Massacre d'Oran : fin de la Guerre d'Algérie le 5 juillet 1962
On considère le massacre d'Oran (5 juillet 1962) comme le dernier épisode de la guerre d'Algérie. Il se déroule le même jour que la proclamation de l'indépendance algérienne.
Résumé du massacre d'Oran - La guerre d'Algérie touche à sa fin. Les accords d'Evian pour l'indépendance sont signés le 18 mars 1962. Pourtant les tensions se multiplient à Oran avec des attentats organisés par l'OAS (Organisation de l'armée secrète) qui s'oppose à l'indépendance. Entre le 1er juillet (date du référendum d'autodétermination) et le 4 juillet, de nombreuses manifestations se déroulent. Les Algériens se sont prononcés pour l'indépendance à plus de 99,72 % lors du vote. Dans un contexte plutôt bon enfant, la radio va donner l'ordre de reprendre le travail le 5 juillet 1962. La population des quartiers arabes décide alors de descendre vers les quartiers européens, autour de la place d'Armes. Tout se passe bien jusqu'à 11h, heure à laquelle on entend un coup de feu. La foule s'affole. Des Européens sont capturés par les Auxiliaires de l'armée algérienne (les ATO), puis massacrés. Plusieurs sont toutefois sauvés par des musulmans. Le général français Joseph Katz en informe Charles de Gaulle qui ordonne l'inaction. Le massacre se poursuit et va durer plus de 6 heures. L'intervention des gendarmes français, autour de 17h, met fin au carnage.
Quel est le contexte du massacre d'Oran ?
La France occupe l'Algérie depuis 1830. Après la Seconde Guerre mondiale, débute une période de décolonisation internationale. Celle de l'Algérie ne se déroule pas sans heurts. Les indépendantistes algériens utilisent la défaite française en Indochine pour organiser des groupuscules s'opposant aux colons. En 1954 est créé le Front de libération nationale (FLN), qui va combattre violemment les troupes françaises sur place. La guerre d'indépendance de l'Algérie commence en novembre 1954 avec la Toussaint rouge (attentats du FLN). Quand en 1956, Guy Mollet, président du conseil français, arrive à Alger, il est conspué. A partir de là, les musulmans, jusqu'ici neutres, se tournent vers les rebelles. En parallèle, l'OAS (composé de civils et de militaires opposés à l'indépendance) combat avec les mêmes armes. Les attentats sont réguliers. Devant ces difficultés, les autorités séparent les communautés. Le général de Gaulle, de retour au pouvoir en 1958, propose de signer les accords d'Evian et de voter l'indépendance de l'Algérie. Le référendum se déroule le 1er juillet 1962 et le "oui" l'emporte. Le conflit s'achève par le massacre d'Oran du 5 juillet 1962, jour de l'indépendance, durant lequel Européens, pieds-noirs et harkis (combattants algériens qui ont secondé l'armée française) sont tués.
Quelles sont les causes du massacre d'Oran ?
La colonisation et la guerre pour l'indépendance ont laissé des traces. Les Oranais vivent dans la crainte et se méfient des autres. L'infiltration du FLN et de l'OAS dans la population provoque une escalade de violence et de terrorisme. Les autorités sont contraintes de séparer les communautés. Après le cessez-le-feu en mars 1962, le FLN agit librement, entraînant le massacre des harkis et une vague d'enlèvements. Les Européens vivent dans la peur et l'exode vers la France s'intensifie. Face à cela, un mouvement de grève des personnels de navigation vient compliquer les choses.
Le 1er juillet, un scrutin d'autodétermination a lieu. Plus de 99 % des votants sont favorables à l'indépendance. Des manifestations musulmanes saluent l'indépendance à Oran. Des katibas de l'ALN (armée de libération nationale) sont déployés pour encadrer les manifestants. Le 3 juillet, le capitaine Bakhti (chef du FLN d'Oran) ordonne l'arrêt des manifestations, mais elles reprennent le 4 au soir. Le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) appelle à de grands rassemblements pour le 5 juillet.
Le 5 juillet 1962, jour officiel de l'indépendance de l'Algérie, des massacres se produisent à Oran, dont les causes restent floues. Certains évoquent une possible implication de l'ALN dans le but de prendre le pouvoir. Des hypothèses de coup monté sont également discutées. Les événements du 5 juillet à Oran restent entourés de controverses sur les responsabilités et les motivations des acteurs impliqués, de même que l'inaction de la France.
Comment s'est déroulé le massacre d'Oran ?
