Pierre de Rosette : l'origine du décryptage des hiéroglyphes
Les hiéroglyphes égyptiens ont été déchiffrés par Champollion en 1822 grâce à la pierre de Rosette. Cette stèle a été découverte en 1799 lors de l'expédition militaire de Napoléon Bonaparte en Egypte.
Histoire résumée de la pierre de Rosette - Le décryptage des hiéroglyphes est le fruit de près de 15 ans de travail de l'égyptologue Jean-François Champollion sur la pierre de Rosette. Cette stèle a la particularité de contenir trois fois le même texte (un décret) dans trois langues différentes : le grec, l'égyptien démotique et l'égyptien classique (hiéroglyphes). Identifiant rapidement les noms propres grâce à la présence des cartouches, Champollion acquiert une base solide pour déchiffrer le reste et confirmer la parenté entre le copte et l'égyptien. Aujourd'hui conservée en Angleterre (au British Museum) suite aux accords négociés avec la France après la campagne d'Egypte, la pierre de Rosette a fait la fierté de Bonaparte, sous le commandement duquel elle a été découverte. Durant l'expédition égyptienne, entre 1798 et 1801, des scientifiques accompagnaient en effet les bataillons de soldats afin d'étudier le pays. Grâce à Champollion et au décryptage des hiéroglyphes, la traduction de la pierre de Rosette permit de faire une avancée majeure dans la connaissance de l'Egypte antique.
Quelles sont les trois langues de la pierre de Rosette ?
La pierre de Rosette est un morceau d'une stèle en granite noir gravée d'un même texte en trois langues. Parmi les dernières phrases de ce texte, il est d'ailleurs écrit : Qu'on inscrive ce décret sur une stèle de pierre dur en écriture sacrée, en écriture documentaire et en écriture grecque et qu'on la fasse dresser dans les temples... Aujourd'hui, il reste sur la pierre :
- 14 lignes de hiéroglyphes (écriture figurative des anciens égyptiens),
- 32 lignes de démotique (écriture cursive des anciens égyptiens),
- 54 lignes de grec ancien.
Quelle est l'origine de la pierre de Rosette ?
Ce texte est la triple reproduction d'un décret datant de 196 av. J.-C. Décidé par les prêtres de la ville de Memphis, il vise à mettre en place un culte du roi Ptolémée V afin de rétablir son pouvoir sur l'Egypte. En effet, le règne de Ptolémée est jalonné de troubles depuis son accession au pouvoir à cinq ans, après l'assassinat de ses parents. Or, le soutien des prêtres est incontournable si Ptolémée veut obtenir celui du peuple. A Memphis, où le roi est couronné, le clergé représente la classe la plus haute et la plus influente. Le texte de la pierre de Rosette a donc une puissante force symbolique. Massive pierre de granite noir, la stèle atteint les 760 kg pour des dimensions comprises entre 112 cm de hauteur, 75 cm de largeur et 28 cm d'épaisseur. Elle est en partie brisée, mais d'autres pierres contenant le même décret ont depuis été découvertes à Philae ou encore à Nubayrah, ce qui a permis de préciser les détails du texte sur les parties manquantes sur la pierre de Rosette.
Qui a découvert la pierre de Rosette ?
La découverte de la pierre de Rosette remonte à l'expédition de Napoléon Bonaparte, alors général, en Egypte contre les Anglais. Un contingent d'ingénieurs est envoyé dans la ville de Rachid, appelée Rosette par les Français depuis l'époque des croisades, afin de fortifier son vieux château. C'est en 1799, durant des travaux de terrassement, que la pierre de Rosette est découverte, par l'officier Pierre-François-Xavier Bouchard. La stèle est alors envoyée au Caire, où séjournent les scientifiques qui ont fait le voyage avec Napoléon. Ils déchiffrent immédiatement la partie grecque, ce qui leur permet de savoir qu'il s'agit d'un décret daté de - 196, promulgué à Memphis en faveur du roi Ptolémée V. La ville de Rosette n'est cependant pas le lieu d'origine de la stèle, qui provient plus probablement d'un temple situé plus à l'intérieur des terres (Rosette étant implantée au bord du Nil). Or, en 392, l'empereur romain d'Orient Théodose Ier impose la fermeture de tous les temples qui n'assurent pas un culte chrétien, les édifices devenant la proie des pilleurs ou des habitants qui y trouvent des pierres déjà taillées pour leurs propres constructions. C'est probablement ainsi que la pierre de Rosette s'est retrouvée dans le château de la ville.
Qui a déchiffré la pierre de Rosette ?
