Code de Nuremberg : premier code d'éthique médicale en 1947
Le code de Nuremberg est un texte juridique établi en 1947, soit deux ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il pose les fondements d'une nouvelle éthique médicale, davantage encadrée.
Résumé du code de Nuremberg - Le code de Nuremberg a été publié en août 1947, dans un contexte tendu de fin de conflit mondial. Il découle du procès des médecins nazis qui furent jugés et condamnés à la suite des atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale. Le texte juridique de 10 articles est rédigé à la suite du procès qui se tient à Nuremberg, de décembre 1946 à août 1947. Il permet de mieux encadrer les expérimentations de la médecine par le biais d'une éthique médicale, beaucoup plus réglementée que par le passé.
Quelles sont les origines du code de Nuremberg ?
Les origines du code de Nuremberg remontent à la Seconde Guerre mondiale, pour ne plus jamais revoir les horreurs perpétrées au cours d'un conflit qui a fait plus de 60 millions de morts dans le monde. Après le procès de Nuremberg, chargé de juger les hauts dignitaires nazis encore vivants, le Tribunal militaire américain (TMA) ouvre le procès des médecins à partir du 9 décembre 1946, toujours à Nuremberg. Ce procès durera six mois, jusqu'au 19 août 1947, et se concentre sur le jugement des médecins et fonctionnaires de l'Etat nazi accusés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Ces personnes sont jugées responsables de la mort de centaines de milliers d'innocents dans les camps de concentration, à la suite d'expérimentations douteuses sur des sujets humains non consentants : tests de vaccins sur des prisonniers, euthanasie de déficients mentaux, inoculation de poison, participation directe ou indirecte à la Shoah… Les crimes dont sont accusés les 23 médecins sont nombreux, et leur cynisme est troublant : aucun repentir, aucun regret, mais la conviction obstinée d'avoir agi dans l'intérêt de la médecine, pour la défense de leurs travaux et pour le bien de l'humanité. Finalement, le tribunal condamnera seize accusés, dont sept à mort. Seuls sept accusés seront acquittés.
Comment le code de Nuremberg a-t-il été élaboré ?
Le code de Nuremberg a été élaboré dans la ville allemande du même nom en Bavière, à la suite du procès des médecins. Le texte définitif est publié les 20 et 21 août 1947. C'est le Tribunal militaire américain qui est à l'origine de la rédaction du code : les quatre juges, dont Harold Sebring, ainsi que les deux experts Leo Alexander et Andrew Ivy. Ce texte juridique repose sur différents principes médicaux, et cherche avant tout à encadrer les expérimentations médicales et à sensibiliser la population aux potentiels dangers du progrès médical scientifique. Tout ne peut pas être accompli au nom de la médecine. Le code de Nuremberg repose sur le serment d'Hippocrate, traditionnellement déclamé par tout médecin sur le point d'exercer, ainsi que sur d'autres textes tels que le Medical Ethics de Thomas Percival. Il a été rédigé grâce aux dépositions des experts du tribunal et en tenant compte des différentes informations glanées pendant le procès des médecins de Nuremberg.
Quels sont les dix critères du texte de Nuremberg ?
Le code de Nuremberg est publié avec dix principes fondamentaux visant à mieux encadrer les expérimentations médicales, afin de créer des bases solides pour une nouvelle bioéthique médicale. C'est d'ailleurs la raison d'être de la rédaction du code : mieux réglementer la médecine. Celle-ci ne peut pas tout se permettre sous prétexte de favoriser le progrès scientifique. Le deuxième objectif du code est de protéger les sujets participants en donnant un cadre légal aux expérimentations médicales. Les dix principes du code sont les suivants :
- Le sujet humain doit être consentant pour l'expérimentation médicale. Ce principe est essentiel : le sujet ne doit pas être contraint à se soumettre à une quelconque expérimentation, et tout repose sur son consentement volontaire. Le sujet doit donc disposer de toutes les informations nécessaires (nature, durée et but de l'expérience, risques et dangers encourus, etc.) afin de faciliter sa prise de décision.