De nombreux appels à manifester ont eu lieu dès le 1er juillet pour célébrer l'indépendance. Le GRPA appelle la population à se rassembler le 5 juillet. A Alger, des festivités sont planifiées, mais pas à Oran où des manifestations de liesse ont été organisées de façon spontanée.
Le 5 juillet 1962, les habitants se rassemblent vers 7h. La circulation est perturbée. Le cortège part de la Ville Nouvelle pour arriver place Karguentah. Jusqu'alors, les manifestations s'arrêtaient aux quartiers européens, mais le 5 juillet, elle se poursuit vers la place d'Armes. Le drapeau algérien doit y être levé par l'ALN sur la façade de la mairie. Le service d'ordre est assuré par l'ATO (Auxiliaires Temporaires Occasionnels), vite débordé.
A 11h15, des coups de feu sont entendus dont l'origine est inconnue. Les tirs se propagent à travers les quartiers. De nombreux manifestants sont armés et le massacre commence. Des hommes armés entrent dans des immeubles et enfoncent les portes des logements pour tuer les habitants, qu'ils égorgent ou enlèvent. Des témoignages indiquent que des Européens, mais aussi de nombreux Algériens soupçonnés de les avoir aidés sont exécutés en pleine rue.
Le massacre d'Oran se termine avec l'intervention des forces françaises et la restauration relative de l'ordre dans la ville. Après plusieurs heures de passivité et de non-intervention, les gendarmes mobiles et l'armée sont déployés dans les quartiers européens pour tenter de rétablir la sécurité.
Quelle a été la réaction française au massacre d'Oran ?
Les accords d'Évian permettent à l'armée française d'intervenir pour protéger les ressortissants français jusqu'à la remise des pouvoirs à une Assemblée nationale algérienne élue. Cependant, le gouvernement français, y compris le général De Gaulle, souligne que la responsabilité de maintenir l'ordre reviendra aux autorités algériennes après l'autodétermination. Des instructions contradictoires sont données au général Katz à Oran, limitant la capacité d'intervention française. Finalement, la décision est prise de n'intervenir qu'en cas de légitime défense ou d'attaque caractérisée.
Le 5 juillet, lorsque la situation devient hors de contrôle à Oran, les politiques sont hostiles à toute intervention non sollicitée. Le général Katz ne peut intervenir. Le gouvernement français avait confié le maintien de l'ordre au FLN. Selon les différentes sources, les horaires et les détails de l'intervention française varient. Les gendarmes mobiles sont déployés dans certains secteurs vers 15h, mais leur intervention reste statique et limitée. Cependant, au fur et à mesure que les forces françaises se déploient et que leur présence devient plus visible, le calme revient progressivement.
Quelles sont les conséquences du massacre d'Oran ?
Le général De Gaulle intervient le soir même à la télévision pour annoncer l'indépendance de l'Algérie. Après le massacre, plusieurs charniers ont été découverts. Pour ce qui est du nombre exact de victimes, les chiffres sont hypothétiques, les autorités françaises n'ayant pas reconnu officiellement ce massacre. Le FLN avance dès le lendemain le chiffre de 101 morts, dont 25 Européens. Le 28 juillet, le consul de France, Jean Herly, revoit l'estimation des victimes entre 700 et 2 500 morts. Plus d'un millier de disparus ont été signalés par l'ancien adjoint au maire d'Oran. Aujourd'hui encore des associations se battent pour que la vérité éclate et pour recenser les noms des victimes.
Ce massacre fut ressenti par les Européens présents sur le sol algérien comme une preuve de l'insécurité et du manque de protection qu'ils subissaient. 120 000 "pieds noirs" quittent le pays en juillet 1962. 600 000 étaient déjà partis avant cette date sur les 1,5 million de ressortissants européens que comptaient l'Algérie. Les accords d'Evian sont remis en cause côté européen, mais aussi algérien. On a d'abord accusé l'OAS du massacre, puis le FLN, miné par des querelles intestines. Certains accusent l'ALN, la branche militaire du FLN, qui finit d'ailleurs par évincer le GPRA du pouvoir. Ahmed Ben Bella est alors désigné comme le nouveau chef de l'État le 27 septembre 1962.
Cet événement est longtemps resté non reconnu par les autorités françaises, malgré les combats menés par les associations de pieds-noirs. Ce "silence d'état" persiste de très nombreuses années. Une proposition de loi arrive en 2017 pour reconnaître le massacre du 5 juillet à Oran. Un "mur des disparus" est érigé en novembre 2007, premier mémorial relatif à l'événement. La reconnaissance officielle de l'événement n'aura lieu qu'en 2022, le 26 janvier, par le président Emmanuel Macron.