Edit de Milan : l'édit de Tolérance de Constantin en 313
Par l'édit de Milan, l'empereur Constantin Ier permet à tout citoyen de suivre le culte de son choix. Cette décision préfigure la montée en puissance du christianisme au IVᵉ siècle dans l'Empire romain.
Qu'est-ce que l'édit de Milan ? - L'édit de Milan de 313 est une missive rédigée par deux empereurs romains : Constantin, régnant sur la partie occidentale de l'Empire, et Licinius, sur sa partie orientale. Le texte appelle à confirmer juridiquement ce que l'édit de Sardique avait ordonné de facto deux ans plus tôt, en avril 311, à savoir la fin des mesures antichrétiennes en vigueur dans certains territoires. Cet "édit de tolérance" préfigure le renouveau d'un empire affaibli par les rivalités internes et les menaces extérieures. En devenant seul maître de l'Empire en 324, Constantin Ier multiplie ensuite les mesures fortes en faveur du christianisme. Ce formidable réformateur se convertit et incite les élites à l'imiter. Après le Concile de Nicée, en 325, il fonde à Byzance la ville de Constantinople (en 330), qui devient le siège de la chrétienté et la capitale de l'Empire romain d'Orient.
Quels événements sont à l'origine de l'édit de Milan ?
L'édit de Milan intervient dans un contexte de délitement de l'Empire romain, où la chrétienté fait figure de cible. Durant l'apogée de l'Empire (IIᵉ siècle), c'est la religion polythéiste qui domine. Pratique, elle permet l'ajout de nouveaux dieux (Teutatès pour les Gaules, Isis pour l'Egypte, etc.) et l'assimilation des populations au fur et à mesure des conquêtes. Ces cultes à mystères n'affectent pas l'autorité des empereurs, qui s'en servent même à leur avantage. En Orient, une religion monothéiste émerge depuis le Ier siècle et se répand parmi les peuples. Bien que minoritaire, la chrétienté devient un problème : en prônant l'amour et le partage, en s'affranchissant du culte impérial, elle échappe au contrôle du pouvoir. Parallèlement, à la fin du IIIᵉ siècle, l'Empire romain s'étiole politiquement et militairement. Ebranlé, le pouvoir croit devoir s'en prendre aux chrétiens et les persécute, d'abord sporadiquement, puis de plus en plus intensément.
En arrivant au pouvoir en 284, Dioclétien met en place le système de la tétrarchie (en 293), qui partage le pouvoir selon une hiérarchie interne. En cherchant à unifier l'Empire, ce système sert aussi à contrôler le quotidien matériel et spirituel des citoyens. Certaines corporations deviennent interdites aux chrétiens, qui sont parfois brutalisés, voire tués. Les chrétiens augmentent néanmoins en nombre, et leur persécution s'accentue. L'empereur Galère, régnant sur la partie orientale de l'Empire, s'en repend juste avant de mourir. En avril 311, réalisant l'échec des persécutions contre les chrétiens, il prend un premier édit de tolérance. Ainsi apparaît l'édit de Sardique, promettant la fin des persécutions.
Mais si l'Histoire a retenu l'édit de Milan et non l'édit de Sardique, c'est en raison des circonstances qui ont mené à la proclamation de ce document en avril 313. En effet, Constantin va entreprendre la conquête et la réunification de l'Empire en éliminant ses rivaux. Le 28 octobre 312, il doit affronter Maxence lors de la bataille du pont Milvius sur le Tibre. Peu avant le combat, l'empereur aurait reçu une vision, celle d'un chrisme, symbole chrétien, qui lui prédit la victoire. Cet évènement mystique aurait poussé Constantin à rédiger cette longue missive, qui vient ordonner juridiquement la fin des persécutions contre les chrétiens.
En quoi consiste l'édit de Milan ?
