Projet Manhattan : invention de la bombe atomique

Projet Manhattan : invention de la bombe atomique Pendant la Seconde Guerre mondiale, le président des Etats-Unis Franklin Delano Roosevelt lance le projet Manhattan, qui aboutit à la mise au point d'une bombe atomique. Le projet prend fin en 1946.

Résumé du projet Manhattan - Dans les années 1930, les recherches en physique ont permis de découvrir la fission nucléaire. Bientôt, les scientifiques prennent conscience que ce phénomène peut donner naissance à un nouveau type d’arme d’une puissance inégalée. En 1939, des physiciens (dont Albert Einstein) envoient une lettre au président des Etats-Unis, Franklin Delano Roosevelt, dans laquelle ils lui font part de leur inquiétude de voir cette nouvelle technologie utilisée par les nazis. Convaincu, Roosevelt donne son accord pour la mise en place d’un programme atomique en 1942 : le projet Manhattan. De nombreux physiciens, comme Robert Oppenheimer, Enrico Fermi et James Chadwick, participent au programme. Ayant résolu les problèmes liés à l’enrichissement de l’uranium et à la production du plutonium, les scientifiques mettent au point la bombe atomique. Lors de l’essai Trinity, une première bombe est testée avec succès, le 16 juillet 1945. Les 6 et 9 août suivants, deux bombes atomiques sont larguées respectivement sur Hiroshima et Nagasaki, ce qui précipite la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Quelles sont les origines du projet Manhattan ?

Le projet Manhattan débute avant la Seconde Guerre mondiale. En 1933, le physicien Leó Szilárd développe l’idée de la réaction nucléaire en chaîne. A la même époque, le physicien italien Enrico Fermi travaille sur le bombardement de noyaux d’uranium par des neutrons. Dès la fin des années 1930, les recherches allemandes menées par Otto Hahn, Fritz Strassmann et Lise Meitner permettent la découverte de la fission nucléaire. Ces travaux permettent aux scientifiques d’envisager une réaction en chaîne avec de grandes quantités d’uranium, ce qui pourrait donner lieu à la fabrication d’une bombe extrêmement puissante. En août 1939, Leó Szilárd, Edward Teller et Eugene Wigner envoient une lettre au président américain Franklin Delano Roosevelt, dans laquelle ils lui font part de cette découverte. Ils lui précisent aussi que les Allemands pourraient être sur la même voie. La signature d'Albert Einstein figure également sur cette lettre. Roosevelt demande donc à Lyman James Briggs, directeur du National Institute of Standards and Technology, de créer un Comité consultatif pour l’uranium. Ce comité se réunit le 21 octobre 1939 et confirme au président la possibilité de créer une bombe atomique. Avec l’accord de Roosevelt, le comité S-1 commence ses recherches sur l’uranium au Bureau de recherches et de développement scientifiques (OSRD). Le 9 octobre 1941, Roosevelt confie à l’armée de terre le programme atomique, mené par le colonel James C. Marshall. Ce dernier ayant établi son quartier général à Manhattan, le projet prend le nom de "Manhattan District". Plus tard, il devient simplement "Projet Manhattan".

Quel est le rôle d’Albert Einstein dans le projet Manhattan ?

En 1933, Albert Einstein quitte l’Allemagne pour ne plus y retourner suite à la prise du pouvoir par les nazis. Il s’installe aux Etats-Unis, où il commence à travailler à l’Institute for Advanced Study de Princeton. En 1939, les physiciens Leó Szilárd, Edward Teller et Eugene Wigner rédigent une lettre connue sous le nom de "lettre Einstein-Szilárd", destinée au président des Etats-Unis, Franklin Delano Roosevelt. Les trois savants souhaitent prévenir le président américain de la possibilité de fabriquer une bombe d’un genre nouveau, basée sur la fission nucléaire. Pour donner plus de poids à leurs arguments, ils demandent à Albert Einstein, l’un des physiciens les plus célèbres au monde, d’apposer sa signature au bas de la lettre. C’est cette intervention qui déclenche les recherches des Etats-Unis sur la bombe atomique. Plus tard, alors que le projet Manhattan est en développement, Albert Einstein travaille sur une théorie globale des champs. En raison de ses convictions pacifistes, il ne participe pas à la mise au point de la bombe. En 1946, il crée le Comité d’urgence des scientifiques atomistes, qui critique le développement des armes nucléaires. En 1955, il avouera regretter d’avoir signé la lettre Einstein-Szilárd.