- L'expérimentation doit être fondamentalement utile et pratiquée dans l'intérêt général : ses résultats pratiques ne doivent pas pouvoir être obtenus via une autre solution.
- Les principes de l'expérimentation doivent reposer sur les résultats d'expériences précédentes effectuées sur des animaux et en toute connaissance de cause.
- L'expérimentation doit éviter toute souffrance physique ou mentale à son sujet.
- Aucune expérimentation ne sera menée si elle présente des risques de décès ou d'invalidité du sujet, sauf si les sujets sont les médecins eux-mêmes.
- Les risques encourus ne doivent en aucun cas être supérieurs à l'enjeu humanitaire du problème résolu par ladite expérimentation.
- Toute probabilité, même infime, de blessure, mort ou invalidité du sujet, doit être écartée.
- Seul un personnel qualifié peut être en mesure de pratiquer une expérimentation médicale.
- Le sujet expérimental peut interrompre l'expérience à tout moment dès l'instant où il n'est plus apte à la supporter, physiquement et mentalement.
- Le professionnel chargé de l'expérimentation doit pouvoir interrompre l'expérience à n'importe quel moment s'il estime que sa continuation peut provoquer des blessures chez le sujet expérimental, voire une invalidité ou un décès.
Comment le code de Nuremberg a-t-il été accueilli à l'international ?
Le code de Nuremberg est adopté en 1952 par les Etats-Unis, mais n'en est pas moins discuté. Les Américains ne se sentent que peu concernés par un texte qui, d'après eux, est utile aux médecins peu scrupuleux, mais en aucun cas aux médecins qui effectuent leur travail correctement. Pour les Etats-Unis, ce texte a été rédigé pour les criminels de guerre nazis, et la communauté médicale américaine n'a aucune raison de penser qu'elle peut être concernée par le code. Pourtant, certaines expérimentations américaines menées pendant la guerre froide ne respectaient pas le texte.
En France, le code de Nuremberg est perçu différemment. Le 20 décembre 1988, le Code de la santé publique, par le biais de la loi relative à la protection des personnes dans la recherche biomédicale, adopte dix articles novateurs. Ces derniers permettent d'encadrer les tests, essais et expérimentations pratiquées à des fins de progrès scientifique sur des sujets humains. Un médecin compétent pourra donc exercer ses fonctions et entreprendre des expériences sur des sujets humains volontaires dans un cadre légal strict et préalablement défini. La loi française, également appelée loi Huriet ou loi Huriet-Sérusclat, est adoptée sous le gouvernement Rocard et constitue la première loi française de bioéthique, pour ce qui est de la recherche. Directement influencée par le code de Nuremberg, la France prend la question de l'éthique médicale très au sérieux et se distingue, en ce point, des Etats-Unis d'après-guerre.
Quel a été l'impact du code de Nuremberg ?
Le code de Nuremberg a une vocation universelle et vise à réglementer les expérimentations médicales dans le monde entier. La bioéthique médicale est l'affaire de tous. A l'instar du serment d'Hippocrate, qui continue d'être prononcé par les médecins malgré des millénaires d'ancienneté, le code de Nuremberg demeure une référence en matière d'éthique médicale. C'est d'ailleurs le premier code d'éthique médicale, et ce texte juridique en inspirera d'autres. On peut par exemple citer la déclaration de Genève (1948), la déclaration d'Helsinki (1964) ou encore la convention d'Oviedo (1997), autant de textes et d'articles qui visent à mieux protéger les sujets, tout en permettant au progrès scientifique de continuer son chemin. La déclaration de Genève de 1948, révisée sept fois, se concentre davantage sur les objectifs humanitaires de la médecine et sur les notions de dignité, de conscience professionnelle et de respect de la vie humaine (des notions allègrement bafouées par les médecins nazis pendant la Seconde Guerre mondiale). La déclaration d'Helsinki de 1964, qui a également été amendée, pose des principes éthiques qui font office de recommandations pour tous les médecins qui décident d'effectuer des expérimentations médicales sur des sujets humains. Le principe fondateur reste la santé de l'être humain, qui doit être préservée, de même que celle des animaux.