Selon les historiens, l'édit de Milan est contesté dans son identité officielle. Il s'agirait plutôt d'une lettre circulaire, sorte d'accord entre empereurs d'Orient et d'Occident, destiné à être exploité juridiquement et appliqué par les généraux d'Empire. L'édit de Milan symbolise la nécessité d'imposer la liberté de culte au sein de tout l'Empire romain, y compris à l'égard de la chrétienté, seul culte alors victime de persécutions. Nécessité politique confortée par le fait qu'en 312, les chrétiens ne représentent que 5 % de la population totale de l'empire. Un taux qui varie toutefois en fonction des territoires. Rome, la ville la plus christianisée d'Italie, compte environ 10 % de chrétiens. Ils seraient autour de 20 % en Egypte, 10 à 20 % en Afrique et environ 30 % en Asie Mineure.
En ce début de IVᵉ siècle, la liberté de culte concerne aussi bien le paganisme, très majoritaire, que la culture juive. Le paganisme est toujours très implanté à cette époque où les empereurs sont considérés comme des dieux vivants. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une religion à proprement parler, mais plutôt de rites à la gloire de l'Empire, chaque communauté possédant ses propres divinités. Les Juifs sont pour leur part surtout des migrants. A Rome, ils ne représentent que 10 % de la population et sont à l'origine de la prospérité économique de la ville.
Que contient le texte de l'édit de Milan ?
L'édit de Milan est un long courrier circulaire. Ces quelques extraits montrent la solennité qui préside à sa rédaction et le caractère exécutoire de sa portée.
Nous permettons dorénavant à tous ceux qui ont la détermination d'observer la religion des chrétiens, de le faire librement et complètement, sans être inquiétés ni molestés. (…)
Afin d'autre part que la mise en forme de notre généreuse ordonnance puisse être portée à la connaissance de tous, il conviendra que tu fasses faire une proclamation pour la promulguer, que tu la fasses afficher partout et que tu la portes à la connaissance de tous, de façon que nul ne puisse ignorer la décision prise par notre bienveillance."
La religion chrétienne, qui était jusque-là considérée comme "folie" (terme présent dans l'édit de Sardique), devient pour la première fois une religion protégée. Certains historiens y voient même la création d'un droit à la personne, où chacun peut librement "attacher son âme".
Qui sont les empereurs à l'origine de l'édit de Milan ?
L'édit de Milan scelle le rapprochement des deux augustes empereurs se partageant alors l'Empire romain :
- Constantin règne de 306 à 337 sur sa partie occidentale : Italie, Gaule, Espagne, Nord de l'Afrique (parlant le latin). Il réforme l'Empire romain alors affaibli et divisé. Il instaure une monnaie stable, développe l'administration et protège les frontières des invasions (Francs, Alamans, Sarmates, Goths et Sassanides). Dès 324, Constantin Ier s'emploie à unifier l'Empire en mettant en œuvre l'unité des Eglises d'Orient. En 325, il convoque le premier concile de Nicée. En 330, il fonde Constantinople qui devient le siège de la chrétienté. A sa mort, il devient un saint catholique sous le nom de Constantin le Grand.
- Licinius règne de 308 à 324 sur sa partie orientale : Balkans, Grèce côté Europe, Proche-Orient, Egypte (parlant le grec). D'abord militaire proche de Galère, il s'allie à Constantin en 313 à Milan dont il épouse la demi-sœur Constantia. Il aurait ensuite repris les persécutions contre les chrétiens. Les deux empereurs s'engagent ensuite dans une nouvelle lutte de pouvoir. Défait lors de la bataille d'Andrinople, le 3 juillet 324, Licinius meurt assassiné quelques mois plus tard.
Quelles sont les conséquences de la proclamation de l'édit de Milan ?
L'édit de Milan constitue la première pierre de la montée en puissance du christianisme tout au long du IVᵉ siècle au sein de l'Empire romain. Premier empereur chrétien, Constantin Ier réunit le premier concile œcuménique à Nicée en 325, actuelle ville d'Iznik en Turquie, avec pour objectif d'unifier les différentes obédiences de l'Eglise. En effet, en ce début de IVᵉ siècle, la chrétienté est non seulement minoritaire, mais aussi disparate. L'Ancien Testament fait l'objet d'interprétations diverses comme celle de l'arianisme, une doctrine professée par Arius, prêtre d'Alexandrie, fondée sur la négation de la divinité de Jésus. Cette croyance, qui fait du Fils une nature inférieure à Dieu le Père, est qualifiée d'hérésie au Concile de Nicée, et disparaît.