Qui a travaillé sur le projet Manhattan ?

Le projet Manhattan a mobilisé plus de 129 000 personnes. 84 500 ouvriers travaillent sur les chantiers de construction des usines. Les différents sites de recherches emploient, au total, 40 500 opérateurs et 1 800 militaires (5 600 en 1945). Les sites de recherche (Oak Ridge, Los Alamos, Hanford…) se trouvent principalement sur le territoire des Etats-Unis. Quelques-uns se trouvent au Canada, comme celui de Chalk River. Le Royaume-Uni participe également au projet Manhattan, suite à l’accord de Québec, signé en 1943.

Dans le cadre du projet Manhattan, de nombreux scientifiques ont travaillé à la mise au point de la bombe atomique. Parmi eux se trouvent les suivants :

  • portrait Robert Oppenheimer
    Portrait de Robert Oppenheimer © John Rooney/AP/SIPA (publiée le 28/03/2023)
    Robert Oppenheimer : physicien américain considéré comme le "père de la bombe atomique", il est directeur scientifique du projet Manhattan. Il est aussi directeur du laboratoire de Los Alamos, où sont produites les trois premières bombes atomiques ;
  • Vannevar Bush : ingénieur américain, il est nommé directeur de l’Office of Scientific Research and Development (OSRD) en 1941, prenant ainsi la tête de la recherche scientifique militaire aux Etats-Unis ;
  • James Bryant Conant : chimiste américain, il est directeur de l’université d’Harvard et directeur du National Defense Research Committee. Avec Vannevar Bush, il participe à la mise en place du projet Manhattan ;
  • James Chadwick : physicien britannique, il découvre le neutron en 1932 et reçoit le prix Nobel en 1935. De 1943 à 1945, il travaille au laboratoire de Los Alamos ;
  • portrait Enrico Fermi
    Portrait d'Enrico Fermi © MARY EVANS/SIPA (publiée le 28/03/2023)
    Enrico Fermi : physicien italien, il fuit l’Italie fasciste et s’installe aux Etats-Unis en 1939. Il crée, avec Leó Szilárd, le premier réacteur nucléaire en 1942 avant de rejoindre les équipes de Los Alamos ;
  • Niels Bohr : physicien danois, il obtient le prix Nobel de physique en 1922. Fuyant les nazis, il arrive aux Etats-Unis en 1943, où il travaille à Los Alamos ;
  • Leslie Richard Groves : colonel du corps des ingénieurs de l’armée américaine, il est nommé directeur du projet Manhattan en 1942. Il est à l’origine de la nomination de Robert Oppenheimer.

Quels types de bombes ont été créés par le projet Manhattan ?

Le projet Manhattan a abouti à la mise au point de la bombe atomique, ou bombe A, qui fonctionne grâce au principe de la fission nucléaire. Cela consiste à "casser" les noyaux des atomes d’uranium 235 ou de plutonium 239 en les bombardant de neutrons. Lors de la fission des noyaux, les charges positives se repoussent et produisent une grande quantité d’énergie. La fission produit des neutrons qui, à leur tour, bombardent les atomes à proximité, créant de nouvelles fissions : c’est la réaction nucléaire en chaîne.

