La Fronde : de la révolte parlementaire à celle des princes

La Fronde : de la révolte parlementaire à celle des princes La Fronde est un évènement insurrectionnel qui se déroule entre 1648 à 1653. Elle se découpe en deux phases : la Fronde parlementaire à Paris de 1648 à 1649 et la Fronde des princes de 1650 à 1653.

Résumé de la Fronde - Pendant quatre années, de 1648 à 1652, le pouvoir royal français est mis à mal par des révoltes successives. Issues du parlement dans un premier temps, elles se sont étendues aux princes du royaume. Né d'une imposition démesurée mise en place par le ministre Mazarin, ce mouvement que l'on appelle la Fronde, a profondément marqué le jeune Louis XIV. Celui-ci, dès son accession au trône, mettra tout en œuvre pour qu'une telle crise ne se reproduise plus jamais.

Quelles sont les causes de la fronde ?

Le mouvement de la Fronde est né dans un contexte particulier. Depuis 1643, le royaume de France est gouverné par Anne d'Autriche, épouse du défunt roi Louis XIII et mère de Louis XIV. Ce dernier étant encore trop jeune, c'est elle qui assume la régence du pays, en compagnie de son principal ministre, Jules Mazarin, un homme de confiance qui s'est déjà illustré auprès de Richelieu. Mais la minorité d'un roi fragilise toujours un royaume, qui peut voir à tout moment les mécontents profiter de l'inexpérience du souverain pour se révolter. En plus de cette situation, Mazarin est loin de faire l'unanimité parmi les sujets. Un étranger, car c'est ainsi que la plupart le considère, qui tire les ficelles du pays en compagnie de la reine-mère, c'est difficilement acceptable. Et lorsque ce même étranger décide d'augmenter les impôts pour pallier au coût de la guerre de Trente ans, c'est tout à fait inadmissible.

Qu'est-ce que la Fronde parlementaire ?

Pour prélever les impôts en question, Mazarin a recours à des intendants, qui disposent d'un pouvoir important. Aussi, le Parlement et la noblesse craignent que ce système ne vienne menacer davantage leur situation. Le 13 mai 1648, le parlement de Paris, la Cour des aides et la Chambre des comptes rendent l'arrêt d'Union : bravant l'interdiction royale, ils décident de se rassembler pour envisager la réforme de l'État. Le but du mouvement consiste à réduire le pouvoir absolu du roi et à récupérer certaines prérogatives supprimées depuis Richelieu. Ainsi, au cours de l'été, les représentants soumettent à la reine-mère un programme de vingt-sept articles, exigeant, entre autres, la suppression des intendants et le principe de ne percevoir aucun nouvel impôt sans le consentement parlementaire. Anne d'Autriche donne son accord, mais ne signe pas le document. Offensée par le comportement des députés, elle attend le moment idéal pour mettre un terme à cette mascarade. En août 1648, elle fait arrêter par surprise l'un des principaux conseillers du Parlement, Pierre Broussel. Aussitôt, la population parisienne se révolte (Broussel est un personnage très apprécié), à tel point que la Cour est contrainte de fuir la Capitale. Emplie de rancune, la régente n'aura pas d'autres choix que de confirmer le programme de réforme des parlementaires. 

Journée des barricades
Journée des barricades, après l'arrestation de Pierre Broussel © COLLECTION YLI/SIPA

La famille royale a déjà perdu de son prestige et il suffit de peu pour réveiller la colère du peuple et des grands. Les nobles, les princes et la population ne souhaitent qu'une chose : le départ de Mazarin, ce qui est encore loin d'être envisagé par le pouvoir. Aussi, il devient impératif d'agir, d'autant plus que la fin de la guerre de Trente ans permet à la France de récupérer ses troupes. La dangereuse Capitale est une fois de plus abandonnée par la famille royale, qui se rend cette fois à Saint-Germain (janvier 1549). Une fois en sécurité, il s'agit désormais pour la régente de réaffirmer son autorité sur Paris. Pour commencer, la régente tente d'installer les parlements en province pour les éloigner. Mais, rien n'y fait, ceux-ci, appuyés par la bourgeoisie, lèvent une armée dirigée par des nobles (le prince Conti, le duc de Longueville, etc.). De son côté, Mazarin place les troupes royales sous le commandement du prince de Condé, qui accepte d'assiéger Paris. Désorganisée, la révolte parisienne s'essouffle et le Parlement finit par accepter la paix de Rueil en mars 1649, avant de signer la paix de Saint-Germain le 1er avril 1649

Comment s'est déroulée la Fronde des princes ?

