Bernard Tapie : les affaires, la politique, l'OM, la maladie... Bio express
Bernard Tapie est un homme d'affaires et homme politique français né le 26 janvier 1943 à Paris et mort d'un cancer le 3 octobre 2021, à l'âge de 78 ans.
Une jeunesse tournée vers le spectacle et la chanson
Né à Paris en 1943, Bernard Tapie commence sa carrière professionnelle dans le monde du spectacle. Titulaire d'un simple certificat d'études primaires (il a abandonné des études d'électricité industrielle), il sera d'abord vendeur de postes de télévision dans les années 60, puis tentera de percer dans le show-business, avec l'espoir de devenir une star populaire sous le nom de Bernard Pascal pour la comédie, puis celui de Bernard Tapy pour la chanson. Il aurait aussi tenté une carrière de coureur automobile. Faute de succès, il se tournera rapidement vers le monde des affaires dans les années 70 et se spécialisera dans l'achat d'entreprises en dépôt de bilan.
Remarqué notamment pour le rachat et la relance de Seb dans les années 1980, Bernard Tapie va en quelques années devenir une personnalité médiatique importante du paysage audiovisuel français. C'est aussi durant cette décennie qu'il rencontre, François Mitterrand et qu'il s'engage politiquement à Marseille. Son charisme et sa gouaille seront un temps considérés comme une arme contre la montée de Jean-Marie Le Pen et du Front national.
La politique : Bernard Tapie devient ministre
En 1989, Bernard Tapie est élu député dans les Bouches-du-Rhône et occupera les postes de ministre de la Ville pendant quelques mois (1992-1993) avant d'être élu député européen de 1994 à 1997. Dans la cité phocéenne, il va également s'impliquer dans le sport. De 1986 à 1993, il est le propriétaire et président de l'Olympique de Marseille. Sous sa houlette, l'OM remporte 4 titres de champion de France, une Coupe de France et la Ligue des Champions en 1993. L'OM connaît alors, avec Tapie aux commandes, les plus belles pages de son histoire.
Toutefois, Bernard Tapie va connaître rapidement ses premiers problèmes avec la justice. A partir de 1993, il est impliqué dans l'affaire qui l'oppose au Crédit Lyonnais. Il est condamné à une peine de prison en 1995 pour corruption suite à l'affaire VA-OM. Cette condamnation mettra fin à sa carrière politique. Il se reconvertit dans le théâtre, le cinéma, la télévision, tente un retour raté au poste de président de l'OM à la fin des années 90 sous le mandat de Robert Louis-Dreyfus, rachète le journal La Provence, en difficultés, en 2013, puis se fait plus discret. Frappé par un cancer de l'estomac en 2017, il est mort le 3 octobre 2021, à l'âge de 78 ans.
OM-Valencienne, la première grosse affaire
Tour à tour entrepreneur, chanteur, président de l'Olympique de Marseille, ministre, acteur ou encore patron de presse, Bernard Tapie a aussi été un personnage sulfureux, impliqué et condamné dans plusieurs affaires. La première grande affaire qui le met en cause sera celle du match de foot truqué entre l'Olympique de Marseille et Valenciennes, dite "VA-OM". Le 20 mai 1993, l'OM s'imposait en effet sur la pelouse de Valenciennes (0-1) au cours d'un match de D1, à quelques jours de sa finale de légende en Ligue des champions, remportée contre l'AC Milan. Accusés d'avoir acheté des joueurs de Valencienne pour qu'ils lèvent le pied et ménagent les Marseillais avant ce rendez-vous historique, les dirigeants de l'OM seront bientôt poursuivis. Bernard Tapis sera notamment condamné pour complicité de corruption et subornation de témoins et passera 165 jours en prison en 1997 pour cette affaire.
Il sera ensuite condamné dans d'autres dossiers qui aboutiront à sa mise en liquidation judiciaire et la perte de tous ses mandats. Bernard Tapie comparaissait encore en mai 2021, très affaibli par son cancer (lire plus bas) mais combatif, devant ses juges dans un des volets de "l'affaire de sa vie" : son conflit financier de près de trente ans avec le Crédit Lyonnais autour de la revente de l'équipementier sportif Adidas.
Adidas et le Crédit Lyonnais, "l'affaire de sa vie"
Rachetée par Bernard Tapie 1990, en perte de vitesse et au bord du dépôt de bilan, la marque de sport allemande va renaître sous la houlette de l'homme d'affaires. Mais, trois ans plus tard, "Nanard" est contraint de revendre l'entreprise pour pouvoir s'adonner à ses activités politiques. L'acheteur, le Crédit lyonnais, sera plus tard accusé par Bernard Tapie d'un montage opaque, qui l'aurait berné au moment de la transaction, le mettant en faillite.