Les scientifiques du projet Manhattan ont travaillé sur deux types de bombes atomiques : à l’uranium et au plutonium. L’uranium naturel est pauvre en uranium 235, l’isotope capable de provoquer une fission nucléaire. Pour obtenir de l’uranium de qualité militaire (contenant 90 % d’uranium 235), les scientifiques ont mis au point plusieurs méthodes d’enrichissement : la diffusion thermique, la diffusion gazeuse, la séparation électromagnétique et la centrifugation. Par ailleurs, les scientifiques ont découvert que le plutonium était plus fissile que l’uranium 235. Ils ont alors mis en place un réacteur nucléaire dans lequel l’uranium est bombardé de neutrons, ce qui permet de produire du plutonium.

Bombe Fat Man
La bombe Fat Man larguée au-dessus de Nagasaki © AP/SIPA (publiée le 29/03/2023)

Une bombe à fission au plutonium de type implosion, baptisée "Gadget", est testée le 16 juillet 1945 à Alamogordo, au Nouveau-Mexique. L’opération "Trinity" est un succès, la bombe développant une puissance de 21 kilotonnes de TNT. Le 6 août 1945, c’est un autre type de bombe A qui est utilisé lors du bombardement d’Hiroshima. Baptisée "Little Boy", cette bombe est un modèle à uranium de type insertion. Son principe consiste à projeter, grâce à une explosion, un bloc d’uranium 235 vers un autre, pour provoquer la réaction en chaîne. Le 9 août, la bombe "Fat Man" est larguée sur Nagasaki. Contrairement à "Little Boy", il s’agit d’une bombe au plutonium semblable à celle utilisée lors de l’essai Trinity. Des charges placées autour d’un cœur de plutonium explosent simultanément. Sous la pression, les atomes de plutonium se cassent, ce qui crée la réaction en chaîne.

Quelles sont les conséquences du projet Manhattan ?

Après le succès de l’essai Trinity, les Américains décident d’utiliser la bombe atomique pour forcer le Japon à capituler. Ils larguent une première bombe, le 6 août 1945, sur Hiroshima, puis une deuxième, le 9 août, sur Nagasaki. Le nombre de morts et les destructions provoquées par ces deux bombardements obligent le Japon à signer les actes de capitulation, le 2 septembre 1945, ce qui met fin à la Seconde Guerre mondiale. L’utilisation de l’arme atomique sur le Japon permet aussi aux Etats-Unis d’affirmer leur puissance militaire face à l’Union soviétique, autre vainqueur de la guerre.

En 1949, les Soviétiques surprennent les Américains en effectuant leur premier essai nucléaire. C’est le début d’une course aux armements nucléaires entre les deux superpuissances, dans le cadre de la guerre froide. En 1951, les Etats-Unis mettent au point la bombe H, ou bombe à hydrogène, plus puissante que la bombe A. Les Soviétiques testent leur propre bombe H en 1953. En 1961, ils font exploser la Tsar Bomba, la bombe atomique la plus puissante de l’histoire. Parallèlement, les deux blocs créent des systèmes permettant de frapper des cibles à plusieurs milliers de kilomètres de distance, comme les missiles intercontinentaux. La France, le Royaume-Uni et la Chine développent aussi leurs propres bombes atomiques. Dès la fin des années 1950, la communauté internationale prend conscience du risque que représente la prolifération des armes atomiques dans le monde. En 1968, la plupart des pays du monde signent le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Les dates clés du projet Manhattan

