Affaire du sang contaminé : résumé et chiffres du scandale
AFFAIRE SANG CONTAMINE - Par le nombre de victimes, par la faiblesse des condamnations, par les conséquences sociétales, l'affaire du sang contaminé a marqué l'histoire de la France.
Résumé de l'affaire du sang contaminé - C'est l'un des plus grands scandales sanitaires qu'a connus la France au cours de son histoire. L'affaire du sang contaminé, qui touche plusieurs pays, mais plus particulièrement la France, contient tous les éléments pour être un événement majeur de l'histoire de notre pays. Au scandale sanitaire (la transfusion de sang contaminé par le virus du sida) viennent en effet se greffer les scandales politique et financier. Un cocktail dont on mesure encore l'impact aujourd'hui. Voici donc un résumé de l'affaire du sang contaminé. Maladies transmises, rôle des journalistes et des politiques, chiffres, condamnations, nombre de victimes, conséquences pour la société : découvrez comment l'affaire du sang contaminé a modifié le paysage médical, politique et juridique français.
Comment a éclaté l'affaire du sang contaminé en France ?
L'affaire du sang contaminé éclate officiellement en 1991 à l'initiative d'une journaliste, Anne-Marie Casteret, qui lève le voile sur une pratique sanitaire désastreuse. Cependant, le scandale débute en réalité bien avant cela. Au début des années 1980, le monde découvre les premiers cas de sida et, très vite, des suspicions sur la transmission par voie sanguine de la maladie sont mises en avant. Dès 1983, plusieurs professionnels de santé recommandent de chauffer à haute température le sang transmis à des personnes hémophiles, avant de procéder à la transfusion sanguine. Cela implique des capacités de traitement, alors insuffisantes en France. Entre 1984 et 1985, le Centre national de transfusion sanguine passe outre ces recommandations et poursuit la distribution de produits sanguins contaminés à des personnes hémophiles. Quand certains mettent en avant une négligence pour tenter d'expliquer cette situation, d'autres évoquent rapidement les enjeux financiers qui s'y rapportent.
Quelles maladies ont été transmises par des transfusions contaminées ?
Si l'on connaît aujourd'hui un peu mieux le sida, ce n'était pas véritablement le cas lors des transfusions sanguines contaminées. Dans les années 1980, les recherches sur le sida (VIH) n'en sont encore qu'à leurs débuts. La dangerosité de la maladie est alors très souvent sous-estimée, de même que les populations à risque et les modes de contamination ne sont pas encore totalement bien identifiés. Il ne faudra toutefois pas attendre très longtemps avant de trouver le mode de contamination du sida et de prendre conscience que le virus représente un danger important dans le domaine des transfusions sanguines. Bien que l'affaire du sang contaminé soit souvent associée à la transmission du sida chez des personnes hémophiles, d'autres maladies, comme les hépatites, ont également été transmises lors de ces transfusions avec du sang contaminé.
Qui a révélé l'affaire du sang contaminé ?
C'est donc à la journaliste Anne-Marie Casteret que l'on doit la révélation de l'affaire du sang contaminé. Le 25 avril 1991, la journaliste française, médecin de formation, dévoile dans l'hebdomadaire "l'Evénement du Jeudi" un rapport confidentiel d'une réunion tenue quelques années plus tôt au Centre national de transfusion sanguine (CNTS). Le grand public prend alors connaissance de cette affaire, et découvre les grandes lignes du scandale médical. Très vite, plusieurs journalistes se mettent à enquêter. Au scandale sanitaire viennent s'ajouter un scandale financier, puis un scandale politique. Les principaux responsables politiques de l'époque sont attaqués sur leurs prises de décisions contradictoires, et sommés de s'expliquer.
Qui est ministre de la Santé pendant l'affaire du sang contaminé ?
Ministre du budget sous François Mitterrand de 1981 à 1983, ministre de l'Industrie et de la Recherche de 1983 à 1984, puis Premier ministre de 1984 à 1986, Laurent Fabius est le principal personnage politique ciblé dans l'affaire du sang contaminé. Son nom est souvent associé à celui d'Edmond Hervé, ministre de la Santé de 1983 à 1985, et à celui de Georgina Dufoix. Ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale de 1984 à 1986, la femme politique française est elle aussi mise en cause dans cette affaire. En novembre 1991, quelques mois seulement après la révélation du scandale, Georgina Dufoix déclare se sentir profondément responsable, mais ne pas se sentir coupable, des propos résumés dans la célèbre formule "responsable, mais pas coupable".
Quels sont les chiffres du sang contaminé ?
Les personnes hémophiles ayant eu besoin de transfusions sanguines au début des années 1980 constituent les principales victimes. Les patients hospitalisés à la même période viennent également grossir les rangs. Au total, plusieurs milliers de personnes recevront une transfusion de sang potentiellement contaminé. Dans son rapport confidentiel, le CNTS reconnaît qu'une personne sur deux ayant reçu une transfusion sanguine a été contaminée, soit près de 2 000 personnes, parmi lesquelles des enfants. Lorsque le scandale éclate en 1991, de premières indemnisations ont déjà été versées à plus de 1 000 personnes séropositives et malades, 66 veuves et 77 orphelins. Peu à peu, des associations de victimes se créent pour réclamer la vérité, la justice, et une indemnisation. Fin 1991, 4 000 personnes sont en mesure de prouver qu'elles ont reçu une transfusion contaminée et leur séropositivité bénéficient d'une indemnisation. En 1999, on comptabilise plus de 4 400 personnes hémophiles concernées. 2 000 d'entre elles ont déclaré la maladie. 40 % sont décédées.
