Loi salique : les femmes exclues de la succession au trône
Résumé de la loi salique - Remontant probablement au IVe siècle, loi salique est un code de loi établi par les Francs saliens, sous l'influence des Romains. A l'origine, son but était de mettre fin au droit de vengeance en cas de crime. Plutôt que d'autoriser la famille de la victime à se faire justice, on obligeait le criminel à payer une amende. Le code précise aussi les règles de transmission des biens. D'abord diffusée oralement, la loi salique est mise par écrit sous le règne de Clovis, puis remaniée à l'époque carolingienne.
Dès la période mérovingienne, le royaume de France se transmet toujours aux héritiers mâles : la femme est exclue de la succession. Cette règle ne provient pas de la loi salique, qui ne mentionne pas les règles de dévolution de la couronne de France. Néanmoins, le texte, redécouvert par Richard Lescot au XIVe siècle, est invoqué pour contrer les prétentions du roi d'Angleterre au trône de France au moment de la guerre de Cent Ans. Dès lors, elle devient synonyme de "primogéniture agnatique" ou "succession exclusive de l'héritier mâle le plus âgé le plus proche en ligne masculine".
Qui a créé la loi salique ?
La loi salique a été créée au début du VIe siècle par les Francs saliens, un peuple germanique membre de la ligue des Francs. Néanmoins, il est probable que ce code de loi était transmis oralement dès le IVe siècle. Les Francs saliens vivaient près de l'embouchure du Rhin. Au Ve siècle, le roi Clodion le Chevelu fonde un petit royaume dont la capitale est Tournai, en Belgique actuelle. En 481 ou 482, Clovis hérite du royaume. C'est à cette époque qu'est rédigé le Pactus Legis Salicae, le code dit "loi salique". Le texte prend ainsi le nom du peuple qui l'a mis en place. Il mentionne les noms des auteurs de la loi, qui sont les chefs francs Arogast, Salegast, Visogast et Windogast. Au VIIIe siècle, le code est remanié sous les règnes de Pépin le Bref et Charlemagne. La loi salique tombe dans l'oubli pendant plusieurs siècles. Il faut attendre l'an 1358 pour qu'un moine, nommé Richard Lescot, redécouvre le texte dans les archives du monastère de Saint-Denis.
De quoi parle la loi salique ?
Le texte, rédigé sous le règne de Clovis, est un code de droit pénal et civil qui vise à régler les litiges entre les familles. Il contient essentiellement les tarifs prévus pour dédommager une partie lésée en cas de meurtre, mutilation ou vol. Rédigée en latin, la première version de la loi salique est divisée en 65 titres, chaque titre étant composé d'un certain nombre d'articles. Au fil des siècles, le code de loi se voit ajouter de nouveaux articles. Il atteint 100 articles sous Charlemagne. Les différents titres concernent notamment :
- les modalités d'assignation (un individu refusant de comparaître était proscrit et ses biens confisqués) ;
- le vol d'animaux ;
- le vol d'arbres ;
- l'enlèvement d'un esclave ou d'un serviteur ;
- le vol d'objets et les effractions ;
- le détroussement de cadavres ;
- les blessures ;
- les meurtres ;
- les relations adultérines ;
- les mutilations ;
- les injures ;
- les calomnies ;
- la transmission des biens.
Le code est particulièrement précis en ce qui concerne le vol des animaux. Par exemple, il stipule que le vol d'un cochon ayant atteint l'âge d'un an est puni d'une amende de 120 deniers ou 3 sous d'or en plus de la valeur de l'animal, et des frais de poursuite.
Le code ne mentionne à aucun moment les règles de succession au trône. La version rédigée sous Clovis prévoit que les femmes peuvent hériter des hommes. A l'époque carolingienne, la notion de "terre salique" apparaît dans l'article De alodis. Celui-ci stipule que "tout l'héritage de la terre passe au sexe masculin". Néanmoins, le texte ne précise pas ce qu'est exactement la terre salique.
Quel est le but de la loi salique ?
Loi salique avait pour but de mettre fin à la faide. Chez les Germains, la faide était une tradition de vengeance privée. Lorsqu'un crime était commis (meurtre, vol, viol ou mutilation), la famille de la victime avait droit de vengeance sur la famille du coupable. Bien souvent, un meurtre en appelait un autre. Ce système était répandu chez les peuples germaniques comme les Francs. Les historiens supposent que les Francs ont noué un pacte oral avec les Romains dès le IVe siècle pour remplacer la faide par des amendes. Les Francs, comme d'autres peuples, étaient en effet intégrés à l'Empire romain en tant que Lètes (statut intermédiaire entre liberté et servitude). Les Romains appliquaient leur droit, qui permettait notamment d'assurer l'ordre public. Supprimer les vengeances familiales par des amendes était un moyen de remplacer la justice privée par la justice publique, conforme au droit romain. La loi salique entérine ainsi l'idée que la violence légitime est du ressort de la puissance publique. Par la suite, les Francs ont conservé ces règles héritées des Romains.