Certaines croyances ancestrales romaines, ancrées dans les différentes communautés de l'Empire, viennent de même influencer un christianisme alors embryonnaire quant à ses dogmes. Constantin lui-même en possède une conception très prononcée, héritée de son père Constance Chlore, qui vénérait le Soleil. En somme, le Concile de Nicée, en réunissant différents évêques de l'empire oriental et occidental, aboutit à poser des dogmes clés et à établir une ligne directrice commune.
Après Constantin Ier, un autre édit marquera l'histoire du christianisme : l'édit de Thessalonique (380), décrété par l'empereur romain d'Orient Théodose Ier. Ce texte, essentiel, officialise le culte catholique orthodoxe en l'imposant comme unique religion licite de l'Empire romain. L'année suivante, un second concile vient préciser celui de Nicée. Réuni par Théodose Ier, le Concile de Constantinople en 381 pose la doctrine de la pentarchie en Orient en nommant cinq villes patriarcales : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem.
A la fin du IVᵉ siècle, l'année 392 boucle l'officialisation du christianisme. En devenant empereur de tout l'Empire, d'Orient et d'Occident, Théodose Ier promulgue une série de décrets établissant l'interdiction du paganisme sur tout le territoire. Amorcée dès 381, la persécution païenne se concrétise par diverses mesures, de l'interdiction des sacrifices d'animaux à la démolition des temples païens, la destruction des images et des objets païens, et l'interdiction des fêtes païennes, qui jusque-là rythmaient les saisons et les travaux des champs. Cette persécution, qui s'étale sur plusieurs années, constitue une période sombre dans l'histoire du christianisme, qui devient cette fois, dans les faits comme dans le droit, l'unique religion de l'Empire romain.
Les dates clés de l'édit de Milan
- 303 - Dioclétien persécute les chrétiens
- Alors que ses prédécesseurs ont plus ou moins poursuivi les persécutions à l'encontre des chrétiens, Dioclétien publie plusieurs édits meurtriers. Depuis le début du siècle et malgré le nombre élevé de condamnations, le christianisme ne cesse de se développer. Conscient du phénomène, l'empereur romain décide d'anéantir cette religion. Il mène de féroces persécutions, fait fermer les églises et interdire les ouvrages sacrés. Etendue sur dix années, la persécution de Dioclétien sera considérée comme la plus dure de l'Histoire. Il faudra attendre le règne de Constantin Ier pour que les chrétiens retrouvent leur liberté de culte.
- 28 octobre 312 - Bataille du pont Milvius
- Le 28 octobre 312, l'empereur romain Constantin bat Maxence sur le pont de Milvius à trois kilomètres de Rome. Maxence est le rival de Constantin en Occident. Cette rivalité repose surtout sur un flou juridique : à la mort de Constance Chlore, la légion romaine de l'empire occidental proclame son fils Constantin empereur d'Occident. Mais le titre d'empereur n'est pas héréditaire, et c'est Maxence, qui, à Rome, obtient le titre. Reste que l'épisode du pont de Milvius fait l'objet d'une légende, qui servira à justifier l'origine du christianisme dans l'Empire : quelques minutes avant de batailler, Constantin aurait eu la vision d'une croix dans le ciel lui signifiant en grec "En toutô nika", "Triomphe par ceci".
- 313 - Constantin promulgue l'édit de Milan
- Au lendemain de la bataille du pont Milvius, l'Empereur romain Constantin Ier et Lucinius se concertent et décident de rétablir la liberté de culte. En promulguant l'édit de Milan, l'Empereur met un terme à plusieurs siècles de persécutions à l'encontre des chrétiens. Désormais tolérés au sein de l'Empire, ces derniers pourront récupérer leurs lieux de culte et leurs biens, confisqués dans les années précédentes. Constantin, quant à lui, se convertira finalement et sera baptisé sur son lit de mort.