La longue procédure qui s'en suit aboutit, en 2008, à un arbitrage qui évite aux deux parties d'aller devant un tribunal. Et celui-ci est très favorable à Bernard Tapie, qui empoche alors 403 millions d'euros. De quoi attirer les soupçons de complaisances, de soutien caché dans le monde politique, voire de trucage. Dénoncé par un recours, l'arbitrage sera annulé en 2017 et Bernard Tapie condamné à rembourser la somme perçue.
Un dernier procès en appel a eu lieu en mai 2021 dans cette affaire. Si les premiers débats se sont tenus en présence du principal intéressé, ils se sont en revanche clos sans le mis en cause. Le parquet général avait requis cinq ans de prison avec sursis et 300 000 euros d'amende pour "complicité d'escroquerie" et "détournement de fonds publics" contre Bernard Tapie au moment de sa mort, trois jours avant le délibéré que devait rendre la Cour d'appel de Paris.
La justice ne prononcera rien à l'encontre de l'ancien homme d'affaires, ni relaxe, ni condamnation. A la mort de Bernard Tapie, elle constatera simplement l'extinction de l'action publique à son encontre, clôturant ainsi un dossier vieux de trente ans. Ou presque. Car il y aura tout de même un délibéré concernant cinq autres prévenus : Stéphane Richard, PDG d'Orange et directeur de cabinet de Christine Lagarde, ancienne ministre de l'Economie en 2008, Maurice Latourne, avocat historique de Bernard Tapie, Pierre Estoup, un ex-magistrat, et deux autres hauts fonctionnaires.
Sa femme Dominique et une famille autour du "pilier"
Sa famille, Bernard Tapie l’a construite avec deux femmes. D’abord dans les années 1960 lorsqu’il tombe amoureux de Michèle Layec. A cette époque, il tente alors de se lancer dans la musique. Toujours restée très discrète, Michèle Layec est la mère de Nathalie et Stéphane, après que le mariage avec Bernard Tapie ait été célébré en 1964 à Rosny-sur-Seine.
Mais l’idylle prend fin lorsque l’homme d’affaires rencontre l’une de ses employées, Dominique Mialet-Damianos. Elle a alors 20 ans. Le couple officialise sa relation en 1973 et voit arriver successivement Laurent et Sophie Tapie. Bernard et Dominique Tapie ne se quittent plus. En 2018, la première épouse de l’ex-patron de l’OM, avec qui il gardait des liens étroit, est décédée d’une leucémie.
Qui sont les enfants de Bernard Tapie ?
Bernard Tapie est donc le père de quatre enfants. Nathalie, restée discrète sur sa vie, Stéphane et Laurent, tous deux placés à des postes stratégiques du groupe La Provence, et Sophie, lancée dans une carrière de chanteuse. De cette descendance, l'ancien ministre de Mitterrand a vu arriver neuf petits enfants et un arrière petit-fils. Le tout, sous la coupe du "pilier de la famille", sa seconde épouse, Dominique, toujours présentée comme le soutien sans faille à Bernard Tapie et sa conseillère de l'ombre.
Un cancer de l'estomac puis une maladie généralisée
En septembre 2017, Bernard Tapie avait révélé être atteint d'un cancer de l'estomac. En quelques années, son état de santé s'est fortement dégradé et la maladie s'est propagée dans le corps : "J'ai l'œsophage, l'estomac, les poumons et maintenant le cerveau" touchés, avait-il confié dans une interview au 20 Heures de TF1, le 26 avril 2021. En mai la même année, il avait même été hospitalisé au cours de son ultime procès (lire plus haut).
Lors d'un entretien sur LCI au mois de juillet 2021, l'ancien propriétaire d'Adidas expliquait avoir, pendant un mois, "souff[ert] le martyr du matin au soir, à ne pas pouvoir me lever, manger." Violemment agressé à son domicile lors d'un cambriolage début avril 2021, il apparaissait sur des photos très affaibli, le visage tuméfié.
Le 21 septembre 2021, sur le plateau de BFM TV, sa fille Sophie invitée pour parler de son dernier album, avait brièvement évoqué l'état de santé de son père. "Il va comme quelqu'un atteint d'un cancer au stade 4 (...) Il faut avancer", expliquait-elle. "C'est chronique, il y a des jours ou ça va super bien et on se dit qu'il n'aura plus besoin de chimio, et puis trois jours après il y a une rechute, puis on se dit c'est la fin... Et finalement tout revient".
