Procès de Nuremberg : résumé du procès historique de 1945
Le procès de Nuremberg place 22 responsables majeurs du Troisième Reich face à la justice des puissances alliées, et évoque pour la première fois la notion de crime contre l'humanité.
Résumé du procès de Nuremberg - La Seconde Guerre mondiale laisse l'Europe à bout de souffle, choquée à la fois par le nombre de morts, essentiellement des civils, mais aussi par les horreurs perpétrées par les nazis. Le procès de Nuremberg a pour ambition de trouver une peine adaptée à ces crimes ordonnés par les responsables du Troisième Reich, d'une envergure inédite. Une condamnation apparaît comme indispensable pour offrir aux populations un sentiment de justice, apaiser les tensions et limiter les règlements de comptes. Entre novembre 1945 et novembre 1946, les puissances alliées jugent ainsi 22 responsables nazis. Les grands absents sont Hitler, qui s'est suicidé, et Joseph Goebbels, qui a également mis fin à ses jours avec sa femme et ses enfants. L'accusé le plus important du procès de Nuremberg est ainsi Hermann Göring, fondateur de la Gestapo et ministre du Troisième Reich. Pour être à la hauteur des faits commis par ces dirigeants nazis, le tribunal invente la notion de crime contre l'humanité.
Quelles sont les causes du procès de Nuremberg ?
Un traité de paix entre deux puissances en guerre s'accompagne habituellement d'une amnistie : chaque camp ne doit plus tenir compte des crimes perpétrés pendant la guerre. Même si l'idée avait déjà été évoquée pour Napoléon ou lors de la Première Guerre mondiale, terminer un conflit par un procès est une innovation de la Seconde Guerre mondiale. La volonté de juger apparaît dès 1940 de la part des puissances alliées, qui condamnent unanimement le plan d'extermination des juifs par Hitler. La déclaration de Moscou du 30 octobre 1943 marque l'importance de juger à l'international des crimes commis à l'international. Américains et Britanniques apportent les 10 premiers noms des accusés, faciles à incriminer. Hitler est d'abord cité, avant d'être retiré de la liste une fois sa mort confirmée. Les Britanniques ajoutent ensuite encore 7 puis 8 noms supplémentaires. Les Américains, notamment, souhaitent profiter de ce procès pour condamner des organisations du Troisième Reich, et non uniquement des individus, afin de limiter le nombre de procès nécessaires.
Où et quand a lieu le procès de Nuremberg ?
La ville de Nuremberg est choisie pour le procès en raison de son importance symbolique, pour mieux affirmer les nouvelles valeurs du monde d'après-guerre. En effet, Hitler en avait fait la capitale idéologique du Troisième Reich. S'y tenait chaque année le congrès annuel du parti nazi. C'est également à Nuremberg que les lois antijuives ont été promulguées (lois de Nuremberg de 1935). En outre, en dépit des dégâts subis, la ville disposait des infrastructures nécessaires pour accueillir un tel événement (palais de justice, prison, Grand Hôtel). Entre novembre 1945 et octobre 1946, le procès s'étend sur plus de 10 mois.
Comment le tribunal s'est-il formé ?
C'est un juge à la Cour suprême et ancien procureur général des Etats-Unis, l'Américain Robert Jackson, qui est chargé d'organiser le procès de Nuremberg. Il accorde une haute importance à la préparation, et au rassemblement des preuves, et tient à juger le plan global des nazis, et non les actes de cruauté individuels. Sa délégation négocie d'abord avec les Britanniques, qui souhaitaient un procès très court avant de se ranger à l'avis des Américains. Américains et Britanniques se lancent ensuite dans des pourparlers avec les Français et les Soviétiques, qui souhaitent que le procès s'attarde sur les crimes de guerre, leurs pays ayant été particulièrement touchés par les combats. Les Soviétiques réclament en outre que le procès se tienne dans leur zone d'occupation de Berlin-Est. Après la conférence de Potsdam et de nombreuses discussions, chacun accepte cependant le point de vue américain, et le procès est placé sous le statut du Tribunal militaire international, instauré par les accords de Londres du 8 août 1945.
Comment se déroule le procès de Nuremberg ?
Le procès s'ouvre solennellement le 18 octobre 1945, par la lecture des actes d'accusation de tous les accusés, qui plaideront tous non coupables un mois plus tard. 21 accusés sur 24 listés sont présents, l'un étant introuvable, un autre s'étant suicidé, et le dernier étant épargné pour raisons de santé. Les procédures suivies sont de type anglo-saxon, ce qui permet aux accusés d'être témoins à leur propre procès. Le procès repose essentiellement sur des preuves écrites issues des archives du Troisième Reich. Les textes sont lus lentement afin de permettre une traduction en simultané en français, russe, anglais et allemand, ce qui démultiplie la durée de chaque séance. Les interventions des avocats sont également traduites. Les audiences se concentrent d'abord sur la culpabilité de chaque accusé, avant de se pencher sur celle des grandes organisations (SS, Gestapo, cabinet du Reich, état-major…). Les témoignages servent essentiellement à étayer les preuves écrites.