janvier 1939 — La fission nucléaire induite est découverte par des physiciens allemands
Les travaux d'Otto Hahn, Fritz Strassmann ainsi que ceux de Lise Meitner et Otto Frisch mettent à jour la fission de l’uranium sous l’effet d’un bombardement de neutrons. Le noyau atomique de l’uranium est désintégré en deux noyaux de plus faible taille. Cette réaction permet de produire une énergie très importante. Au cours de la même année, Frédéric Joliot-Curie mettra en évidence la réaction en chaîne. A l’approche de la guerre, la maîtrise de l’énergie atomique s’avérera cruciale, ce qui incitera Einstein à envoyer sa célèbre lettre à Roosevelt.
2 janvier 1939 — Enrico Fermi émigre au Etats-Unis
Face au nazisme, au fascisme et à l’imminence de la guerre en Europe, le physicien italien Enrico Fermi quitte son pays pour les Etats-Unis. Prix Nobel de physique en 1938 pour ses travaux sur le nucléaire, il part enseigner à Columbia et sera impliqué dans une mission fondamentale pour la recherche nucléaire et la réalisation de la première bombe atomique. C’est lui, en effet, qui dirigera l’équipe qui fera fonctionner la première pile atomique en 1942.
2 août 1939 — Lettre d’Einstein à Roosevelt
Leó Szilárd, Edward Teller et Eugene Wigner rédigent une lettre à l’attention du président des Etats-Unis, Franklin Delano Roosevelt. Ils l’informent du fait que les travaux sur la fission nucléaire pourraient donner lieu à la mise au point d’une arme d’une puissance inégalée et que les scientifiques allemands y travaillent peut-être déjà. Ils demandent à Albert Einstein, le physicien le plus célèbre, de signer la lettre.
Septembre 1942 — Le projet Manhattan est lancé par la Maison-Blanche
Le président des Etats-Unis, Franklin Delano Roosevelt, donne son aval pour la mise en place d’un programme atomique. Remplaçant le colonel James C. Marshall, le colonel Leslie Richard Groves, du corps des ingénieurs de l’armée américaine, est nommé directeur du programme, auquel il donne le nom de "projet Manhattan".
2 décembre 1942 — Première pile atomique
Après un an et demi d’expérimentations et quelques tentatives infructueuses, le physicien Enrico Fermi et son équipe réussissent à faire fonctionner la première pile atomique. Autrement dit, c’est la première fois que l’on parvient à créer une réaction nucléaire en chaîne dans un matériau fissile. Le principe est alors le même que dans les futures centrales nucléaires, mais lors de cette expérience, on ne tente pas de récupérer l’énergie. Face à la peur de voir l’Allemagne nazie parvenir à réaliser une arme atomique, cette expérience ne sera pas mise à profit dans le civil immédiatement. Mais elle permettra de mettre en œuvre la production de plutonium, dérivé de l’uranium après réaction nucléaire. Cette production est alors destinée à la création des premières bombes atomiques.
16 juillet 1945 — Première explosion d’une bombe nucléaire
L’expérience "Trinity", dans le désert du Nouveau-Mexique, à Alamogordo, voit exploser la première bombe atomique de l’histoire. La bombe n’est pas lâchée par avion, mais disposée dans une tour. Celle-ci est rasée par l’explosion tandis que le sable alentour est vitrifié et qu’un champignon de 300 mètres de diamètre s’élève. Ce test marque l’aboutissement du projet Manhattan qui a permis de construire trois bombes nucléaires. Celle-ci, nommée "Gadget", était constituée de Plutonium, comme celle qui sera lancée sur Nagasaki. Par contre, la bombe qui explosera à Hiroshima est constituée d’Uranium 235.
6 août 1945 — Bombe atomique sur Hiroshima
Les Américains larguent la bombe "Little Boy" sur la ville japonaise d’Hiroshima. La bombe est un modèle à uranium de type insertion. Le bombardement provoque la mort de 68 000 à 140 000 personnes, et détruit une grande partie de la ville.
9 août 1945 — Bombe atomique sur Nagasaki
Trois jours après le bombardement d’Hiroshima, une deuxième bombe atomique est larguée, cette fois sur la ville de Nagasaki. Baptisée "Fat Man", la bombe est un modèle à plutonium de type implosion. L’explosion provoque entre 35 000 et 80 000 morts et force le Japon à capituler.
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