En mai 2021, Stéphane Tapie, fils de Bernard Tapie, avait aussi évoqué "de nouvelles tumeurs" sur l'antenne de BFM TV. "Aujourd'hui, il en a une au cerveau, soignée par radiothérapie, deux dans les reins, dans l'abdomen, il en a un peu partout de petites tailles. Il a de la chimiothérapie, de l'immunothérapie. Il a eu une intervention chirurgicale. Les chances statistiques à ce stade-là sont épouvantables".
Fortune, justice, religion... Le "testament" de Bernard Tapie
Dans "Bernard Tapie. Leçons de vie, de mort et d'amour" (Ed. Les Presses de la Cité), paru le 10 juin 2021, l'écrivain et éditorialiste au Point Franz-Olivier Giesbert a livré les dernières confidences, puissantes, de son ami. Surnommé "le professionnel de la survie" par FOG, Bernard Tapie y livrait ses vérités. Voici des extraits de ce qui ressemble à un testament, de la part d'un homme controversé.
Bernard Tapie : "La mort appartient à chacun"
Bernard Tapie est finalement décédé le dimanche 3 octobre 2021 après des années de combat contre le cancer. Si les rares informations qui circulaient sur l'évolution de son état de santé faisaient part d'une dégradation continue, Bernard Tapie avait indiqué sur LCI quelques semaines avant son décès vouloir "anticiper le rendez-vous définitif". Sa femme tentera de l'en dissuader, jugeant que "parfois le corps médical peut se tromper sur le pronostic irréversible des douleurs".
Mais Bernard Tapie avait martelé vouloir choisir sa fin. "La mort appartient à chacun. Chacun a sa mort et chacun doit la vivre comme il le sent." Bernard Tapie avait aussi choisi l'humour pour répondre à la publication d'un article du Monde, signalant par erreur son décès le 31 octobre 2019. "Je viens d'avoir Bernard Tapie au téléphone. Il m'a dit en plaisantant : "'L'annonce de ma mort par Le Monde est, comme disait Mark Twain, 'très exagérée'', assurait alors Franz-Olivier Giesbert. Une nécrologie intitulée "La mort de Bernard Tapie, l'homme aux mille vies", avait été publiée sur Internet. L'article, écrit par les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme avait été dépublié moins de 20 minutes après sa mise en ligne.
Bernard Tapie s'était aussi exprimé sur LCI au sujet de cette étrange annonce : "Quand on se bat comme moi pour qu'elle n'arrive pas et que quelqu'un l'annonce alors qu'elle n'a pas encore eu lieu, il vaut mieux le prendre avec humour", avait déclaré l'homme d'affaires.
Les obsèques et les hommages
Les funérailles de Barnard Tapie se sont déroulés le vendredi 8 octobre 2021 à Marseille, après de nombreux hommages pendant une semaine. Emmanuel Macron et son épouse Brigitte ont souligné "l'ambition, l'énergie et l'enthousiasme (qui) furent une source d'inspiration pour des générations de Français". Dans une lettre aux Marseillais publiée par le quotidien La Provence sur son site internet, le chef de l'Etat estimera que c'est "le visage de la victoire (qui) s'en est allé".
De la messe à Paris à l'église Saint-Germain-des-Prés en passant par un événement populaire au Stade Vélodrome, où le cercueil de Bernard Tapie a été déposé au centre de la pelouse, les hommages seront nombreux et spectaculaires.
Symbole de cet homme aussi détesté qu'adulé, pour ses funérailles, un gigantesque cortège mené par les supporters marseillais, va accompagner le cercueil de l'ancien président de l'OM, dans une "ambiance" digne d'un stade de foot. Lors de la cérémonie à la cathédrale la Major, le ton sera beaucoup plus solennel avec des prises de paroles de plusieurs proches, notamment dans le monde politique, comme Renaud Muselier, Jean-Louis Borloo, Benoît Payan... L'un des petits fils de Bernard Tapie, Rodolphe Tapie, a également pris la parole en livrant un hommage plein d'humour et anecdotes impliquant le reste de la famille, comme Sophie Tapie pour son "Daddy".
L'hommage de son pire ennemi, Eric de Montgolfier, procureur de Valenciennes lors de l'affaire VA-OM, sera plus nuancé. "Ses défauts étaient sans doute à la mesure de ses qualités", va-t-il témoigner sur franceinfo. "Il avait quand même un sens du réel un peu particulier. Le réel, c'était ce qu'il avait décidé, ce qu'il voyait, ce qu'il voulait nous faire voir le plus souvent".