Campagne de Russie de 1812 : l'échec stratégique de Napoléon
La campagne de Russie, ou "guerre patriotique de 1812", est un conflit se soldant par la défaite de Napoléon Ier face à l'armée impériale russe d'Alexandre Ier.
Événement majeur de l'histoire de l'Europe, la campagne de Russie est une expédition militaire menée contre l'Empire russe par l'armée de l'empereur Napoléon Ier. Désigné sous le nom de "guerre patriotique de 1812" en Russie, cet épisode s'est soldé par la déroute des forces napoléoniennes face aux troupes du tsar, Alexandre Ier de Russie.
Si les troupes françaises formaient le gros du contingent de ce qu'on désignait "la Grande Armée", s'y sont ajoutés des soldats venant d'autres pays, notamment des Belges, des Hollandais, des Biélorusses, des Polonais, des Autrichiens, des Lituaniens, des Italiens… Au total, la Grande Armée napoléonienne comptait près de 700 000 hommes lors du commencement de la campagne de Russie, au printemps de l'année 1812, contre moins de 500 000 pour les forces russes. Cependant, l'avantage numérique n'aura pas permis aux troupes napoléoniennes de s'imposer.
Quelles sont les causes de la campagne de Russie ?
Comme tout conflit, la campagne de Russie s'inscrit dans un contexte spécifique, à savoir les relations belliqueuses opposant la France à l'Angleterre, ainsi que l'emprise exercée par l'Empire napoléonien sur la majeure partie de l'Europe. Tandis qu'il exerçait une influence sur une grande partie de l'Europe, Napoléon Ier avait décidé par décret, en 1806, d'imposer un blocus continental interdisant aux pays européens de commercer avec le Royaume-Uni, dans le but d'asphyxier ce dernier. Cependant, alors qu'il contrôle l'Europe continentale, Napoléon Ier doit faire face, dès 1912, à la levée du blocus continental par Alexandre Ier de Russie. En effet, la Russie, comme d'ailleurs la plupart des autres pays du continent, souffre particulièrement de ce blocus, qui a gravement affecté les économies de la plupart des pays européens, engendrant une terrible récession économique.
La dégradation des relations entre la France et la Russie ne s'explique pas seulement par le blocus continental : d'autres évènements en sont également les causes. Parmi ceux-là figurent, à n'en point douter, les traités de Tilsit signés en juillet 1807, qui ont mis fin à la guerre de la quatrième coalition européenne, et qui ont considérablement affaibli la Prusse au profit de l'Empire napoléonien. Pour ce qui concerne les relations franco-russes, les traités de Tilsit posent les bases de la relation unissant ces deux grandes puissances, notamment au sujet du partage des territoires européens et de leur rapport avec le Royaume-Uni. Le point d'achoppement vient du fait que la Russie espérait interdire toute possibilité de restructuration de la Pologne. Mais Napoléon Ier a refusé cette condition.
Une autre source de tension entre les deux empires fut l'absence d'Alexandre Ier au mariage de Napoléon Ier avec Marie-Louise d'Autriche. Par cette attitude de défiance, la Russie souhaitait marquer sa désapprobation vis-à-vis d'un Empire napoléonien jugé omnipotent. Dès lors, le ressentiment caractérisera les rapports entre la France et la Russie.
Si les désaccords étaient nombreux entre la France et la Russie, ce fut bien la levée du blocus continental par la Russie qui déclencha la campagne de Russie. En choisissant de lever le blocus, le tsar proposait une politique commerciale jugée trop favorable aux Anglais. Il anéantissait ainsi les efforts déployés par l'Empire napoléonien depuis plusieurs années. C'est donc pour laver cet affront qu'a démarré cette guerre punitive contre la Russie.
Qui sont les combattants de la campagne de Russie ?
La campagne de Russie a opposé la Grande Armée de Napoléon Ier à l'armée impériale russe d'Alexandre Ier. La Grande Armée désigne les troupes napoléoniennes. Elle était composée de troupes d'élite appelées "garde impériale", auxquelles se sont ajoutées des recrues venant de nombreux pays européens. La Grande Armée comptait près de 700 000 hommes au début de la campagne de Russie. Face aux troupes napoléoniennes se trouvait l'armée impériale russe, dirigée par le prince russe Mikhaïl Koutouzov, général en chef de l'armée impériale russe du tsar Alexandre Ier. Cette armée comprenait plusieurs centaines de milliers d'hommes.
