Jansénisme : principes, les Jésuites, Port Royal
Mouvement religieux opposé aux jésuites, le jansénisme agite l'Eglise catholique. Définition, principes, fondateurs… voici tout ce qu'il faut savoir sur cette pensée associée au Port-Royal.
Résumé du jansénisme - Apparu en France au début du XVIIe siècle, le jansénisme, fondé par Cornelius Jansen, divise la communauté catholique en proposant des idées, une pensée, une doctrine théologique opposées à celles jusqu’alors défendues par les jésuites. En dépit de la délicate mission de lui attribuer une définition, le jansénisme marque les esprits par ses principes, et provoque quelques vifs débats au sein de l’Eglise catholique. Nichée au cœur de l’abbaye de Port-Royal, la pensée janséniste parvient à se populariser contre le pouvoir royal de Louis XIV, portée par des personnalités comme Blaise Pascal ou Jean Racine. Toutefois, au XIXe siècle, le jansénisme disparaît, le concile Vatican I mettant un terme à la plupart des débats ayant provoqué son émergence.
Qu’est-ce que la pensée janséniste ?
La pensée janséniste décrit une pensée religieuse basée sur l’une des idées développées par saint Augustin : la grâce divine. L’appellation de cette pensée provient directement du nom de Cornelius Jansen, auteur de L’Augustinus, publié en 1640, de façon posthume. Dans ce texte, l’évêque d’Ypres s’inscrit à contre-courant de la tradition catholique en exprimant ses propres idées sur la grâce de Dieu et sur la prédestination. Jusqu’alors, l’Eglise catholique considère en effet que les actions réalisées par un individu, tout au long de sa vie, déterminent le sort qui lui sera réservé lors de sa rencontre avec Dieu (pour le salut de l’âme humaine). Cornelius Jansen introduit, de son côté, l’idée que la grâce de Dieu est accordée ou refusée à l’avance. Autrement dit, les actions réalisées par un individu tout au long de sa vie ne peuvent venir modifier le sort de son âme. Le jansénisme s’appuie sur la négation de la liberté humaine. Sur le chemin menant à la vie éternelle, tout repose avant tout sur le bon vouloir de Dieu.
A l’époque où elles sont développées, les idées de Cornelius Jansen heurtent une majorité de fidèles. Elles rencontrent une grande résistance de la part des jésuites, des défenseurs du pape et du pouvoir royal. En pratique, les jansénistes se considèrent eux-mêmes comme catholiques, une posture qui rend parfois problématique la définition même de leur doctrine théologique. Souvent associée à l’abbaye de Port-Royal où elle se développe, la pensée janséniste disparaît progressivement au XIXe siècle, non sans avoir provoqué de vifs débats et quelques divisions au sein même de l’Eglise catholique.
Quelles sont les origines du jansénisme ?
Le jansénisme se développe principalement en France, dès le début du XVIIe siècle. A l’origine, il s’agit d’une réaction face à certaines évolutions de l’Eglise catholique, et notamment à la réaffirmation de la place du libre arbitre, dans le cadre de la Réforme catholique. A la fin du XVIe siècle, les conflits théologiques se font de plus en plus forts. Lorsque Cornelius Jansen, au début du XVIIe siècle, entreprend de régler les oppositions autour de la grâce de Dieu en se basant sur la pensée d’Augustin, il donne naissance à un nouveau mouvement religieux. Les principaux acteurs de cette pensée font rapidement de l’abbaye de Port-Royal des Champs le haut lieu de cette pensée janséniste. A noter que le jansénisme se développe aussi dans la France du XVIIe siècle, en réaction à l’absolutisme royal. Le règne de Louis XIV, entouré de jésuites, est d’ailleurs marqué par une lutte violente contre la pensée janséniste.
Qui a fondé le jansénisme ?
