Pierre Bérégovoy : carrière, déshonneur et suicide du Premier ministre
BIOGRAPHIE PIERRE BEREGOVOY. Homme politique français, Pierre Bérégovoy fut Premier ministre de 1992 à 1993. Accusé de corruption, il s'est suicidé le 1er mai 1993.
Biographie courte de Pierre Bérégovoy - Issu d’un milieu modeste, titulaire d’un simple CAP d’ajusteur, Pierre Bérégovoy a gravi un à un les échelons professionnels et politiques. En avril 1992, alors qu’il a 66 ans, il parvient au sommet de sa carrière lorsque François Mitterrand le nomme Premier ministre. Un an plus tard, il est considérablement affaibli par une affaire mineure et par la défaite de la gauche aux législatives. Le 1er mai 1993, jour de la classe ouvrière dont il est issu et à laquelle il a consacré sa vie, il se donne la mort sur les bords d’un canal à Nevers.
Les origines modestes de Pierre Bérégovoy
Pierre Bérégovoy naît le 23 décembre 1925 à Déville-lès-Rouen en Seine-Maritime. Fils d’un immigré Russe qui a fui la Révolution bolchevique, il est éduqué par sa grand-mère dès l’âge de cinq ans. A l’école, il se révèle être un bon élève qui obtient son brevet élémentaire et son CAP d’ajusteur sans difficultés. En 1942, il devient commis à la SNCF, un petit poste pour lequel les possibilités d’évolution semblent limitées. L’engagement à la SNCF devient pour Bérégovoy synonyme de conscience politique et d’engagement dans la Résistance. En 1944, il participe, les armes à la main, à la libération d’Elbeuf, à quelques kilomètres de Rouen.
Du SFIO au Mitterrandisme
Après la libération, la carrière de Pierre Bérégovoy suit de nouvelles ambitions. Alors qu’il devient agent technico-commercial à GDF, il rejoint le SFIO. Tant sur le plan professionnel que politique, Bérégovoy connaît une ascension impressionnante. Après avoir été attaché de direction, il culmine à la fonction de directeur adjoint de GDF en 1978. Côté politique, il participe à la création du P.S.U. (Parti socialiste unifié) aux côtés de Pierre Mendès France. En 1969, il adhère au nouveau Parti Socialiste, participe au Congrès d’Epinay pour finalement obtenir le poste de secrétaire national aux affaires sociales, puis aux relations extérieures. Il prend part activement aux campagnes présidentielles de Mitterrand en 1974 et 1981. La victoire de ce dernier lui apporte immédiatement un rôle politique national.
Monsieur « Franc fort »
Après un passage au secrétariat national de l’Elysée en 1981-1982, il est nommé ministre des affaires sociales de 1982 à 1984. Quand Fabius succède à Mauroy à Matignon, Bérégovoy obtient le portefeuille de l’économie et des finances. Jusqu’en 1992, les Premiers ministres se succèdent mais Pierre Bérégovoy conserve son ministère, à l’exception de la période de cohabitation de 1986 à 1988. Entre temps, en conquérant dès 1983 la mairie de Nevers puis en devenant député de la Nièvre en 1986, il a conforté son statut d’homme politique, passé par l’épreuve des urnes.
Partisan d’un franc fort pour stabiliser l’inflation, Pierre Bérégovoy est un représentant de la gauche moderne qui adhère à l’économie de marché tout en gardant des valeurs sociales. Ses compétences lui valent d’ailleurs la reconnaissance des milieux d’affaires, le respect de l’opposition mais aussi les surnoms de « Père la rigueur » ou « Monsieur Franc fort ».
En avril 1992, après l’échec d’Edith Cresson, il accède enfin au poste de Premier ministre. Toutefois, ce qui promettait d’être le point culminant de sa carrière devient une épreuve difficile. Engluée dans des scandales financiers, la gauche doit remonter le cap avant les élections législatives de 1993. De surcroît, le contexte économique ne lui est guère favorable et complique la tâche. Bérégovoy prend les devants en affirmant dès le début de son mandat que la lutte contre la corruption serait une de ses priorités.