Qui a été condamné lors du procès du sang contaminé ?
En 1992 débute une longue procédure judiciaire à l'encontre des responsables de l'affaire du sang contaminé, et soutenue par les associations des victimes. Lors du premier procès en correctionnelle en 1992, l'administration et le CNTS (Centre national de transfusion sanguine) sont sanctionnés. Un an plus tard, le verdict est confirmé en appel, et la faute de l'Etat est reconnue. Michel Garretta, ex-directeur du CNTS, et Jean-Pierre Allain, ancien chef du département de recherche du CNTS, sont condamnés à quatre ans de prison, dont deux ans ferme. En 1994, la Cour de cassation intervient dans la procédure. En 1999 s'ouvre devant la Cour de justice de la République le procès des anciens responsables politiques mis en cause dans l'affaire du sang contaminé, et jugés pour "homicide involontaire". Tout comme Georgina Dufoix, Laurent Fabius est relaxé par la Cour de justice de la République. Seul Edmond Hervé est reconnu coupable d'homicide involontaire, mais il est dispensé de peine.
Les victimes du sang contaminé ont-elles été indemnisées ?
Grâce au travail des associations de victimes, les personnes hémophiles et les patients hospitalisés ayant reçu une transfusion de sang contaminé ont été indemnisés. En 1996, le montant total des indemnisations des victimes et de leurs familles avait été évalué à 17 milliards de francs. Une bonne partie de ces 17 milliards de francs a été financée par l'Etat lui-même, une autre partie par les assureurs.
Quelles conséquences a eu l'affaire du sang contaminé ?
De par son ampleur et sa gravité, l'affaire du sang contaminé a eu des conséquences sur le plan :
- politique : l'Etat a failli dans son rôle protecteur et de garant de la bonne santé du peuple. Dans l'opinion publique s'installe un sentiment de défiance vis-à-vis de l'Etat. La responsabilité des décideurs politiques est également interrogée.
- médical : l'affaire du sang contaminé crée une fracture dans le monde médical entre les médecins et leurs responsables capables de camoufler des informations. Là aussi, la méfiance s'installe entre les différents maillons de la chaîne médicale, y compris entre le patient et le professionnel de santé. De nombreux médecins se retrouvent, par exemple, confrontés à des patients contaminés par une transfusion sanguine qu'ils leur ont eux-mêmes prescrite.
- juridique : au lendemain du scandale sanitaire, une crise constitutionnelle se produit. Elle débouche sur la création de la Cour de justice de la République.
les dates clés de l'affaire du sang contaminé
- 5 juin 1981 - Les premiers cas de SIDA
- Une revue scientifique américaine publie un article relatant l'apparition de cinq cas de formes rares et graves de pneumonies, diagnostiqués au cours des huit mois précédents à Los Angeles. Comme on le découvrira plus tard, cette maladie est la conséquence d'une autre infection : le syndrome de l'immunodéficience acquise (SIDA). En 1983, la communauté scientifique internationale découvrira le nouveau virus responsable de la maladie : le virus de l'immunodéficience humaine (VIH).
- 20 mai 1983 - Le virus VIH identifié
- L'équipe de l'unité d'oncologie virale de l'Institut Pasteur, dirigée par le professeur Luc Montagnier, identifie pour la première fois le virus responsable du sida. Ils appellent alors VIH1 ce rétrovirus qui se rencontre partout dans le monde. C'est ce qui le différencie de l'autre souche du virus, le VIH2, qu'ils découvriront en 1986, et qui se rencontre essentiellement en Afrique. Le nom du virus, VIH, signifie "virus de l'immunodéficience humaine".
- 25 avril 1991 - Anne-Marie Casteret révèle l'affaire du sang contaminé
- Au cours d'une enquête qui lui a déjà permis de publier plusieurs articles dans le mois, Anne-Marie Casteret livre dans "l'Evénement du Jeudi" une pièce qui révèle le scandale du sang contaminé. L'affaire concerne une négligence dans les mesures destinées à supprimer la présence du virus du sida dans le sang transfusé. En effet, alors que l'on savait dès 1984 qu'il fallait chauffer le sang, cette procédure n'a pas été appliquée complètement faute de moyens avant 1986. Près de 2000 personnes hémophiles auraient ainsi été contaminées. Un procès contre des responsables de l'administration et des membres du gouvernement se tiendra en mars 1999.
- 19 décembre 2006 - Les infirmières bulgares condamnées à mort
- Cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien, emprisonnés depuis 1999, sont condamnés à mort en Libye pour avoir délibérément inoculé le virus du sida à 400 enfants. La décision du tribunal est en parfaite contradiction avec les études scientifiques qui certifient que seule la mauvaise hygiène de l'hôpital est responsable de l'épidémie. Déjà condamnés à mort en 2004, les accusés vont faire appel, alors que la communauté internationale s'indigne profondément.