L’évêque Cornelius Jansen, né en 1585 aux Pays-Bas et décédé en 1638 à Ypres en Belgique, est considéré comme le fondateur de cette nouvelle pensée théologique à laquelle il donne son nom. Pour Cornelius Jansen, la grâce de Dieu ne s’obtient pas par la qualité des actions entreprises au cours de sa vie, mais repose davantage sur le concept de prédestination. Celui qui sera persécuté par Louis XIV et condamné par l’Eglise catholique romaine s’appuie sur les idées de saint Augustin pour livrer cette vision de la grâce divine, et sur les thèses du maître de l’université de Louvain, Michel de Bay. En ce sens, Cornelius Jansen s’oppose à la vision de la grâce divine défendue par les jésuites. En 1640, la publication, de façon posthume, de son œuvre, L’Augustinus, provoque de nombreux et virulents débats au sein de l’Eglise catholique. Cinq propositions qui en sont extraites seront considérées comme hérétiques et condamnées par le pape.
En quoi les philosophies jésuites et jansénistes sont-elles opposées ?
Le développement de la pensée janséniste est à l’origine d’une guerre fratricide (tous se revendiquent catholiques) entre, d’un côté les jansénistes, de l’autre les jésuites. Il s’agit d’une opposition frontale entre deux philosophies qui défendent, entre autres, une vision particulière du concept de grâce divine.
La philosophie ou pensée janséniste repose sur une vision de la grâce divine qui veut que tout soit conçu à l’avance, prédéterminé. Pour les partisans de Cornelius Jansen, la grâce de Dieu ne peut être obtenue par l’action. Pour avoir accès au Paradis, il n’est pas nécessaire de consacrer sa vie à réaliser de bonnes œuvres, ni d'implorer le pardon en cas d’aventure malheureuse. L’accès au Paradis est exclusivement réservé aux élus, choisis par Dieu dès le début de leur existence et non en fonction de leur comportement pieux.
De leur côté, celles et ceux qui défendent la philosophie jésuite se veulent plus tolérants. Les jésuites considèrent que l’action de l’individu détermine sa capacité à accéder à la grâce de Dieu. Les jésuites sont pour le pardon et encouragent davantage la liberté de chacun.
L’opposition entre les jansénistes et les jésuites crée de vives tensions au sein de l’Eglise catholique. En 1653, le pape Innocent X condamne cinq propositions tirées du texte L’Augustinus de Jansen pour tenter de freiner le développement du jansénisme. C’est ce qu’on a appelé la bulle Cum Occasione. Chaque camp compte par ailleurs ses partisans, et évalue son pouvoir. En France, le cardinal Richelieu, ministre de Louis XIII, fait partie des figures de soutien des jésuites, tout comme François Garasse, acteur important dans le conflit qui oppose les jésuites et les jansénistes. Très proches du pouvoir en place et de la royauté, les jésuites parviennent à multiplier les persécutions. De leur côté, les jansénistes peuvent s’appuyer sur des personnages historiques emblématiques, parmi lesquels Blaise Pascal et Jean Racine, pour faire vivre leur pensée et opposer un acte de résistance.
Quels ont été les personnages historiques jansénistes ?
La pensée janséniste est reprise par d’illustres personnages historiques, parmi lesquels on retrouve :
- Blaise Pascal : né en 1623, le mathématicien français consacre, dès 1654, une partie de son temps à la réflexion philosophique et religieuse. Fervent défenseur du jansénisme, Blaise Pascal est à l’origine de Les Provinciales, une série de lettres en partie fictives destinées à défendre le janséniste Antoine Arnauld. Cette œuvre, réprimée par les autorités politiques en place, s’inscrit dans la lutte entre jansénistes et jésuites.
- Jean Racine : né en 1672, le poète français, auteur d’Andromaque, reçoit une bonne partie de son éducation à l’abbaye de Port-Royal, haut lieu de la pensée janséniste (voir ci-dessus). Bercé et influencé par cette philosophie, Jean Racine s’en inspire pour la création d’un nombre important de ses œuvres. Il faudra toutefois attendre l’abandon du théâtre par Racine et le retour de son attachement à Port-Royal pour ériger Jean Racine parmi les grandes figures du jansénisme.
- Madame de La Fayette : contemporaine de Blaise Pascal et issue d’une famille proche du Cardinal de Richelieu, Marie-Madeleine Pioche de la Vergne n’échappe pas aux débats entre jésuites et jansénisme. Plus proche de la seconde philosophie, la comtesse de La Fayette s’en inspire pour l’écriture de La Princesse de Clèves, classique de la littérature française parfois étudié dans ce contexte de référence au jansénisme.