Le déchiffrement de la pierre de Rosette ne s'est pas fait en une fois. Si plusieurs intuitions de linguistes et traducteurs ont permis quelques progrès au cours des siècles, la première avancée majeure est faite par Thomas Young, au début du XIXe siècle. C'est en effet lui qui fait le rapprochement entre le démotique et les hiéroglyphes. Le premier étant effectivement un langage égyptien simplifié. Il remarque également que les hiéroglyphes obéissent à un double système et qu'il s'agit d'une écriture dite mixte, c'est-à-dire qui mêle des signes logographiques (le signe signifie ce qu'il représente) et alphabétiques (le signe représente un son, une lettre). Grâce à la "Rosetta Stone" qui met en regard démotique, grec et hiéroglyphes, il parvient en outre à identifier en hiéroglyphes le nom de Ptolémée et d'autres noms propres dans les cartouches. Le déchiffrement en est là lorsque Jean-François Champollion s'intéresse à la pierre de Rosette, dont il possède une lithographie grâce à son cousin, le capitaine Louis de Champoléon. Comme Thomas Young avant lui, il s'appuie sur le déchiffrement des noms propres pour aller plus loin. Grâce au nom de Cléopâtre, qui contient plusieurs lettres en commun avec celui de Ptolémée et qui est aussi un nom grec, Champollion parvient peu à peu à identifier 12 hiéroglyphes. A partir de là, il peut recourir à d'autres textes que la pierre de Rosette pour compléter son alphabet et sa compréhension de l'écriture égyptienne. En 1822, il est capable de déchiffrer entièrement les hiéroglyphes.
Pourquoi la pierre de Rosette est-elle importante ?
Découverte par des Français au cours de la campagne d'Egypte qui les oppose aux Anglais, la pierre de Rosette est au centre de rivalités qui vont au-delà de la question scientifique. La course au déchiffrement des hiéroglyphes est aussi une question de suprématie culturelle nationale, d'autant plus que le grand concurrent du Français Champollion est Thomas Young, un Anglais. La pierre de Rosette est ainsi d'autant plus importante qu'elle ouvre la voie à la compréhension d'une civilisation antique, mais incarne également le prestige intellectuel d'une nation. En Angleterre, on met donc l'accent sur les découvertes de Young, qui précèdent celles de Champollion, et en France on insiste sur celles de Champollion, qui ont permis d'aller plus loin que celles de Young. Champollion et Young sont d'ailleurs en relation et échangent sur leurs interprétations de la pierre de Rosette avant que la défaite de Napoléon à Waterloo ne vienne aggraver les rivalités entre la France et l'Angleterre. Young est présent lorsque Champollion présente son mémoire sur les hiéroglyphes en 1822 à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris. Après le déchiffrement des hiéroglyphes grâce à la pierre de Rosette, Champollion crée un dictionnaire hiéroglyphique et une grammaire égyptienne antique. Ces ouvrages, publiés après sa mort, ouvrent la voie à une compréhension accrue de la civilisation pharaonique, tous les textes des temples et des codex pouvant à présent être déchiffrés.
Où est conservée la pierre de Rosette ?
Aujourd'hui, la véritable pierre de Rosette peut être admirée dans la salle 4 du British Museum de Londres. Elle s'y trouve depuis la capitulation française face aux Britanniques et le départ d'Egypte des troupes de Bonaparte. Les deux pays cherchaient en effet à s'approprier autant de découvertes scientifiques et historiques que possible. Après de nombreuses négociations, l'accord final prévoit que la France reparte avec les notes et échantillons de la campagne, tandis que l'Angleterre récupère la pierre de Rosette. C'est ainsi que la stèle se trouve en Grande-Bretagne depuis 1802. Depuis le bicentenaire de la naissance de Champollion en 1990, une reproduction de la pierre de Rosette, œuvre de Joseph Kosuth, peut également être observée à Figeac, sur la place des Ecritures. C'est dans cette ville qu'est né Champollion en 1790 et que se trouve un musée qui lui est dédié, implanté dans sa maison natale restaurée. La stèle, bien plus grande que l'originale, est allongée sur le sol. Le texte est accompagné d'une traduction.
Les dates clés de la pierre de Rosette
- 15 juillet 1799 - Découverte de la pierre de Rosette
- Lors de travaux effectués par des ingénieurs dans le vieux château de la ville de Rachid (ou Rosette, en Egypte) afin de le fortifier en prévision de combats contre les Anglais, émerge une stèle noire qui porte l'inscription d'un seul et même texte gravé en trois langues : c'est la pierre de Rosette, découverte par Pierre-François-Xavier Bouchard.
- 27 septembre 1822 - Champollion dévoile le secret des hiéroglyphes
- Devant l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres de Paris, Champollion dévoile enfin au monde le fonctionnement de l'écriture hiéroglyphique, après des années de travail et en présence de son grand rival britannique Thomas Young. Sa découverte émerveille les savants de son époque, même si des tensions nationales entre Anglais et Français corsent quelque peu la situation.