Le déshonneur de Pierre Bérégovoy
Mais les instructions judiciaires visant les membres du gouvernement et les proches du Président ne cessent pas. Pire, elles se rapprochent du Premier ministre via son directeur de cabinet avant de le toucher directement. Bérégovoy est mis en cause dans l’affaire Pelat pour avoir obtenu un prêt d’un million de Francs à taux zéro. Cette révélation faite par le Canard enchaîné en février 1993 plombe considérablement la campagne des Législatives. Celles-ci tournent à la débâcle pour la gauche qui n’a jamais obtenu un nombre de sièges aussi faible sous la Cinquième République, même lors des Législatives anticipées de 1968 où la peur du péril rouge s’était transformée en véritable plébiscite en faveur de De Gaulle.
Le 1er mai, jour du suicide de Pierre Bérégovoy
Bien qu’il soit de son côté réélu député de la Nièvre, Pierre Bérégovoy considère qu’il est en partie responsable de cette défaite. Profondément déprimé, il met un terme à sa vie un mois après les élections, le 1er mai 1993, sur les bords d’un canal à Nevers. Il aurait réussi à subtiliser l'arme de service de son garde du corps quelques minutes avant de demander à faire une promenade seul au bord du canal. En ce jour de fête du travail, l’annonce de son suicide provoque un véritable choc en France.
Quelques jours plus tard, lors de son enterrement, où se côtoient les personnalités politiques de tout bord, Mitterrand rend hommage à son ancien Premier ministre et manifeste sa colère contre l’acharnement médiatique et judiciaire dans une phrase restée célèbre : « Toutes les explications du monde ne justifieront pas que l'on ait pu livrer aux chiens l'honneur d'un homme et finalement sa vie au prix d'un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d'entre nous. »
Suite à quelques incohérences dans certains témoignages, et notamment celui affirmant avoir entendu deux coups de feux, certaines enquêtes journalistiques ont mis en avant la possibilité d’un assassinat. Toutefois, des contre-enquêtes également faites par des journalistes mènent à des conclusions diamétralement opposées. Si certaines théories déterrent sporadiquement cette hypothèse, la thèse du suicide reste la plus communément admise et est reconnue par ses proches comme la plus crédible.
Pierre Bérégovoy : dates clés
- 2 avril 1992 : Pierre Bérégovoy Premier ministre
- Suite à la déroute du parti socialiste aux élections régionales, Edith Cresson présente sa démission à François Mitterrand après 11 mois passés à la tête du gouvernement. Le président de la République nomme un de ses plus fidèles collaborateurs pour lui succéder, Pierre Bérégovoy. Fier de ses origines modestes et de sa formation d'autodidacte, "Béré" restera en fonction jusqu'à la défaite du PS aux législatives de mars 1993. Il se suicidera deux mois plus tard.
- 23 mars 1993 : Deuxième cohabitation
- La droite remporte les élections législatives et contraint ainsi Mitterrand à appeler Edouard Balladur à la tête d’un gouvernement désormais de droite. Celui-ci succède à Pierre Bérégovoy et entame une cohabitation qui sera sans véritable accroc, d’où son nom de « cohabitation de velours ».
- 1 mai 1993 : Pierre Bérégovoy se suicide
- L'ex-Premier ministre (1992-1993) se donne la mort d'une balle dans la tête à Nevers, ville dont il était maire depuis 1983. Les rumeurs de malversations financières et la défaite du parti socialiste aux dernières élections ont été avancées pour expliquer ce geste. Lors de ses obsèques, le président François Mitterrand dira que "toutes les explications du monde ne justifieront pas que l'on ait pu livrer aux chiens l'honneur d'un homme", en visant implicitement les journalistes.