Comment les Carolingiens ont-ils transformé la loi salique ?
La loi salique, rédigée à l'époque de Clovis (vers 510), précise que la transmission des biens se fait par les parents sans tenir compte du genre de la personne qui hérite. "Si un homme meurt sans laisser de fils, son père ou sa mère vivant lui succédera. A défaut du père et de la mère, les frères et sœurs qu'il a laissés lui succéderont."
Le code de loi est remanié en 763-764, sous le règne de Pépin le Bref, fondateur de la dynastie des Carolingiens. Il passe de 65 à 100 articles. Prenant le nom de "Terra salica", il introduit la notion de "terre salique", qui ne peut être transmise aux femmes : "Quant à la terre salique, qu'aucune partie de l'héritage ne revienne à une femme, mais que tout l'héritage de la terre passe au sexe masculin." La signification du terme de "terre salique" n'est pas encore établie. Certains historiens supposent qu'il s'agit du royaume des Francs saliens, d'autres qu'il s'agit des terres confiées par les Romains aux chefs francs en échange du service militaire. En effet, les Romains estimaient que ces terres accordées aux hommes devaient rester la propriété d'hommes mobilisables par l'armée romaine.
Vers l'an 800, Charlemagne fait rédiger une nouvelle version de la loi salique, intitulée "Lex salica carolina", ou "Lex salica emendata". Le texte est alors réduit à 70 titres. Le titre De alodis, relatif à la transmission des biens, reste inchangé.
La loi salique a-t-elle entraîné la guerre de Cent Ans ?
Sous la dynastie mérovingienne, le royaume était partagé entre les fils du roi défunt. Les Capétiens mettent fin à cette pratique : la couronne passe au fils aîné. Les filles sont toujours exclues de la succession afin que le trône de France ne tombe pas entre les mains d'un prince étranger. En effet, il était de coutume qu'une fille de roi épouse le prince d'un autre royaume. Néanmoins, la loi salique n'était pas invoquée pour justifier l'exclusion des femmes, le texte étant tombé dans l'oubli à partir du IXe siècle.
En 1316, le roi de France, Louis X, fils de Philippe IV le Bel, meurt sans héritier mâle. Ses frères, Philippe V puis Charles IV, lui succèdent, mais meurent également sans descendance. Finalement, c'est Philippe VI, neveu de Philippe IV, qui monte sur le trône. En 1327, Edouard III devient roi d'Angleterre. Petit-fils de Philippe IV par sa mère, il revendique la couronne de France en 1337. Pour les Français, il est exclu de laisser monter un étranger sur le trône de France, d'autant que les femmes ne peuvent transmettre un droit qu'elles ne possèdent pas. C'est le début de la guerre de Cent Ans. En 1358, le moine Richard Lescot retrouve un manuscrit de la loi salique dans les archives de l'abbaye de Saint-Denis. Il utilise alors le titre De alodis pour prouver que les prétentions de l'Angleterre sont illégales. Sous le règne de Charles V, les règles de dévolution de la couronne de France sont définitivement établies : par transmission dynastique uniquement masculine, par élection ou par élection de lignage.
François Ier est-il devenu roi grâce à la loi salique ?
Dès le XIVe siècle, la loi salique devient la référence lors de la succession au trône de France. Elle est d'ailleurs appliquée lors de la succession de Louis XII, décédé en 1515. De son premier mariage avec Jeanne de France, ce dernier n'avait eu aucun enfant. De son union avec Anne de Bretagne, deux filles avaient survécu. L'aînée, Claude de France, avait épousé son cousin François, de la branche Valois-Orléans-Angoulême. C'est ce dernier qui hérite du royaume de France sous le nom de François Ier. François Ier et Claude de France donnent naissance à Henri II, qui monte sur le trône en 1547.
Comment la loi salique a-t-elle provoqué la montée d'Henri IV sur le trône ?
La loi salique est de nouveau appliquée en 1589, lorsque le roi de France Henri III est assassiné par le moine Jacques Clément. Avec lui s'éteint la dynastie des Valois. Henri III meurt sans descendance, tout comme ses prédécesseurs, François II et Charles IX. Selon la loi salique, c'est Henri de Navarre, premier prince du sang, qui doit lui succéder. Ce dernier descend en effet en lignée masculine du roi Saint Louis, à la dixième génération. Henri de Navarre, protestant, est détesté par les catholiques, qui préféreraient confier la couronne au cardinal de Bourbon ou à Isabelle d'Espagne, petite-fille d'Henri II. La Ligue catholique invoque même une loi selon laquelle le roi de France ne peut être que catholique. Néanmoins, c'est bel et bien Henri de Navarre qu'Henri III, avant de mourir, a reconnu comme son successeur. En 1589, Henri de Navarre devient donc roi de France sous le nom d'Henri IV.