Les dates clés du jansénisme
- 387 — Augustin est baptisé
- Converti au christianisme depuis peu, Augustin est baptisé par l’évêque de Milan, Ambroise, en 387. Huit ans plus tard, il est nommé évêque d’Hippone et se consacre à ses activités pastorales. Grand érudit, il profite de ses savoirs dans différentes disciplines pour livrer des écrits religieux devenus incontournables, parmi lesquels Les Confessions et La Cité de Dieu.
- 28 août 430 — Mort de saint Augustin
- Après avoir consacré une partie de sa vie à penser le christianisme sous une autre forme et présenté sa propre conception de Dieu, saint Augustin s’éteint le 28 août 430 à l’âge de 75 ans. A sa mort, dans la colonie romaine d’Hippone assiégée par les Vandales, il laisse une œuvre considérable, source d’inspiration pour de nombreux catholiques.
- 28 octobre 1585 — Naissance de Cornelius Jansen
- Cornelius Jansen, ou Jensenius dans sa forme latine, fut évêque d’Ypres et théologien. Né le 28 octobre 1585 au sein d’une famille modeste, il entre dès 1602 à l’université de Louvain, où il s’attache au mouvement soutenant Saint-Augustin. Son antipathie pour les jésuites le fit fuir le protestantisme. Il traita la théologie dans son ouvrage Augustinus, à travers lequel le mouvement janséniste naquit. Ce dernier mêlait ambitions politiques et religions. Cornelius Jansen mourut de la peste en 1640.
- 16 septembre 1589 — Mort de Michel de Bay
- Né en 1513, Michel de Bay, dit Baïus, fut un théologien reconnu, qui introduit notamment les bases du jansénisme. Docteur en philosophie, il devint recteur du collège Adrien, à Louvain. Il se rapprocha des idées théologiques prônées par le concile de la Contre-Réforme, et fut publiquement condamné par le pape Pie V. Cela ne l’empêcha pas de poursuivre sa carrière et d’approfondir sa doctrine en opposition aux principes stricts du concile de Trente. Il mourut le 16 septembre 1589.
- 19 juin 1631 — Mort de François Garasse, jésuite, polémiste et poète français
- François Garasse entre dans la compagnie des jésuites en 1601 et s’adonne ensuite à la prédication pour lutter contre le libertinage et l’hérésie. Il entretient une querelle avec l’Université de Paris qu’il juge pleine de jansénistes prônant le gallicanisme, c’est-à-dire le mouvement favorable à une organisation de l’Eglise catholique française très autonome par rapport à la papauté. Quant au libertinage, au XVIIe siècle, il s’agit plus d’une liberté de pensée qui peut, de fait, entraîner un certain libertinage dans les actions et l’abbé Garasse le combattra toute sa vie. Il faillit ainsi envoyer le poète libertin Théophile de Viau au bûcher. Figure importante du conflit entre jésuites et jansénistes, il meurt le 19 juin 1631.
- 31 mai 1653 — Bulle "Cum Occasione " du pape Innocent X
- Le 31 mai 1653, le pape Innocent X condamne cinq propositions du livre de Jansénius, dans sa bulle "Cum Occasione". Le jansénisme est alors un mouvement religieux très influent, mais aussi gênant pour l’Eglise puisqu’il remet en cause certains grands principes de la religion catholique et tend à influer sur la vie politique.
- 7 avril 1655 — Début du pontificat d’Alexandre VII
- Le 7 avril 1655, le 237e pape de la chrétienté, Alexandre VII, entame son pontificat ; il est élu à l’unanimité. Fabio Chigi naît à Sienne en 1599, et devient cardinal en 1652. Son règne fut marqué par la répression, en raison de sa condamnation du jansénisme, et sa volonté d’éradiquer le protestantisme qui monte en Europe. On lui doit l’installation de la colonnade du Bernin sur la place Saint-Pierre. Il meurt en 1667.
- 19 août 1662 — Mort de Pascal
- Auteur de l’œuvre les Pensées, Blaise Pascal s’éteint à l’âge de 39 ans. Le mathématicien et physicien laisse derrière lui des écrits importants sur les probabilités, mais aussi un grand témoignage sur la pensée janséniste.