Massacre de Chios : un épisode clé de l'indépendance grecque
Résumé du massacre de Chios - En 1821 débute ce que les historiens ont appelé "la guerre d'indépendance grecque". Celle-ci oppose l'Empire ottoman d'un côté, les Grecs de l'autre. En avril 1822, un an après les premières révoltes, l'Empire ottoman organise le massacre de Chios. Il s'agit de l'un des massacres les plus marquants de l'Histoire, et l'un des événements majeurs de cette guerre d'indépendance grecque. Sur l'île de Chios, en mer Egée, les troupes ottomanes exécutent près de 25 000 Grecs, hommes, femmes et enfants confondus. Derrière ce massacre de Chios se cache un objectif pour l'Empire ottoman : marquer les esprits et illustrer la force de frappe turque pour réprimer la rébellion grecque. En Occident, de nombreux gouvernements s'insurgent contre ce massacre. L'événement suscite colère, indignation, mais aussi une vive émotion relayée par des artistes comme Victor Hugo ou Eugène Delacroix.
Quelles sont les causes du massacre de Chios ?
Située en mer Egée, l'île de Chios jouit depuis le Moyen Age d'une réputation d'île commerçante où les nombreuses transactions commerciales opérées ont, décennie après décennie, permis d'enrichir l'île. De fait, la richesse de l'île de Chios attise les convoitises. Lassés par les conditions de l'occupation ottomane, de nombreux révolutionnaires grecs entament en 1821 (date officielle retenue pour cet épisode de l'Histoire) une guerre d'indépendance. Menée contre l'Empire ottoman, la guerre d'indépendance grecque devient le théâtre d'événements marquants, parmi lesquels le siège de Tripolizza (avec le massacre de Turcs par les révolutionnaires grecs) et le massacre de Chios.
Quelle est la responsabilité de l'armée ottomane ?
L'armée ottomane endosse la grande responsabilité du massacre de Chios : elle commandite le débarquement sur l'île éponyme pour venger le massacre de Turcs lors du siège de Tripolizza. Elle dévoile aussi sa volonté de faire un exemple, pour impressionner les Grecs refusant toujours de se soumettre à l'autorité ottomane. Si l'on se réfère exclusivement à ce massacre de Chios en pleine guerre d'indépendance grecque, les victimes sont essentiellement grecques. Au total, on estime que 25 000 civils grecs ont été tués par les soldats de l'armée ottomane sur l'île de Chios. 45 000 autres Chiotes (habitants de l'île de Chios) seront par ailleurs faits prisonniers, pour être ensuite vendus comme esclaves.
Où et quand le massacre de Chios a-t-il eu lieu ?
Comme son appellation le laisse facilement deviner, le massacre de Chios est perpétré sur l'île du même nom, en avril 1822, soit environ un an après le début officiel de la guerre d'indépendance grecque. Située en mer Egée, l'île de Chios est distante d'une dizaine de kilomètres seulement de la Turquie. Souvent surnommée "l'île du Mastic", elle forme aujourd'hui avec les îles de Psara et d'Inousses le district régional de Chios. Pour de nombreux auteurs, Chios est le territoire de naissance du célèbre poète Homère. L'île est aussi connue pour abriter des vestiges antiques, comme le temple d'Apollon, et quelques monuments byzantins, comme le monastère de Néa Moni. Deux siècles après le massacre de Chios, le tourisme s'inscrit parmi les principales sources de revenus de l'île.
Comment le massacre s'est-il déroulé ?
En mai 1821, alors que la guerre d'indépendance grecque a déjà débuté, l'amiral Iákovos Tombázis se rend sur l'île de Chios avec une partie des insurgés grecs, pour tenter d'agrandir sa flotte. Soucieux de préserver les intérêts de leurs ressortissants répartis aux quatre coins de l'Empire ottoman, les Chiotes déclinent la proposition de l'amiral. L'événement parvient toutefois aux oreilles des responsables de l'Empire ottoman. Le gouverneur Véhid-Pacha décide alors de s'installer dans la forteresse de Chora pour surveiller les intentions des Chiotes. En mars 1822, les insurgés grecs lancent les combats pour "libérer" l'île de Chios de l'occupation ottomane. Quelques semaines plus tard, l'Empire ottoman lance sa contre-attaque. Engagée avec plusieurs dizaines de milliers de soldats, la reconquête ottomane s'opère. Elle se traduit notamment par le fameux massacre de Chios. Les Chiotes qui ne sont pas exécutés sont rapidement réduits en esclavage. Parmi les survivants de cet épisode, ceux ayant réussi à fuir l'île s'engageront ensuite dans la guerre d'indépendance grecque, depuis d'autres îles ou depuis le continent.
Quelles sont les conséquences de ce massacre ?
Les réactions grecques au massacre de Chios ne se font pas attendre. Au mois de juin 1822, le capitaine Konstantinos Kanaris parvient à couler le vaisseau amiral ottoman commandé par l'amiral Kara Ali. Ce dernier, ainsi que 2 000 marins turcs, périssent au cours de l'attaque. Le massacre de Chios a également d'autres conséquences. Sur le plan de la démographie, l'île passe d'un peu plus de 100 000 habitants avant les massacres à moins de 2 000 à l'été 1822. Sur la scène internationale, le massacre de Chios suscite naturellement émotions et réactions. Le retentissement en Europe est particulièrement important. Beaucoup considèrent d'ailleurs cet épisode comme l'un des événements ayant contribué au développement du philhellénisme (qui signifie "amour de la Grèce"). De nombreux artistes, comme Victor Hugo ou Eugène Delacroix, n'hésiteront pas à s'inspirer du massacre de Chios pour livrer l'une de leurs œuvres.
Comment Victor Hugo a-t-il retranscrit le massacre de Chios ?
Illustre dramaturge et poète français, Victor Hugo fait partie des Européens ayant artistiquement clamé leur amour pour la Grèce. Comme beaucoup d'Occidentaux, l'auteur des Misérables est bouleversé par le massacre de Chios. En 1828, il écrit le poème "L'Enfant", qui prend pour décor la guerre d'indépendance grecque. Dans ce poème, Victor Hugo s'inquiète pour l'avenir d'un enfant grec abandonné et confronté à la dureté de la guerre — "Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux ! / Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus / Comme le ciel et comme l'onde, / Pour que dans leur azur, de larmes orageux, / Passe le vif éclair de la joie et des jeux, / Pour relever ta tête blonde" —. Le poème prend vie sur l'île de Chios et fait directement référence au massacre perpétré par l'armée ottomane — "Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil. / Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil" —. Paru en 1829, "L'Enfant" est l'un des poèmes les plus marquants et les plus engagés du recueil Les Orientales.
Comment Eugène Delacroix a-t-il fait du massacre de Chios une œuvre ?
Comme Victor Hugo, Eugène Delacroix a su utiliser son talent d'artiste pour retranscrire le massacre de Chios. Pour le peintre français, cela prend inévitablement la forme d'un tableau, intitulé "Scènes des massacres de Scio" (1824). Inscrit dans le courant pictural romantique, ce tableau d'Eugène Delacroix fait directement référence au massacre de Chios. Il met en avant la bravoure du peuple grec face à la barbarie de l'armée ottomane. Aujourd'hui exposé au Musée du Louvre, le tableau témoigne lui aussi de l'essor du philhellénisme dans les années 1820, dans un pays marqué par la résistance des libéraux face à Charles X, et par l'omniprésence des défenseurs de la chrétienté comme Chateaubriand.