Après les accords, les grands du royaume sont plutôt satisfaits, contrairement au peuple, ployant toujours sous le poids des impôts, tandis que Mazarin conserve ses fonctions. Toutefois, le prince de Condé, qui attend de la famille royale plus de privilèges, est très déçu et le fait sentir. Mazarin requiert alors l'aide du prince de Gondi, prêt à trahir Condé pour quelques promesses. C'est ainsi que le 18 janvier 1650, les princes de Condé, de Conti et le duc de Longueville sont arrêtés et emprisonnés à Vincennes. L'ombre d'une nouvelle Fronde se fait de plus en plus oppressante, d'autant plus que Mazarin n'a pas tenu ses promesses envers Gondi. Celui-ci exige la libération immédiate des princes, mais Anne d'Autriche s'y oppose. Les partisans des princes prennent les armes dans toute la France ; le pays est au bord de la guerre civile. Lorsque la population parisienne découvre, en février 1651, que la famille royale tente de s'enfuir à nouveau de la Capitale, elle se révolte à son tour, envahit le palais et bloque la ville. Encore une fois, la reine n'a plus le choix, elle capitule et libère les princes. Aussitôt sorti, Condé songe déjà à sa vengeance. Mazarin, quant à lui, s'exile en Rhénanie pour calmer les esprits. 

Comment le Grand Condé fait-il sa propre Fronde ?

Bientôt, Louis XIV atteint la majorité et, se méfiant du Grand Condé, lève des troupes en compagnie de sa mère, pour mettre un terme à l'insurrection. Car Condé a bel et bien rejoint le mouvement de révolte de l'Ormée. Il en vient même à s'allier à l'Espagne. Le cardinal Mazarin sort de l'exil pour soutenir le jeune roi à Poitiers, alors même que la tête du ministre détesté est mise à prix. La France devient le terrain de multiples ravages. Les campagnes sont pillées et les plus pauvres meurent de faim. Sous le commandement de Turenne, qui est redevenu l'allié du roi, l'armée royale marche contre Condé pour mettre un terme à l'horreur qui dure depuis trop longtemps. Plusieurs batailles éclatent jusqu'à la journée fatidique du 2 juillet 1652. Condé et Turenne s'affrontent en bordure de Paris. Mais à deux doigts de la défaite, Condé reçoit le secours de la cousine du roi, dite la Grande Mademoiselle. Elle fait ouvrir la porte Saint-Antoine pour y faire entrée ses troupes et fait tirer des coups de canon contre les forces royales. Condé peut alors s'emparer de Paris, une ville qui sombre irrémédiablement dans l'anarchie. Les Parisiens finissent toutefois par renverser Condé et ouvrent les négociations avec le pouvoir royal. Parmi les conditions négociées : Mazarin doit impérativement quitter le pays pour que le roi puisse reprendre ses droits sur Paris. Le conseiller s'exile donc en Belgique.

Faubourg Saint-Antoine
Combats du Faubourg Saint-Antoine © ABECASIS/SIPA

Quelles sont les conséquences de la Fronde ?

Le 21 octobre 1652, Louis XIV fait son entrée dans la capitale. Mazarin est finalement rappelé en février 1653 et la dernière insurrection est réprimée à Bordeaux en août 1653. Le prince de Condé est condamné à mort. Il poursuit tout de même sa vengeance en combattant la France aux côtés de l'Espagne. Il est gracié en 1659 par le traité des Pyrénées. Après quatre ans de troubles civils organisés aussi bien par les parlementaires, les princes que par la population, la France retrouve une certaine stabilité. Mais son souverain, le jeune Louis XIV, reste profondément marqué par ces événements, qui ont failli coûter cher au pays. Bien décidé à ce qu'ils ne se reproduisent plus, il n'aura de cesse de renforcer son pouvoir absolu : il n'aura pas de ministre, privera le parlement de pouvoir et s'entourera, à Versailles (loin de Paris et de ses révoltes), des grands du royaume afin de les surveiller. Ainsi, ces quelques années de Fronde ont largement suffi à dicter toute la politique d'un règne personnel de 54 ans. 

