Thomas More : Utopie, décapitation... Biographie d'un humaniste
BIOGRAPHIE DE THOMAS MORE - Chancelier, philosophe et humaniste anglais, il fut un homme politique important, qui s'opposa aux thèses de Luther. Retour sur la vie de l'auteur de l'Utopie.
Biographie courte de Thomas More - Thomas More est un philosophe, humaniste et homme politique du XVIe siècle, né le 7 février 1478 à Londres (Royaume-Uni) et mort décapité le 6 juillet 1535 dans la même ville. Respecté pour son intégrité et son érudition de son vivant, il était un membre important de l'entourage du roi Henri VIII, mais celui-ci se retourna contre lui, entraînant la mort de l'auteur de l'ouvrage "Utopie".
Formation et famille
Fils de l'homme de loi John More, Thomas More devient, de 1490 à 1492, page du cardinal Morton, archevêque de Cantorbéry. Celui-ci lui permet d'intégrer l'université d'Oxford. Son père l'envoie ensuite faire des études de droit à partir de 1494 à New Inn puis Lincoln's Inn où il a comme maître John Colet et Erasme. Devenant avocat à 21 ans, il défend les marchands de la City, enseigne le droit jusqu'en 1510 puis devient par la suite juge, élu par les habitants de Londres.
Après une retraite en 1503 à la chartreuse de Londres, il épouse Jane Colt en 1505. Ils ont trois filles et un fils puis, sa femme décédée en 1511, il se marie de nouveau, avec une veuve et mère de deux enfants, Alice Middleton.
Carrière politique
Sous le règne du roi Henri VII, Thomas More devient membre du parlement en 1504 et s'insurge contre les taxes qui finance la guerre d'Ecosse. Son père emprisonné, il est obligé de se retirer en France en 1508. Il revient en Angleterre suite à l'avènement du nouveau roi. Sous le règne d'Henri VIII, il connaît une prodigieuse carrière politique. Il entre rapidement au service du roi comme maître des requêtes en 1514, puis devient membre du conseil privé du roi en 1518. Il est aussi chargé de faire du commerce en Flandre, en 1515. C'est durant ce voyage qu'il écrit en latin une partie de son oeuvre majeure, "L'Utopie", parue en 1516. En 1521, il est nommé trésorier de la Couronne et, en 1523, réfute, à travers des écrits, les théories protestantes de Martin Luther. Thomas More entretient également avec Érasme, grand écrivain du XVIe siècle, une amitié profonde. En 1529, il accède au poste important de grand chancelier du royaume, devenant le premier laïc nommé et est très proche du roi.
Les ruptures avec Henri VIII
La relation que Thomas More possède avec le roi est entachée par le désir de celui-ci d'épouser Anne Boleyn, afin d'avoir un fils légitime. En effet, sa femme, la reine Catherine d'Aragon, ne lui donne pas d'héritier mâle, ce qui est appelé "la Grande Affaire du roi". Ainsi, la solution la plus rapide est pour lui d'annuler son mariage et d'épouser Anne Boleyn, sa maîtresse. Le Pape ne veut pas annuler le mariage entre Henri VIII et Catherine d'Aragon, le roi rompt donc avec Rome. Thomas More, de son côté, est également contre ce mariage. La rupture avec le roi Henri VIII se concrétise lorsqu'en 1531, il refuse de reconnaître l'acte de Suprématie qui permet au roi de prendre la place du pape, à la tête de l'Église catholique d'Angleterre, et donc de s'accorder lui-même le droit de divorcer. Malgré une tentative de démission, Thomas More est obligé de signer l'acte.
Jugement et décapitation
En 1532, Thomas More est relevé de ses fonctions, prétextant des douleurs à la poitrine. Il refuse d'assister le 1er juin 1533 au couronnement d'Anne Boleyn. Son absence est considéré par la cour comme une insulte envers elle. Il est accusé ensuite d'avoir accepté des pots-de-vin mais les charges sont rapidement abandonnées, faute de preuves. Le 13 avril 1535, ne reconnaissant pas l'Acte de succession du Parlement, il est accusé de haute trahison et emprisonné à la tour de Londres. Lors de son jugement le 1er juillet 1535, Thomas More est déclaré "coupable de trahison" et condamné à être pendu, éviscéré et écartelé, mais le roi lui accorde une faveur et change sa sentence en décapitation. Ainsi, le 6 juillet 1535, Thomas More est décapité.