Quelles sont les principales étapes et batailles ?
La première étape du périple napoléonien débute par la marche sur Moscou lorsque, le 23 juin 1812, la Grande Armée franchit le fleuve Niémen, séparant l'enclave russe de Kaliningrad de la Lituanie. Très vite, les conditions météorologiques font des ravages au sein de la Grande Armée. Malgré d'importantes pertes, les troupes napoléoniennes font reculer les troupes russes jusqu'à Smolensk, puis jusqu'à Borodino. La voie s'entrouvre alors par les grandes plaines en direction de Moscou. En marge de l'armée principale, les troupes du général Etienne Macdonald échouent à franchir la Neva au cours du mois d'août lors de leur offensive sur Saint-Pétersbourg, alors capitale de l'Empire russe. Ces échecs fragilisent la progression vers Moscou.
Le 17 août, la Grande Armée assiège Smolensk, incitant les Russes à incendier la ville avant de fuir. Les troupes napoléoniennes poursuivent alors leur avancée jusqu'au plateau de Valutino qu'elles conquièrent, puis jusqu'à Gjat. Le 7 septembre a lieu la bataille de la Moskova. Cette nouvelle victoire ouvre la voie vers Moscou pour la Grande Armée. La prise de Moscou s'effectue le 14 septembre, après que les Russes ont fui la ville sur ordre du gouverneur Rostopchine. Pensant la capitulation russe proche, Napoléon propose la paix à Alexandre Ier, mais il n'obtient pas réellement de réponse. Très vite, les Russes incendient Moscou entre le 14 et le 18 septembre afin d'empêcher les troupes napoléoniennes de tirer profit de leur victoire.
Tandis que les troupes napoléoniennes n'ont aucune raison de rester dans une ville détruite et alors que la capitulation ne leur est toujours pas parvenue, elles décident de se retirer. C'est à cette occasion qu'a lieu le 18 octobre la bataille de Winkowo, remportée par les Russes lors de la retraite des Français. Harcelés par l'ennemi pendant la retraite, les Français sont attaqués de toutes parts. Manquant de fourrage, les chevaux de la cavalerie meurent les uns après les autres, rendant les troupes vulnérables. À cela s'ajoute un hiver russe extrêmement rude, qui décime les troupes napoléoniennes. C'est dans ce contexte qu'intervient la bataille de la rivière Bérézina. Alors qu'une partie de la Grande Armée était parvenue à la franchir, les troupes russes attaquent les malades et les blessés restés de l'autre côté. Cette bataille remportée par les Français est pourtant synonyme de déroute, et symbolise à elle seule la retraite et l'achèvement de la campagne de Russie.
Pourquoi Napoléon a-t-il perdu la campagne de Russie ?
Alors que la victoire tendait les bras à Napoléon Ier, les évènements se sont retournés contre lui. Ce désastre s'explique notamment par une mauvaise logistique avec des hommes et des chevaux inadaptés aux températures extrêmes, et des difficultés d'approvisionnement et de ravitaillement. La météo défavorable de l'hiver russe explique en grande partie cette hécatombe d'hommes et de chevaux. Pour ce qui est des Russes, en menant leur politique de terre brûlée, ils ont littéralement désorganisé les troupes napoléoniennes, leur faisant perdre un temps précieux. Les maladies, provoquées notamment par les conditions climatiques extrêmes ont, elles aussi, eu raison des troupes françaises.
Quelles sont les conséquences de cette campagne?
Selon certaines recherches, le bilan ferait état de 200 000 morts côté français contre 300 000 côté russes. Sur les 200 000 morts français, la moitié aurait perdu la vie au combat, et l'autre moitié en raison du froid, de la faim, des blessures ou des maladies. En outre, 150 000 à 190 000 soldats français auraient été faits prisonniers par les troupes russes.
Le fiasco de la campagne de Russie entraîne une remise en cause de Napoléon. Plus encore que la défaite de Trafalgar de 1805, la campagne de Russie fait prendre conscience à l'empereur français de ses limites quant à ses ambitions européennes. Les rois de plusieurs nations européennes tireront dès lors profit de la faiblesse de Napoléon Ier pour lui déclarer la guerre, dans le cadre de la bataille des Nations. Cette prise de conscience de la fragilité de Napoléon Ier entraînera l'alliance du Royaume-Uni, de l'Empire russe, de l'Empire de Prusse et de l'Empire d'Autriche contre lui en 1814. La chute de Paris au printemps sera à l'origine de son exil sur l'île d'Elbe.
