Massacre de Nankin : difficile reconnaissance d'un crime de guerre
Le massacre de Nankin, aussi appelé viol de Nankin ou sac de Nankin, s'est déroulé lors de la guerre sino-japonaise en décembre 1937, après la victoire des Japonais lors de la bataille de Nankin.
Résumé du massacre de Nankin - En 1937, la Seconde Guerre sino-japonaise débute, avec la bataille de Shanghai, remportée par les Japonais. La bataille de Nankin est une autre victoire face à une armée chinoise affaiblie et en déroute. Après cette défaite, les soldats chinois qui se rendent sont automatiquement exécutés. Le massacre de Nankin débute alors, avec des atrocités, qui vont du meurtre par baïonnette à la décapitation avec un sabre. Le sac de Nankin, ou viol de Nankin, est marqué par des crimes sexuels massifs. Les viols de femmes et d'enfants se comptabilisent par dizaines de milliers. Le massacre de Nankin est une véritable catastrophe, qui marquera profondément les relations sino-japonaises.
Comment s'est déroulée la bataille de Nankin ?
La Seconde Guerre sino-japonaise est lancée en août 1937 par les Japonais qui attaquent la ville de Shanghai. Cette décision est la conséquence d'une politique expansionniste menée par le Japon depuis plusieurs années, avec l'invasion de la Corée en 1910 et la conquête de la Mandchourie en 1931. Le Japon, qui affirme sa supériorité raciale sur les autres peuples asiatiques, continue son expansion territoriale, en envahissant la Chine. Les raisons de cette guerre sont également économiques : Shanghai est une ville maritime d'importance, avec ses nombreuses installations portuaires. La bataille de Shanghai se révèle difficile pour les deux camps, les Japonais rencontrant une forte résistance. Après avoir subi de lourdes pertes, le Japon finit par l'emporter, soutenu par les bombardements de sa marine. Les troupes japonaises sont épuisées, mais leur état-major les envoie en direction de Nankin, l'ancienne capitale de la Chine, une ville symbolique.
Durant la marche des troupes japonaises en direction de Nankin, les exactions se multiplient, à l'exemple d'un concours entre deux officiers portant sur le nombre de meurtres commis pendant leur périple. A Nankin, le commandement de l'armée chinoise prend la fuite à l'arrivée des Japonais. Le général chinois Tang Shengzhi assure, seul, la défense de Nankin, avec plus de 100 000 soldats. Cependant, l'avancée des Japonais provoque la panique chez les civils chinois qui fuient la ville et ses alentours en masse. La politique de "la terre brûlée", instaurée par la Chine, pour ne pas que des ressources tombent aux mains de l'ennemi, les conduit aussi à l'exil. Les troupes japonaises encerclent rapidement les alentours de Nankin.
Le prince Asaka, nommé par l'empereur Hirohito, prend le commandement de l'armée et entame des négociations avec le général chinois Tang Shengzhi, qui refuse la demande de reddition. Le 10 décembre 1937, les Japonais lancent une attaque sur Nankin, menée sur plusieurs fronts par des escadrons d'artillerie soutenus par des bombardements aériens. Le 13 décembre, les premières divisions de l'armée japonaise pénètrent dans la ville. Les troupes japonaises poursuivent les soldats chinois en fuite, et opèrent des opérations de ratissage sur une zone de plusieurs kilomètres dans et autour de Nankin. Commence alors le massacre de Nankin.
Quelles sont les causes du massacre de Nankin ?
Plusieurs facteurs ont pu entraîner le massacre de Nankin. Une première hypothèse tient à la violence inédite de la bataille de Shanghai et à la "mise en condition psychologique", couplée à l'épuisement des troupes japonaises. La bataille de Shanghai s'est en effet révélée longue et particulièrement meurtrière. L'entraînement des troupes japonaises en lui-même est redoutable. Les soldats doivent supporter des efforts intenses, avant les batailles et durant les combats. Aucune capitulation n'est permise, et les soldats japonais sont poussés au suicide en cas d'échec. L'autre cause du massacre de Nankin est raciale. Comme les nazis auxquels ils vont s'allier, les Japonais se sentent supérieurs aux autres peuples asiatiques. Dès les années 1920, les ultras décrètent l'aliénation du peuple chinois, avec en ligne de mire des visées expansionnistes. Une véritable propagande s'instaure alors contre le peuple chinois. Le Japon, sorti de la Société des Nations en 1933, refuse que le droit international s'applique envers les Chinois, considérés comme des sous-hommes. Les soldats japonais qui entrent dans Nankin considèrent leurs ennemis comme des bêtes, et non comme des humains à respecter.
Comment s'est déroulé le massacre de Nankin ?
Nankin se trouve à 265 kilomètres au nord-est de Shanghai, et se situe dans la Chine du Sud, au bord du fleuve Yangzi Jiang. Le massacre de Nankin s'est déroulé sur six semaines, du 13 décembre 1937, date de l'entrée des troupes japonaises dans la ville, au mois de février 1938. Le sac de Nankin se caractérise par des meurtres, des viols, des pillages et des incendies. Les soldats qui se rendent sont directement exécutés, leurs dépouilles brûlées. Les civils subissent la violence des Japonais, avec des meurtres gratuits au sabre ou à la baïonnette. Les femmes de tout âge (y compris des femmes âgées et des fillettes) sont violées en masse et collectivement. Des milliers de crimes sexuels ont lieu chaque jour. Tout geste de rébellion conduit à la mort.