Quelques siècles plus tard, en 1886, il est béatifié par l'Église catholique, puis canonisé en 1935. En 2000, il est fait saint patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques par le pape Jean-Paul II.
Utopia (Utopie)
Thomas More est également resté célèbre pour son texte fondamental, "L'Utopie", écrit en latin et dans lequel il dénonce la tyrannie du système politique. Son ouvrage préfigure le genre littéraire des utopies, récits idéalistes et futuristes. Il y met en scène une société parfaite et dénonce à travers elle la corruption et les aberrations du système anglais, et les injustices envers les plus démunis.
Le livre de Thomas More est composé de deux parties. La première partie est un dialogue imaginaire entre Thomas More et Raphaël Hythlodée, qui fait la critique de la chrétienté du début du XVIe siècle, entre pauvreté, guerre, lois injustes et vie de cour. La deuxième partie est centrée sur le monologue d'Hythlodée, qui fait la description d'une île imaginaire du nom d' "Utopie". Sur cette île, les habitants, hommes et femmes, sont tous égaux et ne connaissent pas la propriété privée. ils vivent de fait au sein de clans, qui sont dirigés par l'homme le plus âgé de chaque clan. L'agriculture est l'activité principale de cette île. L'administration de chaque ville est faite par un conseil élu et, une fois par an, un sénat de 162 membres se réunit. La discussion publique guide les affaires politiques et il n'existe pas de religion spécifique, juste deux dogmes : l'âme est immortelle et la providence divine gouverne le monde. Celui ou celle qui refuse de croire en ces dogmes est exclu de la société, sans violence physique. La galanterie, le flirt et l'adultère sont punis, c'est également le cas pour les relations sexuelles avant le mariage.
Ainsi, à travers son ouvrage "Utopie", qui signifie "nulle part" en grec, Thomas More défend l'ouverture d'esprit et invite à expérimenter et à discuter ensemble, dans le but d'améliorer la société, sur fond d'emprunt à la chrétienté et à l'Antiquité païenne.
Institut Thomas More
Un institut au nom de Thomas More est fondé en 2004. C'est un laboratoire d'idées, ou club de réflexion, européen et indépendant (également appelé Think tank), qui se situe à Bruxelles et à Paris. Se réclamant du libéral-conservatisme, l'institut est centré sur l'Europe, ses enjeux et la politique étrangère avec la France. Il possède trois objectifs précis : influencer ; échanger et agir. Il a aussi mis en place six programmes de recherche pluridisciplinaire : vivre l'Europe ; enjeux internationaux ; immigration et intégration ; société et culture ; économie et compétitivité ; institutions et vie politique.
Sur leur site, ils expliquent pourquoi ils ont rattaché le nom de Thomas More à leur Institut : "L'idée de prendre la figure de Thomas More pour référence s'est naturellement imposée aux fondateurs de l'Institut Thomas More. Humaniste, savant, personnage de dimension européenne, Thomas More (1478-1535) a été fait saint patron des responsables politiques et de la vie politique par le pape Jean-Paul II en l'an 2000. Par sa vie, et jusque dans sa mort, il a montré ce que la force du courage, la paix des convictions et la confiance dans l'action pouvaient réaliser. Sa vie est un exemple, une leçon, un encouragement".
Thomas More ou L'homme libre de Jean Anouilh
"Thomas More ou l'homme libre" est une pièce de théâtre costumée, écrite par Jean Anouilh. Elle est sa dernière pièce puisqu'elle est publiée quelque temps après sa mort en 1987. Elle raconte les derniers instants de la vie de Thomas More de manière humoristique, avant sa décapitation. A l'origine, la pièce était un scénario qui a été écrit dans les années 60, les dialogues sont d'ailleurs considérés comme très littéraires. Dans cette pièce, Jean Anouilh met en avant un homme qui donne sa vie pour ses valeurs et ses opinions, dans une pleine solitude mais avec une bonne humeur exacerbée.