Chronologie
Chronologie de la Fronde © Linternaute

La chronologie de la Fronde

5 septembre 1638 - Naissance Louis XIV
Louis Dieudonné de Bourbon voit le jour le 5 septembre 1638. Il est le fils aîné de Louis XIII et d’Anne d'Autriche. Il a un frère qui naît deux ans plus tard, Philippe d'Orléans.
4 décembre 1642 - Mort de Richelieu
Après 18 années passées au service du royaume de France, le cardinal de Richelieu décède à Paris en 1642. Aux côtés de Louis XIII, Richelieu a réussi l'unification de la France et a servi la toute-puissance de la monarchie. Il fut également le principal agent de l'expansion et de la puissance du pays au coeur de l'Europe. Il a préparé le terrain pour l'absolutisme de Louis XIV, mais reste pour certains un despote qui s'est fait de nombreux ennemis parmi la noblesse.
14 mai 1643 - Mort de Louis XIII
Louis XIII meurt à Saint-Germain-en-Laye le 14 mai 1643. On le dit mort de la maladie de Crohn à l'âge de 41 ans. Peu avant sa mort, Louis XIII rédige un document dans le but de limiter les prérogatives de sa femme, la future régente. Anne d'Autriche est passée outre ce testament dès sa prise de pouvoir.
27 janvier 1644 - Edit du Toisé
Le contrôleur des Finances, un italien du nom de Particelli, tenta avec l'Édit du Toisé, le 27 janvier 1644, de mettre en place un impôt foncier. S'appuyant sur les interdictions de construire dans les faubourgs de Paris qui n'ont pas été respectées, cet édit oblige les propriétaires desdits immeubles à payer un impôt de 50 sous par toise construite (une toise équivaut à environ 2 mètres). Il sera abandonné en 1645.
13 mai 1648 - Le parlement veut réformer l’État
Dans le but de statuer sur les affaires d'État et en réaction à la politique de prélèvement des impôts de Mazarin, le Parlement de Paris, la Cour des aides et la Chambre des comptes se réunissent en assemblée. En quelques semaines, les représentants réunis à la chambre Saint-Louis du Palais de justice rédigent une charte de 27 articles pour réformer l'État. Il s'agit, entre autres, de supprimer les intendants qui administrent les provinces royales, d'interdire la détention d'une personne pendant plus de 24 heures sans qu'elle soit jugée et, surtout, de ne pas prélever d'impôts préalablement validés par le Parlement. Anne d'Autriche, régente de Louis XIV, accepte la charte, mais ne la signe pas. Elle tente de reprendre le pouvoir en faisant arrêter le conseiller Broussel, ce qui déclenche la Fronde parlementaire.
26 août 1648 - Début de la Fronde
Le cardinal Mazarin et la régente Anne d'Autriche font emprisonner le conseiller Broussel pour réaffirmer l'autorité royale et mettre fin à l'opposition parlementaire. Ils mettent à profit la célébration de la victoire du prince de Condé sur l'Espagne à Lens pour agir. Mais dès qu'il en est informé, le peuple se révolte et dresse des barricades dans les rues de Paris. Mazarin se voit dans l'obligation de libérer Broussel et la cour se réfugie à Saint-Germain-en-Laye.
12 septembre 1648 - La Cour s’installe à Rueil
Le conseiller parlementaire Broussel, arrêté le 26 août, a été libéré deux jours après. Mais malgré le retour de ce dernier à la capitale, la Fronde se poursuit. La famille royale est contrainte de quitter Paris pour s’installer à Rueil. En octobre, Anne d’Autriche n’aura plus le choix : elle devra signer la charte du parlement, avant de retrouver la capitale.
5 janvier 1649 - Fuite de la famille royale à Saint-Germain
Face à la révolte parisienne et à la Fronde parlementaire, le jeune Louis XIV et sa Cour quittent Paris en toute discrétion pour se rendre à Saint-Germain-en-Laye. Avec la fin de la guerre de Trente Ans, Anne d'Autriche et le cardinal Mazarin constituent une armée pour s’opposer au Parlement et proposent au Prince de Condé d'en prendre la tête. Ce dernier se rend donc à Paris pour assiéger la Capitale.
8 février 1649 - Condé assiège Paris
De janvier à mars 1649, le Grand Condé assiège la ville de Paris. Face à lui, son frère, le prince de Conti et son beau-frère le duc de Longueville mènent l’armée des frondeurs. Louis II de Bourbon, dit le Grand Condé, est un prince de sang, cousin éloigné de Louis XIV. Il s’est illustré au cours de la guerre de Trente Ans en tant que général. Il fut aussi, quelques années plus tard, l'un des rares chefs de la Fronde des Princes. Il défend tout d'abord les intérêts de la famille royale, puis se range du côté des princes en 1650 lors du conflit avec le cardinal Mazarin.
11 mars 1649 - Les frondeurs signent la paix de Rueil