Quelles sont les accusations faites lors du procès de Nuremberg ?
Quatre chefs d'accusation visent les dirigeants et organisations nazis : conjuration (complot), crime de guerre, crime contre la paix et crime contre l'humanité. Ce dernier est inédit, et tous les participants au procès de Nuremberg ont bien conscience du caractère historique du procès, qui pose ainsi les bases d'une justice internationale. Le génocide juif, et la prise de conscience de l'ampleur du plan nazi avec la libération des camps de concentration en 1945, ont poussé les puissances alliées à inventer ce chef d'accusation de "crime contre l'humanité". Mais c'est surtout le nombre de victimes civiles en Europe qui est au cœur des préoccupations. Aucun témoin juif n'est d'ailleurs convoqué lors du procès.
Quelles sont les défenses et les attitudes des accusés ?
Au cours du procès, les accusés affichent des attitudes différentes. S'ils tâchent tous de conserver leur dignité, ils ne mettent pas en œuvre la même défense. Hermann Göring, qui sort de désintoxication et suit un régime, tient un discours qui s'apparente à de la propagande et se montre combatif, parvenant à séduire l'auditoire et la presse. Suspecté d'amnésie, Rudolf Hess ne se présente finalement pas à la barre. Après Göring, Albert Speer est le second accusé mémorable du procès. Architecte officiel du Troisième Reich, il est l'un des rares à assumer sa responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés, tandis que les autres se cachent derrière le régime de Hitler.
Quel est le verdict du procès de Nuremberg ?
Accusé principal du procès, Göring est reconnu coupable des 4 chefs d'accusation portés contre lui et condamné à mort par pendaison, tout comme une dizaine d'autres accusés. Rudolf Hess ainsi que 6 autres inculpés écopent d'une peine de prison à vie, et trois des accusés sont acquittés. L'exécution des peines de mort a lieu le 16 octobre 1946, sauf pour Göring, qui s'est suicidé la veille à l'aide d'une capsule de cyanure. Le corps des chefs politiques du parti nazi, la SS, la Gestapo et le SD sont reconnus comme organisations criminelles. Le génocide juif n'est pas considéré comme un crime contre l'humanité, car le tribunal ne parvient pas à établir de lien direct entre la persécution des juifs et le déclenchement de la guerre. L'antisémitisme n'en est pas moins condamné.
Quel est l'héritage du procès de Nuremberg ?
Le procès de Nuremberg est extrêmement documenté, et suivi de près par la presse mondiale : les photographies sont multiples, et le procès est filmé. Son importance est en effet historique, et il met en œuvre plusieurs procédés innovants (traduction en simultané, diffusion d'un film…). Il pose les bases d'une justice internationale qui trouve une prolongation actuelle dans la Cour pénale internationale (CPI), dont la mission consiste à juger spécifiquement les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides. Les principes éthiques et politiques du monde après-guerre sont ainsi jetés. Au cours de ce procès, l'image acquiert également la force de preuve. Les journalistes n'ont jamais été aussi nombreux rassemblés sur un événement. Le monde découvre ainsi les horreurs commises.
Quelles sont les polémiques et controverses liées ?
Si le procès est une première historique à plus d'un titre, il ne fait pas l'unanimité. On lui reproche notamment des témoignages trop rares, et provenant presque uniquement des accusés et non des victimes. L'interdiction de se défendre en citant les crimes des Alliés, le caractère rétroactif des chefs d'accusation, et la lenteur du procès permettent également à certains de penser qu'il s'agissait avant tout pour les vainqueurs de se venger par des voies officielles. Le point de vue de la presse adopte deux grandes tendances : Français et Soviétiques s'emportent en apprenant les acquittements ; Britanniques et Américains comparent au contraire le sort des dirigeants condamnés à celui des juifs.
Quels sont les autres procès liés au procès de Nuremberg ?
Le procès de Nuremberg constitue une source d'inspiration pour d'autres procès, dont certains tout aussi marquants, comme le procès de Tokyo entre 1946 et 1948, fondé sur le même modèle mais pour les dirigeants japonais. Le Premier ministre du Japon est condamné à mort par le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient. En Israël, le procès d'Eichmann, qui avait coordonné les déportations des juifs vers les camps d'extermination et géré la confiscation de leurs biens, permet enfin aux Juifs de témoigner à un procès. En France, le procès de Klaus Barbie en 1987 est le premier à se tenir pour crime contre l'humanité dans le pays.
Quels sont les principaux films et livres inspirés du procès de Nuremberg ?
Le procès a été analysé sous de nombreuses formes. Les documentaires les plus réputés sont "Le Procès de Nuremberg" de Christian Delage ou encore "Nuremberg, la bataille des images" de Sylvie Lindeperg. Pour les lecteurs, le livre "Le Procès de Nuremberg", de l'historienne et directrice de recherche émérite au CNRS Annette Wieviorka, est un incontournable pour mieux saisir enjeux, avancées et limites de ce procès majeur du XXe siècle.