Quelles références à la campagne de Russie retrouve-t-on dans la culture russe ?
En Russie, la campagne de Russie, ou guerre patriotique, a contribué au renforcement du sentiment d'unité nationale. Cet épisode a notamment été retranscrit dans Guerre et Paix, le chef-d'œuvre de l'écrivain russe Léon Tolstoï. De très nombreuses reprises ont été faites au cinéma ou à la télévision. Sur grand écran, le roman a connu diverses adaptations en 1915, 1921, 1956, 1965 (décrochant au passage l'Oscar du meilleur film étranger en 1968), ou bien encore en 1975, sous le titre "Guerre et Amour" de Woody Allen. Guerre et Paix a aussi été adapté plusieurs fois à la télévision, comme en 1972, 2000, 2007 ou 2016. En 1942, le compositeur russe Serge Prokofiev a créé un opéra homonyme en hommage à l'œuvre de Tolstoï. Par ailleurs, la campagne de Russie a aussi inspiré d'autres œuvres comme 1812, un film muet de Vassili Gontcharov sorti un siècle exactement après le conflit. En 1944, enfin, est sorti sur grand écran "Koutouzov", un film réalisé par Vladimir Petrov et dans lequel les événements marquants de la campagne de Russie sont retracés sous divers angles.
les dates clés de la campagne de Russie
- 17 août 1812 - Bataille de Smolensk
- Les troupes napoléoniennes entrent à Smolensk, et y mènent une bataille rapidement remportée. Vaincus, les Russes incendient la ville avant de prendre la fuite.
- 7 septembre 1812 - Bataille de la Moskova
- C'est la seule véritable bataille livrée par Napoléon à la tête d'une grande Armée forte de 600 000 soldats, pendant la campagne de Russie. Les généraux russes avaient préféré faire le vide devant l'avancée française, en adoptant la politique de la terre brûlée. Victorieux sur la Moskova, Napoléon entre dans un Moscou vidé de ses habitants et ravagé par des incendies. La retraite des français, ordonnée le 19 octobre suivant, tourne rapidement au désastre, en raison d'un hiver précoce et particulièrement rigoureux. Les soldats de la Grande Armée, privés de ravitaillement, harcelés par les cosaques et les partisans, périssent par centaines de milliers au cours d'une déroute, dont le passage de la Bérézina (26-29 novembre) constitue l'épisode le plus tragique. Le 30 décembre, l'armée, réduite à environ 50 000 hommes, repasse le Niémen.
- 14 septembre 1812 - Napoléon entre dans Moscou
- Après la bataille de la Moskova remportée le 7 septembre, la Grande Armée se dirige vers Moscou et y pénètre sans réelle difficulté, le 14 septembre. Mais Napoléon Ier y trouve des rues totalement désertées de leurs habitants. Le jour suivant, la ville s'embrase en de multiples endroits. De gigantesques incendies y ont été allumés sur ordre du gouverneur Rostopchine, dans le cadre de la politique de la terre brûlée.
- 18 octobre 1812 - Bataille de Winkowo
- Sous le commandement du général Mikhaïl Koutouzov, les troupes russes remportent une importante bataille contre un corps franco-polonais, contraignant les Français à battre en retraite.
- 18 octobre 1812 - Retraite de Russie
- La bataille perdue de Winkowo, le 18 octobre 1812, marque le début de la retraite française face à des troupes russes qui chassent la Grande Armée de Moscou en ruine.
- 26 novembre 1812 - Désastre de la Bérézina
- Cinq semaines après avoir quitté Moscou, les troupes napoléoniennes, harcelées par las cosaques du maréchal Koutouzov, se retrouvent face à un obstacle de taille : la rivière Bérézina. Le seul pont permettant de la traverser a été détruit par les Russes. La Grande Armée construit des ouvrages de fortune, et 500 000 hommes réussissent à échapper à l'ennemi. Mais les troupes sont déjà décimées par le froid et la faim. 300 000 soldats sur 700 000 rentreront en France. La retraite se transforme en déroute. L'armée impériale a perdu tout son prestige.
- 14 décembre 1812 - Expulsion
- Après plusieurs défaites, et en dépit d'une victoire au goût amer sur la rivière Bérézina, les troupes françaises poursuivent leur retraite, jusqu'à quitter la Russie le 14 décembre 1812.