gouvernement Pétain. Arrêté le 17 juin 1940, il est torturé par la Gestapo et tente de se suicider en se sectionnant la gorge avec un bris de verre. Sauvé de justesse, il gardera une cicatrice au cou qu’il cachera par ses célèbres foulards.
- 21 juin 1943 — Arrestation de Jean Moulin
- Après un passage dans la France libre à Londres, Jean Moulin est chargé par de Gaulle d’organiser le Conseil national de la Résistance. Le 21 juin 1943, la cellule lyonnaise de la Gestapo, menée par Klaus Barbie, l’interpelle dans la villa du docteur Dugoujon, à Caluire-et-Cuire, où se tient une réunion secrète de la Résistance.
- 8 juillet 1943 — Mort de Jean Moulin
- Interné à la prison Montluc de Lyon puis dans les locaux de la Gestapo à Paris et Neuilly-sur-Seine, Jean Moulin est fréquemment torturé par les troupes de Klaus Barbie. Il meurt officiellement le 8 juillet 1943 en gare de Metz des suites de ses blessures alors qu’il devait être transféré à Berlin. Son acte de décès est rédigé six mois plus tard.
- 6 avril 1944 — Rafle d’Izieu
- A la suite d’une dénonciation anonyme, la Gestapo lyonnaise dirigée par Klaus Barbie rafle une colonie de 44 enfants juifs et leurs accompagnateurs à l’orphelinat de la Maison d’Izieu, dans l’Ain. Ils seront déportés vers les camps de Drancy puis d’Auschwitz. Une seule adulte, Léa Feldblum, en ressortira vivante.
- 11 mai 1987 — Klaus Barbie devant les tribunaux
- Après des décennies de cavale, Klaus Barbie est arrêté en Bolivie, en janvier 1983, puis extradé en France. Ouvert le 11 mai, le procès de l’ancien chef de la Gestapo de Lyon s’achève devant la Cour d’Assises du Rhône. Au cours du procès, Barbie sera défendu par le médiatique avocat Jacques Vergès.
- 4 juillet 1987 — Perpétuité pour Klaus Barbie
- Inculpé pour actes de torture et crimes contre l’humanité, Klaus Barbie est reconnu responsable de la déportation de centaines de juifs français vers le camp d’Auschwitz-Birkenau, dont les 44 enfants d’Izieu. Il sera condamné pour ses crimes à la réclusion criminelle à perpétuité.
- 25 septembre 1991 — Mort de Klaus Barbie
- Tout au long de son incarcération, Klaus Barbie est détenu dans les prisons lyonnaises Saint-Paul et Saint-Joseph. Atteint d’un cancer du sang et de la prostate, il meurt à l’hôpital Lyon Sud le 25 septembre 1991, à l’âge de 77 ans.