La Fronde parlementaire prend fin avec la Paix de Rueil, puis la paix de Saint-Germain le 1er avril 1649. Le siège de Paris, le manque de nourriture et la population devenant incontrôlable ont raison des idéaux des parlementaires qui acceptent la paix. Cet accord leur octroie quelques avantages, mais le peuple et la bourgeoisie restent mécontents. Tous espéraient le départ de Mazarin, qui reste pourtant en fonction. La famille royale regagne Paris le 18 août 1649.
18 janvier 1650 - Début de la Fronde des princes
Le Grand Condé, qui n'est pas favorable au maintien de Mazarin au pouvoir, s'allie aux rebelles. Il est fait prisonnier par Mazarin et Anne d'Autriche, régente du royaume. Le prince Conti et le duc de Longueville sont eux aussi conduits au château de Vincennes. Les partisans des princes, parmi lesquels se trouve le vicomte de Turenne, se soulèvent dans les provinces du royaume. C’est le début de la deuxième Fronde, appelée la Fronde des princes. La Bourgogne, la Normandie, le Limousin, le Poitou et l'Aquitaine déclenchent une guerre civile. L'armée royale n’y met fin qu’en octobre 1652.
15 décembre 1650 - Bataille de Rethel
La bataille de Rethel a lieu durant la période de la Fronde. Elle oppose le Royaume de France aux Frondeurs et aux Contingents espagnols. Elle se déroule à Sommepuis en France, mais pas à Rethel. L'armée française est commandée par César du Plessis-Praslin et l'armée de la Fronde et des Espagnols par Henri de Turenne. A l'issue de cette bataille, c'est l'armée du Royaume de France qui gagne cette terre.
8 février 1651 - La tentative d’évasion de la reine échoue
Face à la Fronde des princes, Anne d'Autriche tente de protéger le jeune roi. Elle annonce officiellement le départ de Mazarin, qui s'est rendu à Saint-Germain. La reine et le jeune roi doivent l'y rejoindre en secret, mais les habitants de la Capitale découvrent la ruse et envahissent le Louvre. Sous la menace, la régente fait libérer les princes et Mazarin s'enfuit en Rhénanie.
7 septembre 1651 - Louis XIV est majeur
A peine libéré, le prince de Condé ne pense qu'à se venger d’Anne d'Autriche et de Mazarin. La reine tente tant bien que mal de maintenir son autorité et attend avec impatience la majorité du roi. Le 5 septembre, il fête ses 13 ans et peut désormais régner. L'une de ses premières actions est de lever une armée contre le prince de Condé, qui marche avec ses troupes vers Paris, après avoir acquis le soutien de l'Espagne. Mazarin accompagne la famille royale à Poitiers et confie à Turenne le commandement des troupes royales.
7 avril 1652 - Bataille de Bléneau
Lors de la Fronde des Princes qui oppose les principaux princes de France à Louis XIV et Mazarin, Louis II de Bourbon, prince de Condé, attaque les troupes royales du maréchal d'Hocquincourt qui stationnent dans le village de Bléneau. Ce dernier perd la presque totalité de ses soldats et doit fuir vers Auxerre. Le 7 avril au matin, Turenne, qui est resté fidèle au roi, contre-attaque avec succès malgré son infériorité numérique. Condé abandonne son armée et s'enfuit vers Paris.
2 juillet 1652 - Bataille au Faubourg Saint-Antoine
Les troupes royales, menées par Turenne, rencontrent celles du prince rebelle de Condé. Les deux armées tentent de conquérir la Capitale. Alors que la première attaque se fait sous le regard de Louis XIV et de Mazarin, les forces royales semblent avoir le dessus. Cependant, Mademoiselle de Montpensier, dite Grande Mademoiselle, fille du duc d'Orléans, lui-même frère d'Henri III, vient à l'aide des rebelles. Elle ouvre la porte Saint-Antoine pour permettre à Condé de se réfugier dans l'enceinte de Paris. Elle a ensuite tiré des boulets de canon sur l'armée du roi.
21 octobre 1652 - La famille royale rejoint la capitale
Le Grand Condé conquiert la Capitale, mais se heurte au mécontentement de la bourgeoisie, épuisée par plusieurs années de Fronde. Les Parisiens parviennent finalement à l'expulser et entament des négociations avec la famille royale. Sauf que si cette dernière souhaite retrouver son palais parisien, elle doit exclure Mazarin du pouvoir. Le conseiller est donc envoyé en Belgique.
3 février 1653 - Retour de Mazarin
Louis XIV rentre à Paris et finit par stabiliser durablement la situation dans le pays. Mazarin regagne finalement la Capitale en 1653 sous les applaudissements. Le Grand Condé en fuite est condamné à mort. Agissant toujours par vengeance, il se met au service de l’Espagne.
3 août 1653 - Capitulation de Bordeaux
Un dernier mouvement frondeur s’organise en Guyenne, et plus particulièrement à Bordeaux. Les troupes royales marchent immédiatement sur la ville et parviennent à la reprendre. C’est là l’un des épisodes qui marquent la fin de la Fronde. Le prince de Condé, quant à lui, se rallie aux Espagnols, qui lui confient une armée. Mais la France est bel et bien sortie des troubles qui durent depuis 4 ans.

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