Le pillage est la règle, et les Japonais incendient les habitations de la ville. Seule une zone échappe à leur furie. Il s'agit d'une zone de sécurité prise en charge par le comité international composé de quinze étrangers. Ce comité, qui fait office de gouvernement provisoire, est dirigé par John Rabe, un homme d'affaires allemand affilié au parti nazi. Ce dernier obtient, dans un premier temps, que cette partie de la ville ne soit pas attaquée par les Japonais. Le missionnaire et sociologue Lewis S. C. Smythe recueille des témoignages, afin de déposer des plaintes auprès de l'ambassade japonaise. La zone de sécurité est moins touchée par les violences que dans le reste de la ville, mais les Japonais y commettent cependant des meurtres et des viols. Les civils chinois affluent vers la zone de sécurité, qui reste une mince protection face aux assassinats et aux violences sexuelles, qui se multiplient. Les exactions diminuent fin janvier 1938, lorsque l'armée japonaise ordonne aux réfugiés chinois de la zone de sécurité de rentrer chez eux. Quelques semaines plus tard, l'ordre est rétabli.
Combien de victimes, de viols et de morts dénombre-t-on à Nankin ?
En ce qui concerne le nombre de morts durant le massacre de Nankin, les estimations et avis divergent selon les camps. D'après les historiens japonais, le nombre de victimes serait compris entre 80 000 à 200 000. Les Chinois avancent, quant à eux, le nombre de 300 000 tués. Selon le verdict du tribunal de guerre de Nankin rendu le 10 mars 1947, le nombre de civils et de soldats tués pourrait s'élever à 190 000, avec en plus 150 000 victimes d'actes de barbarie. Ces chiffres sont difficiles à vérifier, et l'estimation du nombre de tués reste approximative et sujette à controverses. Les victimes de viols pourraient s'élever à 20 000 selon une fourchette basse, jusqu'à 80 000 dans les estimations les plus hautes. Les soldats japonais massacraient aussi les civils. Dans certains cas, ils essayaient de les violer avant de les tuer. Les victimes étaient parfois rassemblées avant d'être tuées ensemble. Les Japonais ont également tué des prisonniers de guerre chinois.
Comment ont été jugés les criminels suite au massacre de Nankin ?
En juillet 1946, débute le procès contre les criminels de guerre du massacre de Nankin, au tribunal international de l'Extrême-Orient. Le général Matsui, principal responsable des troupes japonaises à Nankin, soutient ne pas avoir donné l'ordre d'exécuter les prisonniers, mais le tribunal de Tokyo le condamne à la pendaison le 12 novembre 1948. Le second accusé reconnu responsable du sac de Nankin est Kōki Hirota, ministre des Affaires étrangères, qui est également condamné à mort. Cinq autres accusés doivent subir la sentence de mort, tandis que 18 autres militaires japonais sont condamnés à des peines plus légères. Hisao Tani, alors lieutenant général de la 6e division de l'armée du Japon, est jugé et condamné à mort au tribunal des crimes de guerre de Nankin. Le prince Asaka échappe au tribunal, car il bénéficie d'une immunité judiciaire en raison de son statut royal. Après la Seconde Guerre mondiale, le général américain MacArthur et l'empereur Hirohito concluent un pacte accordant l'immunité à tous les membres de la famille royale.
Quelles sont les conséquences du massacre de Nankin ?
Les conséquences du massacre de Nankin ont été très fortes sur les relations sino-japonaises. Les controverses sont nombreuses, et la méfiance est durable entre les deux pays. Les Japonais ont d'abord camouflé le massacre, puis des témoignages de soldats ont été recueillis dans les années 1950 et 1960. Ensuite, les Japonais vont minimiser les pertes et l'impact du massacre de Nankin. Dans les années 1980 et 1990, l'histoire est réécrite dans les manuels japonais, et le massacre de Nankin est totalement nié. Les Chinois sont furieux face au négationnisme japonais, et quelques rares excuses publiques n'effacent pas l'outrage. En 1985, le gouvernement municipal de Nankin décide de construire le Mémorial du massacre de Nankin. Ce lieu de mémoire se trouve à proximité de la "fosse aux dix mille corps", là où des victimes auraient été enterrées.
Par la suite, les relations commerciales se sont fortement développées entre la Chine et le Japon, mais la méfiance reste forte entre les deux peuples. Pour les Chinois, le massacre de Nankin est un événement historique majeur, autour duquel est unifié le peuple. Deux jours de commémoration nationale sont instaurés en 2014 pour marquer la victoire de la Chine contre le Japon durant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi pour se souvenir du massacre de Nankin. Côté japonais, évoquer ce massacre semble perçu comme une trahison à la nation, même si la plupart des Japonais reconnaissent à présent son existence, malgré le négationnisme ambiant. Plusieurs Premiers ministres ont choqué les Chinois en se rendant au temple Yasukuni-jinja, dédié aux soldats japonais tués durant la Seconde Guerre mondiale, dont les criminels de guerre du massacre de Nankin. Toutes ces positions contrastées fragilisent les relations entre la Chine et le Japon.